Aider les écoles à intégrer le numérique, c’est l’objectif de ces deux entrepreneurs

Philippe Van Ophem et Daniel Verougstraete, fondateurs de l'ASBL EducIT © PG

Constatant l’absence du digital dans les classes du secondaire, Daniel Verougstraete et Philippe Van Ophem ont lancé l’ASBL EducIT. Leur but ? Mettre en place les bases d’un système pour à la fois équiper les élèves en outils digitaux, augmenter le plaisir d’apprendre et seconder les professeurs dans la mise en place d’un enseignement plus performant, grâce aux outils modernes.

“La réinvention de l’école sera la condition d’un sauvetage fondamental : celui de l’Humanité tout entière. ” Dans son livre La Guerre des intelligences, le docteur Laurent Alexandre, futurologue et observateur de l’intelligence artificielle, ne mâche pas ses mots sur la nécessité de faire bouger le monde scolaire. Il n’est pas le seul : la plupart des intellectuels français et belges souhaitent voir l’école évoluer.

Pères de quatre enfants chacun, les deux serial entrepreneurs Daniel Verougstraete et Philippe Van Ophem ont fait le même constat et décidé de retrousser leurs manches. Les deux hommes sont des entrepreneurs avertis. Le premier a fondé et dirigé plusieurs start-up (OpenHR, Routing International et Retail Drive) revendues depuis. Le second a cofondé et revendu plusieurs boîtes également, parmi lesquelles Neosys, Euremis et plus récemment myShopi. ” Nous bénéficions d’un parcours au cours duquel nous avons eu la chance de rencontrer le succès et nous avions, tous les deux, la volonté de lancer une initiative plus sociétale que commerciale. Nous voulions surtout avoir un impact systémique “, détaille Daniel Verougstraete.

Si nous équipions tous les élèves de quatrième, cinquième et sixième d’un Chromebook, cela représenterait un budget annuel de 2 millions d’euros. C’est réaliste !

Conscients des enjeux liés au numérique et des nouvelles compétences qui seront demandées aux jeunes, ils connaissent les défis que le digital représente pour le monde de l’école. Alors que le slogan ” Tous codeurs ” a le vent en poupe, ils savent qu’il faut, avant d’en arriver là, que chacun puisse maîtriser les bases du digital. Les deux entrepreneurs constatent que celui-ci n’a toujours pas percé dans les établissements scolaires. Ayant rencontré des profs et des directeurs d’école, Daniel Verougstraete et Philippe Van Ophem constatent une envie chez les enseignants mais aussi une certaine crainte : ” Beaucoup se montrent réticents car ils ont l’impression que les enfants en savent plus qu’eux en matière de digital, ce qui n’est pas forcément le cas “. La première idée du projet consiste à former les profs à une série d’outils gratuits qu’ils peuvent mettre à profit dans leurs classes.

Alors qu’une vingtaine de profs testent la formule lors d’une journée au sein de l’espace BeCentral, les enseignants se disent ravis. Seul hic : ils déclarent qu’ils ne pourront pas le mettre en pratique. Soit en raison d’un manque d’infrastructures IT dans leur école (accès au wi-fi dans certaines classes mais pas d’autres, etc.), de freins de la direction en raison de matériel inexploité par le passé ou parce que les autres professeurs de l’école ne sont pas motivés. Bref, un coup dans l’eau.

Equipement + formation

C’est accompagnés de Lise Galuga, une Canadienne en charge de la mise en place du digital dans les écoles francophones de l’Ontario, que les deux serial entrepreneurs cherchent une nouvelle approche. Ils examinent les initiatives menées en Flandre et dans les autres pays et analysent les conditions qui font le succès des projets liés au numérique dans les écoles. Le résultat s’appelle ” La Rentrée numérique ” qu’ils lancent au travers de l’ASBL EducIT. Le concept regroupe à la fois l’équipement matériel des élèves et l’encadrement des professeurs dans leurs démarches numériques.

Au sujet du matériel, EducIT opte pour l’équipement individuel de chaque élève (et chaque prof). Dans le modèle imaginé par les deux entrepreneurs, l’école centralise l’équipement en définissant un cahier des charges dans le cadre d’un appel d’offres. Les initiateurs de la Rentrée numérique émettent quelques recommandations que les écoles peuvent (ou pas) suivre. Leur suggestion porte sur l’utilisation d’un ordinateur portable Chromebook de Google. ” Le moins cher et le plus simple à gérer car il ne nécessite pas de maintenance et d’installation “, insistent Philippe Van Ophem et Daniel Vergoustraete. Son coût ? 330 euros. Mais cela ne devrait pas être un frein, assure le duo. Ils ont prévu le coup : l’ordinateur devrait faire l’objet d’une location (contrat de leasing auprès d’un prestataire indépendant) de la part des parents. Une dépense qui entre en adéquation avec les réglementations en matière du coût de la scolarité : ce qui a été validé par des juristes.

Financé par les parents et le public

Concrètement, les élèves de quatrième, ciblés dans un premier temps par l’initiative, loueront l’ordinateur pour 20 euros par trimestre (sauf en été), durant trois ans. Ils financent donc 180 euros de la machine. Pour en être propriétaire, à la fin du leasing, ils peuvent payer 30 euros supplémentaires. Reste 120 euros que les deux partenaires comptent faire entrer dans une enveloppe publique, dans le cadre des initiatives menées par la Région wallonne, entre autres. Cette dernière alloue actuellement déjà 8 millions d’euros par an pour l’équipement numérique des écoles. ” Ce n’est pas incompatible, répondent en choeur les fondateurs d’EducIT. Si nous équipions tous les élèves de quatrième, cinquième et sixième d’un Chromebook, cela représenterait un budget annuel de 2 millions d’euros. C’est réaliste ! ” Et pour les élèves dont les parents n’ont pas les moyens de débourser, eux-mêmes, les 20 euros tous les trois mois ? ” Nous avons ouvert un fonds au travers de la Fondation Roi Baudouin qui sera alimenté par des mécènes privés et des entreprises et qui pourra prendre en charge le matériel des familles moins aisées “, répond Philippe Van Ophem.

Bien sûr, le matériel n’est qu’un volet de la Rentrée numérique. L’autre grand volet comprend l’accompagnement des équipes pédagogiques. Pour cela, EducIT met à disposition des écoles deux techno-pédagogues qui peuvent soutenir les professeurs dans leurs projets. Ils sont là, d’une part, pour aider à la configuration et la prise en main du matériel et, d’autre part, pour aiguiller les enseignants dans la réalisation de projets numériques, six mois avant leurs élèves. ” Le formateur explique aux professeurs tout ce qu’il est possible de faire, détaille Philippe Van Ophem. Ensuite, il se rend plusieurs jours par mois dans l’école pour construire leurs projets avec eux. Cela pendant cinq ou six mois. ” A terme, si tout se passe comme prévu, les techno-pédagogues impliqués seront ceux prévus par le Pacte d’excellence, payés par les réseaux et financés par la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Maîtriser autre chose qu’Instagram

Au final, l’objectif est évidemment de faire entrer le numérique comme outil pédagogique, de permettre tant aux professeurs qu’aux élèves de manipuler les technologies modernes. Et d’acquérir des compétences que ne leur apportent pas les plateformes comme Instagram, Snapchat ou Facebook qu’ils fréquentent constamment. Bien sûr, l’enjeu du concept de la Rentrée numérique consiste à convaincre, dès le départ, les directeurs d’école, les profs et les parents. Pour cela, le duo d’EducIT organise des séances d’informations auprès des écoles pour détailler le projet, répondre aux questions et lever toutes les craintes.

Pour l’instant, EducIT est en phase pilote dans quatre écoles réparties à Bruxelles et en Wallonie (Dinant, Verviers, Gembloux). Sept cents élèves répartis dans 28 classes sont concernés et plus de 220 professeurs sont en train d’être équipés. ” L’accueil est exceptionnel “, se réjouissent Philippe Van Ophem et Daniel Vergoustraete. Ces derniers sont d’ailleurs très fiers de compter sur le soutien de tous les réseaux scolaires. ” Tous trouvent que la démarche a du sens “, assurent-ils. Reste bien sûr à valider les premiers résultats l’année prochaine et à élargir l’expérience pour que, d’ici quatre à cinq ans, toutes les écoles francophones soient concernées et… numériquement à la page.

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