Quand les recruteurs espionnent les réseaux sociaux…
Je postule pour un emploi et lors de l’interview, on m’annonce que la société pratique des contrôles “pré-emploi” pour vérifier les informations de mon C.V., notamment sur Internet. Est-ce légal?
Selon certains professionnels, jusqu’à trois curriculums sur quatre seraient trompeurs. Le principe de confiance dans les déclarations des candidats tend aujourd’hui à disparaître. Les entreprises, soucieuses de s’épargner des coûts pour un recrutement malheureux mais aussi de prévenir un risque d’atteinte à leur réputation, ont donc recours de plus en plus souvent à des contrôles avant emploi ou “screening pré-emploi”, soit en interne soit via des fournisseurs externes. Ces contrôles visent à déterminer la fiabilité des informations fournies par le candidat et s’assurer de l’absence d’éléments critiques.
En l’état actuel de la législation belge, rien n’interdit à un employeur de mettre en place ce type de contrôle. Et notamment, dans ce cadre, de vérifier les sources disponibles telles que références, publications papier, diplômes… et évidemment, sur Internet. A ce titre, la consultation des informations disponibles publiquement sur des médias sociaux professionnels (type LinkedIn ou Viadeo) ou privés (type Facebook ou Instagram) peut s’avérer très utile aux recruteurs.
Cependant, la société devra tenir compte de la convention collective de travail (CCT) n°38 qui impose pendant le processus de sélection (toutes les démarches en vue d’engager du personnel) de respecter la vie privée du candidat. Ce qui implique de ne pouvoir poser des questions (en entretien) sur la vie privée que si elles sont en rapport avec la nature et les conditions d’exercice de la fonction. On peut étendre ce principe aux données collectées sur Internet. C’est d’ailleurs la position de la CNIL, l’autorité de régulation de la vie privée en France. Ainsi, une vérification des informations financières pourra être acceptable pour un directeur financier.
Dans le cas de médias sociaux professionnels, on peut a priori considérer les informations qui s’y trouvent comme étant de nature professionnelle, ce qui n’est pas le cas pour les informations disponibles sur les médias sociaux privés. Un recruteur peut très facilement y trouver des renseignements sur la situation familiale, les opinions politiques ou encore les orientations sexuelles d’un candidat. Or, la prise en compte de ces éléments peut influencer la décision, qui ne reposerait donc plus uniquement sur les qualifications et les compétences de la personne. Et la CCT 38 prévoit qu’un candidat a le droit de savoir pourquoi il a été refusé.
N’oublions évidemment pas le fameux RGPD (Règlement général sur la protection des données) qui impose plusieurs obligations à l’employeur, notamment celles d’obtenir le consentement ou de pouvoir justifier d’un intérêt légitime, et d’avoir informé le candidat des finalités, des destinataires, de la durée de conservation des données et de ses droits (portabilité, refus, prise de connaissance et correction).
Enfin, on veillera à ce que le contrôle soit proportionné, qu’il soit limité dans le temps et ne mène pas à des discriminations illicites.
Soulignons encore que, lorsque la société fait appel aux services de tiers, ceux-ci peuvent être considérés comme tombant sous le coup de la loi du 16 juillet 1991 sur les détectives privés qui impose diverses autres obligations (agréation, rapport, etc.).
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