7 questions vérité sur le photovoltaïque gratuit

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Bastien Pechon Journaliste

Depuis quelques mois, Brussels Energy et Brusol proposent d’installer des panneaux solaires gratuitement sur votre toit en échange des certificats verts. Vu les dérapages récents de certaines sociétés en Wallonie, faut-il se méfier de ces offres ?

“Cher (chère) Bruxellois(e). Des panneaux solaires gratuits sur votre toit ? Tout est gratuit, vraiment gratuit. ” Si vous habitez à Bruxelles, vous avez peut-être reçu cette lettre de Brusol qui vous enjoint à investir dans le solaire photovoltaïque sans débourser le moindre euro. Ou peut-être avez-vous vu l’offre similaire de Brussels Energy ? Les surtensions du secteur photovoltaïque en Wallonie, la problématique des fameux certificats verts, ont rendu les investisseurs méfiants. Les Bruxellois aussi. Et si tout cela confinait à l’arnaque ?

En réalité, ces offres sont tout à fait légales. Ces deux sociétés proposent simplement d’installer ces panneaux solaires chez vous en tant que tiers investisseur : elles les posent en échange des certificats verts qu’ils génèrent durant 10 ans ( lire notre encadré : ” Certificats, comme ça marche ? ” plus bas). Une fois cette période terminée, le particulier devient officiellement propriétaire de son installation. Mais dans l’intervalle, il peut déjà compter sur la production d’électricité de ces panneaux pour réduire sa facture d’électricité.

Pourtant, un parfum sulfureux colle aux offres de ces tiers investisseurs. De 2009 à 2012, portées par des aides publiques très favorables pour le photovoltaïque, des entreprises comme Home Vision, Elect-Râ, ou Solar and Co, se sont lancées sur le marché en proposant des offres très risquées : elles demandaient aux particuliers de contracter un crédit en leur propre nom pour acheter des panneaux solaires, crédit qu’elles s’engageaient ensuite à rembourser en échange des certificats verts. En 2012, suite à la baisse du nombre de certificats verts, ces sociétés n’ont plus pu rembourser leurs clients et sont tombées en faillite. Le risque reposant sur leurs épaules, certains particuliers ont dû même assumer leur dette alors que leurs panneaux n’avaient pas été installés. Heureusement, aujourd’hui, plusieurs jugements font peu à peu jurisprudence et rendent ces crédits caducs.

Si quelqu’un propose d’investir pour vous, c’est qu’il y a une marge intéressante à faire “, Benjamin Wilkin, directeur de l’APERe.

Selon Benjamin Wilkin, directeur de l’Association pour les énergies renouvelables (APERe), le marché a été totalement libéré de ces ” cow-boys ” du photovoltaïque. Dans le cas des offres de Brussels Energy et de Brusol, l’investissement est, par exemple, entièrement pris en charge par ces sociétés. Le particulier ne doit donc contracter lui-même aucun crédit. Rien qui empêche toutefois de bien lire les clauses des contrats présentés par ces sociétés. En particulier les petits caractères…

1. Qui se cache derrière Brussels Energy et Brusol ?

Selon nos recherches, Brusol et Brussels Energy sont les seuls à proposer ce type d’offre pour les particuliers à Bruxelles. Brussels Energy ” tiers-investit ” grâce à Dynamia, un fonds d’investissement wallon basé à Liège, et fait appel à l’entreprise liégeoise Reno-Solutions pour installer ces panneaux. Pour la marque Brusol, il s’agit de la société gantoise EnergyVision. Lancée en 2014, l’entreprise flamande construit des installations solaires sur les toits des entreprises ou de bâtiments publics en Flandre, à Bruxelles, et même en Chine ou au Maroc.

2. Pourquoi ces sociétés s’intéressent-elles au marché bruxellois ?

Lancées en janvier 2018 pour Brussels Energy, au mois d’août pour Brusol, ces offres profitent d’un contexte particulièrement porteur. La Région bruxelloise est en effet en retard dans ses objectifs de développement des énergies renouvelables. Elle doit doubler sa production, et ainsi passer de 2 % en 2013 à 4 % en 2020, soit de 400 GWh à 849 GWh. En 2015, pour respecter leurs engagements européens, les trois Régions et le fédéral se sont mis d’accord sur la répartition des efforts à fournir pour déployer leurs productions en énergies renouvelables d’ici à 2020. Ils se sont également entendus sur le partage des revenus de la mise aux enchères des quotas européens d’émission de CO2(ETS) qui revenaient à la Belgique. Une fois son objectif connu, et cette manne financière venant compléter son budget, la Région bruxelloise a adopté un plan air climat énergie en 2016, rassemblant une série de mesures pour atteindre cet objectif de 4 %.

En 2017, 3,3 % provenaient déjà de sources renouvelables. Mais pour le petit pour cent restant, un peu plus d’un an ne suffira sans doute pas. ” Les objectifs sont ambitieux, reconnaît Youssouf Bady, conseiller au sein du cabinet de Céline Fremault, la ministre bruxelloise de l’Environnement et de l’Energie. Difficilement atteignables en fait. ” Installer des éoliennes est en effet pratiquement impossible tant la Région est densément peuplée, construire de grandes centrales solaires reste également difficile. D’où la volonté des autorités de promouvoir le plus possible l’énergie photovoltaïque auprès des particuliers. ” Nous souhaitons surtout nous mettre sur les rails pour les prochains objectifs “, explique Youssouf Bady. Ceux-ci concernent la période 2021-2030 et n’ont pas encore été répartis entre le fédéral et les trois Régions du pays. Mais Bruxelles vise de toute façon à produire annuellement 184,68 GWh d’électricité photovoltaïque en 2030, là où elle n’en était qu’à 42,67 GWh en 2016.

Pas facile, car la Région souffre de certains handicaps. ” C’est une ‘ville-région’, explique Benjamin Wilkin, directeur de l’APERe. Et il y a très peu d’installations dans les grandes villes, notamment parce qu’elles comptent beaucoup de locataires, qui n’ont pas intérêt à investir eux-mêmes. ” Poser des panneaux photovoltaïques est aussi plus compliqué qu’à la campagne. L’accès à la toiture des immeubles n’est pas toujours aisé et nécessite souvent du matériel spécifique, comme des monte-charges par exemple, ce qui implique de réserver des aires de parking à proximité immédiate, etc. Les surfaces disponibles sont également plus réduites. Voilà qui explique pourquoi deux seuls acteurs se sont insérés dans ce segment du tiers investissement à Bruxelles. A noter que si ce type d’offre à destination des particuliers n’existe pas en Wallonie, c’est tout simplement parce que les nouvelles installations n’y bénéficient plus de l’octroi de certificats verts.

3. Qu’arriverait-il en cas de faillite ?

En cas de faillite de ces deux sociétés, ” le contrat de cession des certificats verts sera cédé aux créanciers “, explique Maxime Lacrosse, administrateur de Brussels Energy. Entendez qu’il sera simplement transféré à un autre propriétaire et devrait se poursuivre sans encombre. Même principe chez Brusol. ” Les installations resteront sur les toits et continueront à recevoir des certificats verts “, explique Lothar De Keyne, responsable chez Brusol. Quant au particulier, s’il vend sa maison et donc son installation, il doit en avertir son tiers investisseur et ajouter le contrat de cession des certificats verts dans l’acte de vente. L’acquéreur, en achetant le bien, reprend donc le contrat en cours.

4. Faut-il contracter une assurance spécifique ?

” Nous ne pouvons pas assurer une installation sur un bien qui ne nous appartient pas, explique Maxime Lacrosse, de Brussels Energy. Le propriétaire doit donc informer son assureur qu’il a installé des panneaux photovoltaïques pour qu’ils soient couverts dans son contrat. ” En cas de sinistre, l’assurance du propriétaire couvrira les frais. Brusol possède certes une assurance qui dédommage les particuliers en cas de dégâts suite aux travaux d’installation, à cause de la grêle, ou en cas d’incendie à cause des panneaux solaires, mais ses clients doivent de toute façon prévenir leur assureur afin que celui-ci prenne également en compte l’installation solaire dans leur contrat.

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5. Est-ce plus intéressant que d’investir soi-même dans une installation ?

” Si quelqu’un propose d’investir pour vous, c’est qu’il y a une marge intéressante à faire “, explique Benjamin Wilkin. Test-Achats confirme : ” Il y a encore des certificats verts à Bruxelles, avec un potentiel d’environ 2.000 euros reçu par kWc en 10 ans, si leur prix se maintient. Le montage financier semble donc possible puisque qu’une installation solaire coûte moins cher, environ 1.000 à 1.500 euros par kWc “.

Et si le particulier investit lui-même ? Sa mise de départ sera bien sûr conséquente, mais il pourrait bénéficier du ” prêt vert ” mis en place par la Région de Bruxelles-Capitale, avec un taux de 0 à 2 %. Ensuite, il récupérera une partie de son investissement grâce au système du ” compteur qui tourne à l’envers “, la production de l’installation solaire compensant votre consommation d’électricité. Enfin, il bénéficiera de ces fameux certificats verts, durant 10 ans. ” Si vous investissez vous-même, poursuit Benjamin Wilkin, vous aurez un retour sur investissement dans les cinq à sept ans qui suivront. Et donc un bénéfice de minimum trois ans sur les certificats verts. ”

Néanmoins, beaucoup de ménages n’ont pas la possibilité d’investir 8.000 euros dans une installation, ne souhaitent pas réaliser cet investissement eux-mêmes, ou préfèrent placer cet argent ailleurs. Dans ce cas, le tiers investissement semble être une bonne solution. Afin d’aider les éventuels amateurs, Bruxelles Environnement a justement lancé ce 15 novembre une ” carte solaire “, qui donne une idée plus précise sur l’investissement à consentir et les gains potentiels en fonction de l’aménagement ( lire l’encadré ” Une carte pour tout calculer ” plus bas).

6. Quel avenir pour “le compteur qui tourne à l’envers” ?

On le sait, en produisant de l’énergie, les panneaux solaires compensent l’électricité consommée par la maison, diminuant la facture du ménage jusqu’à se réduire à quelques euros par an si la production compense totalement la consommation du bâtiment. C’est le ” principe du compteur qui tourne à l’envers “, très avantageux pour les producteurs d’énergie solaire car ils supportent moins – voire quasiment pas – les frais d’utilisation du réseau qui sont compris dans les tarifs de fourniture d’électricité. Ces frais reposent donc sur les épaules des ” autres ” consommateurs, ceux qui ne peuvent pas compenser leur consommation par des panneaux solaires.

Or, les producteurs ont quand même besoin d’électricité provenant du réseau, quand leurs panneaux ne produisent pas suffisamment ou lorsqu’il fait nuit. Voilà pourquoi ce mécanisme de ” compteur qui tourne à l’envers ” n’existe que pour des installations résidentielles standards, jusqu’à 5 kWc. Ceux qui produisent davantage d’énergie solaire sont, eux, grâce à compteur bidirectionnel, obligés de revendre l’électricité qu’ils ne consomment pas à un fournisseur. A la tombée de la nuit, ces producteurs doivent donc puiser à nouveau de l’électricité en provenance du réseau. Une énergie plus chère, car elle comprend le prix de l’électricité, les taxes et les coûts de distribution. Une énergie qu’ils préfèrent donc ne pas acheter en ” autoconsommant ” : par exemple en faisant tourner leurs appareils électro-ménagers en journée, voire en rechargeant une batterie dont ils useront une fois la nuit venue. Ce compteur bidirectionnel, qui permet de compter les kWh non consommés et revendus à un fournisseur et ceux puisés sur le réseau le soir et la nuit, est intégré à chaque installation photovoltaïque depuis 2007, mais n’est aujourd’hui pas actif dans celles jusqu’à 5 kWc. Son usage pourrait toutefois être généralisé à l’avenir et remplacer le ” compteur qui tourne à l’envers “. Objectif avoué : pousser tous les ménages à davantage auto-consommer. Donc moins acheter d’électricité.

7. Y a-t-il un risque de bulle des certificats verts ?

A Bruxelles, la demande de certificats verts émanant des fournisseurs d’énergie est bien supérieure à l’offre des producteurs. Son prix actuel, aux alentours de 90 euros, ne risque donc pas, dans l’immédiat, de chuter. Néanmoins, pour prévenir tout risque de bulle, le régulateur bruxellois des marchés du gaz et de l’électricité peut avertir à tout moment la ministre de l’Energie, Céline Fremault, si le nombre de certificats mis sur le marché risque d’exploser. Une décision pourrait alors être prise pour en baisser le nombre. A terme, ce soutien devrait de toute façon progressivement baisser au fur et à mesure que la Région atteint ses objectifs en matière de renouvelable. De quoi rendre ces offres de tiers investisseurs moins lucratives pour de futures installations.

Certificats, comme ça marche ?

Pour rappel, en contrepartie de sa production, un Bruxellois qui a installé des panneaux solaires sur son toit reçoit trois certificats verts à chaque fois qu’il produit 1.000 kWh (pour une installation standard d’une puissance inférieure ou égale à 5 kWc). S’il passe par un tiers investisseur, il lui rétrocède donc ces certificats durant toute la période d’octroi, soit 10 ans.

Ces certificats sont ensuite vendus aux fournisseurs d’électricité, qui sont tenus d’en acheter un certain quota, et qui amortissent leur coût sur leurs clients. Ce système existe aussi pour soutenir d’autres énergies renouvelables. ” Les quotas sont largement supérieurs aux capacités de production de la Région “, explique Benjamin Wilkin. Ce qui signifie que les producteurs d’énergie renouvelable, dont les Bruxellois qui ont installé des panneaux photovoltaïques sur leur toit, ne produisent pas assez. ” La demande en certificats verts est donc largement supérieure à l’offre “, poursuit le directeur de l’APERe. Résultat : les fournisseurs sont prêts à mettre le prix pour les obtenir, et ce afin de remplir leur quota imposé par Brugel, le régulateur bruxellois des marchés du gaz et de l’électricité. En général, le certificat se négocie autour des 90 euros à Bruxelles.

En Wallonie, on s’en souvient, ce système de soutien a dérapé. Vu l’explosion du nombre d’installations solaires, et d’un nombre important de certificats verts par MWh produit, la machine s’est emballée, remplissant rapidement les quotas des fournisseurs. L’offre est donc devenue supérieure à la demande. Le prix du certificat vert s’est effondré, menaçant le retour sur investissement promis aux Wallons lors de l’installation de leurs panneaux solaires. Les certificats verts ne trouvant pas preneurs sont donc rachetés par le gestionnaire de réseau à haute tension Elia, au prix garanti de 65 euros, creusant son budget.

Une carte pour tout calculer

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Pour doubler sa production d’énergie renouvelable en quatre ans, et ainsi passer de 2 % en 2013 à 4 % en 2020, la Région bruxelloise mise beaucoup sur l’énergie photovoltaïque. Selon un sondage réalisé en 2017 pour le compte de Bruxelles Environnement, deux Bruxellois sur cinq ont envisagé d’installer des panneaux sur leur toit… mais ne l’ont pas fait. ” Ils surestiment le coût d’une installation “, déplore Adel Lassouli, directeur de la communication au sein du cabinet de la ministre bruxelloise de l’Environnement et de l’Energie, Céline Fremault. Et donc ignorent les gains possibles… Pour remédier à cette situation, Bruxelles Environnement lance ce 15 novembre une ” carte solaire “. Réalisation de l’APERe, Atelier Cartographique, Champs-Libres et Météotest, ce simulateur en ligne évalue le potentiel solaire de votre toiture. Cette première analyse ne remplace certes pas le devis d’un installateur ou d’un tiers investisseur, mais permet de se forger une première idée.

Sur base de votre adresse, le simulateur donne un premier aperçu de la surface de toiture utilisable, du nombre de panneaux solaires qu’il est possible d’installer, et de la puissance de l’installation. Il donne également une estimation de l’investissement à consentir, les gains possibles sur sa facture d’électricité sur une période de 25 ans, le montant des certificats verts octroyés pendant 10 ans, le temps de retour sur investissement, et les économies de CO2 réalisées chaque année.

Une série d’outils permet ensuite d’affiner ces résultats. Le logiciel n’a en effet peut-être pas repéré cette cheminée, ces bouches d’aération ou cette cage d’ascenseur qui rend l’installation de panneaux solaires impossible sur ces parties du toit. Il est également possible de diminuer le nombre de panneaux proposés pour diminuer le coût, ou pour que l’installation cadre mieux avec la consommation réelle d’électricité, ou pour arriver à une puissance inférieure à 5 kWc et ainsi éviter de passer par un fournisseur pour la revente des excédents d’électricité. On rappellera que le taux de TVA qui est d’application pour ces travaux peut s’établir à 21 % pour un bâtiment construit il y a moins de 10 ans, de 6 % pour un bâtiment d’au moins 10 ans, et de 0 % pour un bâtiment non résidentiel.

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Estimer le surcoût d’un prêt

Le logiciel donne aussi une estimation de la part d’énergie autoconsommée, c’est-à-dire l’électricité qui sera produite par les panneaux solaires et directement consommée. Une estimation qu’il est aussi possible de faire varier à la baisse ou à la hausse en simulant une série d’actions comme l’utilisation en journée de ses appareils les plus énergivores, la diminution de sa consommation, voire l’installation de batteries. Enfin, le logiciel peut également estimer le surcoût d’un prêt si on y intègre le taux et la durée de l’emprunt.

Une fois cette simulation terminée, chacun peut alors télécharger un rapport détaillé pour le comparer avec les devis proposés par un installateur ou un tiers investisseur. Cet outil est gratuit et s’adresse aux particuliers et aux entreprises autant qu’aux professionnels du secteur. Une estimation similaire est également disponible pour l’installation de panneaux solaires thermiques.

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