Sophie jacmain

Cinq innovations pour les entreprises insolvables

Sophie jacmain avocate associée chez NautaDutilh

Le droit de l’insolvabilité offre désormais plus de solutions aux débiteurs et plus de protection aux créanciers. Objectif: faire baisser le coût économique de l’insolvabilité.

Le gouvernement a récemment déposé un projet de loi à la Chambre visant à faciliter la restructuration d’entreprise tout en tenant compte des intérêts de l’ensemble des parties prenantes. Ce nouveau droit de l’insolvabilité – qui sera intégré dans le Code de droit économique – a été pensé et conçu sous l’impulsion du Ministre de la Justice, Koen Geens. Ce dernier souhaite rendre le dispositif opérationnel dès janvier 2018.

Ce texte représente une réelle évolution et permettra de faire entrer le droit de l’insolvabilité dans le XXIème siècle en le mettant plus encore au service de l’entreprise, et le fait qu’il trouve sa place dans le Code de droit économique est d’ailleurs le signe manifeste de ce changement de paradigme. Le droit de l’insolvabilité n’est en effet plus vu comme le fossoyeur de l’entreprise défaillante mais bien comme une branche du droit qui participe aussi à la continuité de celle-ci. Une continuité qui profitera non pas seulement à l’entreprise elle-même mais aussi à tous les intéressés (employés, débiteurs, partenaires, fournisseurs, actionnaires, … ).

Voici les 5 innovations à retenir dans ce projet :

1. Un champ d’application personnel élargi

Dans le projet rédigé par le gouvernement, le concept un peu daté de commerçant est remplacé par le concept plus large et plus moderne de l’entreprise. Ce qui signifie que le droit de l’insolvabilité pourra également concerner d’autres types d’acteurs économiques comme par exemple les titulaires de professions libérales (avocats, architectes, médecins, dentistes, …) mais encore toutes les personnes morales en ce compris les ASBL. Grâce à cet élargissement, tous ces différents acteurs pourront bénéficier d’un meilleur accompagnement et de mesures préventives qui leur permettront d’éviter, dans la mesure du possible, une éventuelle faillite (ils pourront, par exemple, bénéficier de la désignation d’un médiateur d’entreprise). Un cadre, aujourd’hui amélioré, dont ne profitaient jusqu’alors que les entreprises commerciales.

2. Quelques nouveaux concepts juridiques

De nouveaux concepts juridiques ont été développés afin de mieux préparer une faillite et ainsi limiter au maximum les dommages qu’elle ne manque pas d’occasionner, que ce soit en terme purement financier mais aussi d’image. Ceux-ci ont été forgés en se basant sur les bonnes pratiques déjà en cours aux Pays-Bas ou encore dans les pays anglo-saxons. Le débiteur qui se trouve en état de faillite virtuelle pourra ainsi solliciter la désignation d’un pré-curateur, lequel pourra examiner les différentes possibilités qui existent afin de préserver au mieux la valeur de ses actifs, favoriser un redémarrage rapide de ses activités et préserver l’emploi. C’est particulièrement important pour les secteurs aux actifs “volatils” comme le secteur digital où l’on sait que la clientèle est susceptible de changer très rapidement de fournisseur ou encore lorsque la viabilité des activités d’un débiteur pose question ou suscite la méfiance. Il faut néanmoins garder à l’esprit que si le débiteur est libre de solliciter l’intervention d’un pré-curateur, la mise en place concrète des mesures précitées dépendra toujours de l’appréciation d’un tribunal.

3. La notion de “seconde chance”, conservée et simplifiée

La notion de “seconde chance” n’est pas neuve mais le projet de loi en propose une nouvelle version. Elle a en effet été simplifiée afin de faciliter la relance d’une nouvelle activité par l’entrepreneur (personne physique) en lui évitant au maximum la stigmatisation dont souffrent parfois les entrepreneurs malchanceux. Il s’agit d’un changement de mentalité important qui fait de l’échec non plus la marque d’une incompétence mais plutôt l’occasion d’apprendre de ses erreurs et de s’améliorer.

Le projet de loi veut mettre en avant la possibilité rapide de prendre un nouveau départ.

Entreprendre c’est en effet parfois échouer mais c’est également, et surtout, toujours rebondir.

4. Centralisation des procédures d’insolvabilité

Dans un souci de simplification, le nouveau droit de l’insolvabilité prévoit également la possibilité de pouvoir centraliser les procédures d’insolvabilité de tous les membres d’un groupe de sociétés auprès d’un seul et même tribunal. Outre le souci d’efficacité, l’idée est également de favoriser une certaine spécialisation des tribunaux (et peut-être d’inciter les multinationales à installer leur siège social en Belgique). C’est donc en tenant compte d’un contexte mondialisé que certaines règles particulières ont été prévues en ce qui concerne les procédures transfrontalières, au sein de l’Union européenne mais également en dehors, afin de permettre des restructurations coordonnées et efficaces d’entreprises internationales. La Belgique s’aligne ici sur les règles européennes en la matière et c’est un premier pas dans la bonne direction.

5. Une plus grande transparence pour un meilleur suivi des procédures

Depuis le 1er avril, la montagne de papier qui caractérisait habituellement les faillites a disparu au profit d’un registre central de solvabilité digital. Cette plateforme en ligne assure un accès informatique au dossier de la faillite à toutes les parties prenantes et permet, de ce fait, un meilleur accès et un suivi plus efficace des procédures. La justice entre ainsi davantage dans l’ère digitale.

En conclusion, le nouveau code de l’insolvabilité élargit son champ d’application afin d’offrir davantage de solutions aux débiteurs (qui sont plus nombreux à pouvoir bénéficier de la loi) mais également davantage de protections aux créanciers qui par exemple ne seront plus complètement démunis en cas de faillite d’une ASBL. En recherchant un meilleur équilibre entre tous les intérêts en présence, le projet vise à baisser le coût économique de l’insolvabilité et représente donc un bénéfice pour tous.

Avocate associée chez NautaDuthil, Sophie jacmain a conseillé le cabinet du ministre de la Justice Koen Geens dans le cadre de l’élaboration du projet de loi concernant le droit de l’insolvabilité.

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