Comment récompenser ceux qui ont continué à travailler pendant la crise du coronavirus?

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Les entreprises de notre pays se préparent à reprendre leurs activités “normales”. Nous sortons, petit à petit, d’une éprouvante période où employeurs et travailleurs ont dû s’adapter à des conditions de travail inhabituelles.

Il est essentiel pour un employeur de pouvoir compter sur des travailleurs motivés. Certains employeurs songent donc à récompenser ceux sur lesquels ils ont pu compter pendant cette période difficile. Parfois d’initiative, parfois en réponse aux demandes des travailleurs qui souhaitent que les efforts qu’ils ont fournis soient reconnus. Mais si un employeur entend n’accorder un avantage qu’à certains travailleurs, cela risque-t-il d’être constitutif de discrimination à l’égard des autres ?

En matière de discrimination, il convient d’être attentif aux différentes législations applicables. Lorsque les cours et tribunaux doivent examiner si une différence de traitement est discriminatoire, ils examinent (i) si la différence de traitement repose sur l’un des critères protégés (tels que le genre, l’orientation sexuelle ou politique, l’âge, etc.) auquel cas la différence est discriminatoire ou (ii) si la différence de traitement est objectivement justifiée par un but légitime et si les moyens mis en oeuvre pour réaliser ce but sont appropriés et nécessaires.

Prenons l’exemple d’une entreprise qui, contrainte de recourir au télétravail, n’a pu y recourir que pour une partie de ses travailleurs, l’autre partie de ceux-ci ayant dû continuer à travailler sur le terrain, l’exercice de leurs fonctions ne se prêtant pas au télétravail. Cette entreprise pourrait-elle récompenser uniquement ses travailleurs qui ont été obligés de continuer à travailler sur le terrain ? Dans la mesure où l’existence de deux catégories de travailleurs découle de mesures imposées par le gouvernement, cette catégorisation est – selon nous – objective. La différence de traitement qui serait mise en place entre ces catégories ne devrait donc pas être considérée comme étant discriminatoire. Comment récompenser, par exemple, ces travailleurs ?

Prime. L’octroi d’une prime aux travailleurs méritants pourrait être envisagé. Cette prime étant individuelle, le risque de discrimination sera moins important (à moins que tous les travailleurs d’une même catégorie, à l’exception de certains, ne se voient octroyer cette prime). Pour justifier de manière objective l’éventuelle différence entre les montants octroyés, la prime pourrait, par exemple, être calculée sur la base des journées effectivement prestées par les travailleurs depuis le début du confinement. Une telle prime serait imposée comme de la rémunération. Cependant, elle présente l’avantage de pouvoir être payée immédiatement.

Jours de congés supplémentaires payés. Si l’organisation de l’entreprise le permet, des jours de congés supplémentaires payés pourraient être octroyés. Les travailleurs pourraient également avoir le choix entre une prime et des jours de congé supplémentaires payés.

Télétravail structurel. Certaines entreprises réticentes au télétravail ont néanmoins été contraintes d’y recourir. Cette expérience s’est peut-être avérée positive. Pourquoi ne pas donner une suite favorable à des demandes de télétravail reçues dans le passé de la part de certains travailleurs afin de les récompenser de leur professionnalisme pendant cette période ? Une politique de télétravail conforme à la législation devrait alors être mise en place.

Tarif préférentiel. Une entreprise active dans la vente de produits ou la fourniture de services susceptibles d’intéresser ses travailleurs pourrait envisager d’octroyer à ceux-ci des réductions sur le prix de vente de ses produits ou de ses services. De telles réductions sont exemptées d’impôt et de cotisations sociales lorsque les conditions prévues par la loi sont remplies.

Avantages non récurrents liés aux résultats (” plan bonus CCT n°90 “). On pourrait également songer à mettre en place – pour l’avenir – un plan de bonus non récurrent pour les travailleurs ayant été occupés sur le terrain pendant la période de crise du Covid-19 et ainsi bénéficier des avantages prévus par la CCT n°90 (un traitement fiscal intéressant). Cependant, la mise en place d’un tel plan devrait répondre aux conditions fixées par la CCT n°90 qui prévoit que l’octroi d’un bonus non récurrent doit être lié à la fixation d’objectifs collectifs futurs et incertains quant à leur réalisation. Recourir à ce système ne permettra donc pas de pouvoir automatiquement récompenser la catégorie de travailleurs visée par le plan.

Par Frédérique Gillet et Manon Denis, avocates – DLA Piper.

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