Accalmie en vue pour les hausses de prix

Les hausses des prix s'appliquent sur tous les segments du marché. Tant le haut de gamme, que le moyen ou l'entrée de gamme. © belgaimage

La crise du Covid-19 a boosté les prix et la demande. Les candidats-acquéreurs profitent toujours d’indicateurs particulièrement favorables. Le maintien d’une offre en rade pour les maisons et les appartements, au même titre qu’une baisse du revenu des ménages, pourrait freiner l’activité. La croissance des prix devraient diminuer en 2021.

Insubmersible, insensible, résilient. Le marché résidentiel belge a, à nouveau, rassemblé les qualificatifs ces derniers mois. Et continue, malgré le contexte pandémique, à être particulièrement dynamique. Après avoir sauvé les meubles en 2020 malgré quelques semaines d’arrêt forcé, l’immobilier belge continue sur sa lancée en 2021. Son activité est restée très importante lors du premier trimestre. Avec même, dans certaines régions du pays, une surchauffe de la demande. “Tous les feux restent actuellement au vert”, confirme Steven Trypsteen, économiste chez ING. A savoir des comptes en banque qui débordent, des taux d’intérêt bas, une confiance des ménages dans l’immobilier, un taux d’endettement faible, une fiscalité stable et d’autres actifs financiers (obligations, Bourse, etc.) en difficulté. “Et, surtout, un soutien accru du gouvernement vu la situation actuelle, de manière à éviter des baisses de revenus et une hausse du taux de chômage”, précise Véronique Goossens, chef économiste chez Belfius. De quoi garder une nouvelle fois la tête hors de l’eau. Reste à savoir jusqu’à quand certains éviteront la noyade en matière de revenus.

Avec une inflation immobilière réelle de 2,3%, la Belgique reste sous la moyenne de la zone euro en la matière et ne se trouve pas dans la zone de danger.” Véronique Goossens (Belfius)

Si l’activité a finalement baissé de 2,7% en 2020 par rapport à 2019, les derniers chiffres des notaires montrent que le nombre de transactions effectuées entre janvier et mars était supérieure à l’an dernier (+ 11%). Avec une activité importante en Wallonie (+ 9%) et en Flandre (+ 15%) et en recul à Bruxelles. “Il faut toutefois relativiser ces chiffres car le début d’année 2020 avait été intense à Bruxelles, pointe le notaire Renaud Grégoire. Les chiffres actuels sont d’ailleurs supérieurs à ce que l’on observait en 2019. Le marché est dynamique dans toutes les Régions du pays, c’est incontestable.” Plusieurs facteurs ont permis jusqu’à présent de ne pas être balayé par la vague du Covid-19. Une pandémie qui a également fait apparaître de nouveaux besoins et enjeux. Tour d’horizon.

1. Une demande qui reste élevée

“Il y a une certaine euphorie qui a envahi le marché ces derniers mois, lance Renaud Grégoire. Mais il faut reconnaître que nous naviguons quelque peu à vue.” Pour expliquer cet emballement de la demande, les raisons sont multiples. La première, et ce n’est pas nouveau, c’est le fait que les investisseurs sont toujours bien présents. L’immobilier semble rester l’actif le plus stable à leurs yeux. Un élément qui tire le marché vers le haut depuis de nombreuses années. Deux, bon nombre de ménages ont des envies d’ailleurs. “Avec les différents confinements, les gens sont à la recherche d’espace, estime Renaud Grégoire. Il y a un vrai engouement pour les maisons avec jardin et les appartements avec terrasse.” Résultat: les villes secondaires reprennent du poil de la bête et le fait urbain semble pâtir de cette situation. Il s’agira d’un enjeu clé des prochains mois: les politiques d’aménagement du territoire visant une diminution de l’étalement urbain et une densification seront-elles mises à mal par les nouveaux besoins engendrés par la pandémie?

2. Une offre en rade

Bon nombre de propriétaires ont hésité à mettre en vente leur bien ces derniers mois, vu le contexte incertain. Résultat: les agences immobilières multiplient les appels pour tenter d’attirer un bien dans leur escarcelle. “Cette insécurité autour des vendeurs a été régulièrement avancée, lance Eric Verlinden, CEO du réseau immobilier Trevi. Pourtant, a contrario, cette insécurité n’a pas du tout impacté les candidats-acquéreurs. Ce qui est assez contradictoire. La présence d’investisseurs peut éventuellement expliquer cette situation.” Et Renaud Grégoire d’ajouter: “Sans parler du fait que certains acheteurs ne vendent plus leur ancien bien dans la foulée. Ils estiment que, vu le contexte économique, il est plus favorable de garder son appartement ou sa maison sous forme d’investissement plutôt que de s’en séparer.” Un déficit de l’offre qui fait que tout se vend actuellement, même les fonds de tiroir présents sur le marché depuis de longs mois. “Cela ne se traduit pas encore dans les chiffres, mais je vois toutefois apparaître, d’après ce que me remontent mes équipes, que de plus en plus de propriétaires sont en train d’acter la décision de vendre, précise Eric Verlinden. On devrait donc à nouveau avoir une offre plus conséquente dans les prochaines semaines.”

Véronique Goossens
Véronique Goossens© KRISTOF VADINO

A côté de ces constats qui concernent le marché secondaire, la problématique de l’offre du marché neuf se fait également sentir. Essentiellement à Bruxelles, où le stock d’appartements en cours de commercialisation n’a jamais été aussi bas. Les nouveaux retards dans la délivrance des permis n’ont fait qu’accentuer une problématique déjà latente. Ce déficit du neuf rejaillit sur tout le marché immobilier et tend à faire grimper le prix des petits appartements anciens.

3. Des prix qui s’envolent

Une demande élevée et une offre en rade: il ne faut pas avoir fait de grandes études économiques pour comprendre que ce phénomène de raréfaction tire les prix vers le haut. Sur certains segments, surtout celui de la maison avec jardin, la demande est très élevée. Et ce, partout dans le pays. Il ne faut que quelques jours pour voir certains biens trouver acquéreur. “A des prix parfois 20% plus élevés que ce qu’espérait le vendeur”, s’étonne Renaud Grégoire. D’autant qu’un phénomène d’enchères (faire offre à partir de…) voit de plus en plus le jour, entraînant un déficit de transparence. Et le notaire d’ajouter: “La demande se concentre surtout sur ceux qui ont un pouvoir d’achat élevé, qui disposent de deux revenus. Ce qui tire bien évidemment les prix vers le haut puisque leur capacité d’achat est plus importante”. Une situation qui semble en tout cas ne pas être un phénomène typiquement belge. “Les prix ont augmenté dans de nombreux pays européens, contrairement à ce à quoi on aurait pu s’attendre vu le contexte de crise économique et sanitaire”, précise Steven Trypsteen. “Ce qui est surtout nouveau, c’est le fait que ces hausses de prix sont globales, lance Eric Verlinden. Elles s’appliquent sur tous les segments du marché. Tant le haut de gamme que le moyen ou l’entrée de gamme. Dans toutes les régions. Et sur tous les types de biens: terrains à bâtir, villas de trois et quatre façades qui s’ajoutent aux studios et appartements d’une et deux chambres qui performent habituellement. Il n’y a plus de segmentation dans les hausses.”

Une situation qui entraîne une forte surévaluation des biens immobiliers. Selon la Banque nationale, elle a doublé, passant de 7 à 13,5%. Cette situation ne signifie toutefois pas que les prix baisseront dans les prochaines années, plusieurs facteurs entrant en jeu. Dont la croissance des revenus. Si elle augmente, cela atténue, par exemple, la surévaluation des biens immobiliers. “Avec une inflation immobilière réelle de 2,3%, la Belgique reste sous la moyenne de la zone euro en la matière et ne se trouve pas dans la zone de danger”, ajoute Véronique Goossens, chef économiste chez Belfius.

4. A quoi s’attendre d’ici la fin de l’année?

Le prix médian d’une maison a augmenté de 4% en 2020 et celui d’un appartement de 9%, selon les notaires. Pour le premier trimestre 2021, les prix sont toujours à la hausse (+ 2% pour les maisons et + 1,4% pour les appartements). Quid de la suite? Deux scénarios sont sur la table du réseau immobilier Trevi. Soit l’offre et la demande se retrouvent, entraînant un rééquilibrage du marché et une hausse des prix de 5% pour 2021, suivie alors d’une croissance plus ténue de 2 à 3% pour 2022 et 2023. Soit ce n’est pas le cas et les prix s’envolent de 10% pour cette année, avant une correction de 2 à 4% pour les années suivantes. “Le premier scénario est le plus probable vu la recherche de stabilité des acquéreurs et des investisseurs, estime toutefois Eric Verlinden. Ces augmentations sont à relativiser. Nous sommes encore dans une logique de marché. Il n’y a pas de hausse incontrôlée et dangereuse des prix.”

Du côté les banques, toujours un peu plus pessimistes, ING avance quant à elle une hausse des prix de 3% en 2021 et de 2% en 2022. Belfius pointe de son côté une stabilisation pour 2021 (- 0,1%) et une légère hausse pour 2022 (+ 0,7%). “Alors que, l’an dernier, les prix immobiliers augmentaient chaque trimestre, ils vont à présent diminuer systématiquement, prévoit Véronique Goossens. Cela est notamment lié à l’augmentation des faillites et du chômage en Belgique, ce qui affectera la confiance des consommateurs.”

Concernant le nombre de transactions immobilières, ING s’attend cette année à une hausse de 15% par rapport à 2020, qui a été la première année en recul depuis bien longtemps. Deux facteurs négatifs pourraient toutefois apparaître, selon l’économiste d’ING. Un, les hausses de prix vont freiner l’appétit de certains investisseurs déjà rassasiés. D’autant que le rendement sera plus faible. Deux, la fin des aides du gouvernement devrait entraîner une augmentation du nombre de faillites, et donc une baisse du revenu des ménages. “Personne ne sait vraiment comment le marché immobilier va se comporter dans les prochains mois, mais il faut être prudent”, conclut Steven Trypsteen.

13,5 %

Surévaluation actuelle des biens immobiliers, selon la Banque nationale.

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