“La collecte des empreintes digitales est contraire au RGPD”

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Une action en justice est introduite contre la loi autorisant la collecte des empreintes digitales. Son initiateur, Matthias Dobbelaere-Welvaert, fondateur de LesJuristes, s’explique.

Le 1er avril prochain, la loi autorisant la collecte des empreintes digitales sur les cartes d’identité électroniques entrera en vigueur. Le cabinet lesJuristes conteste cette loi devant la Cour constitutionnelle. Pourquoi ?

La collecte de 9 millions d’empreintes digitales de citoyens belges ne se justifie absolument pas. Devant le Parlement fédéral, l’ancien ministre de l’Intérieur Jan Jambon (N-VA) expliquait que cette collecte était nécessaire dans le cadre de la lutte contre la fraude à l’identité. Selon lui, cette fraude concerne 600 à 700 personnes par an. Mais en réalité, il englobe dans ce chiffre l’usurpation d’identité en ligne et le skimming (fraude aux cartes bancaires, Ndlr), contre lesquels la collecte d’empreintes est totalement inutile. J’estime qu’il y a en fait 200 à 300 cas par an de fraude à l’identité. Collecter 9 millions d’empreintes digitales pour un si petit nombre de dossiers est totalement disproportionné.

Quels sont les principaux arguments juridiques qui soutiennent votre action ?

Cette loi est tout d’abord contraire au droit au respect de la vie privée, qui est consacré par la Convention européenne des droits de l’homme et par notre Constitution. Certes, ce n’est pas un droit absolu, mais lorsque l’Etat y déroge, il doit le faire pour des raisons objectives et de manière proportionnée. Ici, ce n’est pas le cas : comme l’a relevé la commission Vie privée, aucune étude ne vient étayer l’idée que la lutte contre la fraude à l’identité nécessite une collecte massive d’empreintes digitales des citoyens belges. De plus, cette loi contrevient au RGPD, le règlement européen pour la protection des données. Ce règlement prévoit que toute nouvelle loi impliquant une collecte de données personnelles doit faire l’objet d’une étude d’impact de la part de l’Etat. Or, aucune étude n’a été faite. Le législateur indique que ce sera organisé par un arrêté royal, mais le gouvernement est démissionnaire et aucun arrêté n’a finalement été publié. Pourtant, la loi entre en vigueur le 1er avril.

Pour soutenir cette action devant la Cour constitutionnelle, vous avez lancé un “crowdfunding”. Pourquoi ?

Pour répondre à une demande émise par plusieurs internautes sur Twitter, qui se sentaient concernés par cette problématique. J’ai été surpris par le succès de cette campagne : nous avons récolté 22.000 euros, ce qui permet de rémunérer nos avocats. Chez LesJuristes, nous ne sommes pas des spécialistes des procédures devant la Cour constitutionnelle, nous avons donc fait appel au cabinet SQ Law. Ce crowdfunding nous a montré que le soutien est important en ligne. Mais je suis conscient que la communauté qui nous suit sur Twitter n’est pas forcément représentative du sentiment général dans la population. D’après un sondage du Standaard, 70 % des personnes interrogées considèrent que la collecte des empreintes digitales n’est pas un problème, parce qu’elles n’ont rien à cacher.

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