La Fnac peut-elle se redresser ?

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L’entrée en Bourse de la Fnac s’est soldée ce jeudi par une chute du cours de plus de 13 %. Quelles sont les recettes de l’entreprise pour renouer avec le succès et séduire les investisseurs ?

L’introduction de la Fnac en Bourse de Paris s’est soldée ce jeudi par une chute du cours de 13,64 %, sur fond il est vrai de mauvaises performances d’ensemble (- 3,66 % pour le CAC 40, l’indice français de référence).

Pourquoi cette introduction en Bourse ? Le groupe français Kering (ex-PPR), maison-mère de la Fnac, veut se focaliser sur son secteur le plus rentable, celui du luxe, et liquide les activités à plus faible marge, ce qui est le cas de la chaîne de magasins d’électronique et de biens culturels. Cela fait quelques années que Kering laisse sous-entendre qu’une vente de la Fnac est à l’ordre du jour. Mais les candidats ne se sont pas pressés au portillon pour acquérir une entreprise dont le chiffre d’affaires a baissé de 3,4 % en 2011 et 2,5 % en 2012. Restait l’option de la “scission” du groupe, et donc l’entrée en Bourse. Effet collatéral : les neuf enseignes belges de la Fnac et ses 700 employés changeront prochainement de propriétaire.

La Fnac n’est pas la seule entreprise du secteur à connaître des difficultés. En France, Virgin Megastore a carrément été mis en liquidation. Free Record Shop est en faillite aux Pays-Bas, et est en mauvaise posture en Belgique. En Belgique toujours, Photo Hall a été mis en vente l’année dernière. Au final, une trentaine de magasins sur 70 ont été sauvés.

Même si la Fnac est loin d’être menacée de faillite, le secteur est clairement touché par la crise de la consommation, et par une pression accrue sur les prix. Les magasins de produits électroniques ne restent pas pour autant les bras ballants. Fin de l’année dernière, le patron de Fnac Belgique détaillait pour Trends-Tendances ses recettes pour résister à cet environnement hostile. Les voici :

1.Développer une offre “multicanal”

Pour faire face à la concurrence d’Internet et notamment de poids lourds comme Amazon, les distributeurs n’ont qu’un seul mot à la bouche : le multicanal. A côté de leur offre en magasin, ils misent sur le développement de leur offre en ligne et, surtout, sur une convergence entre ces deux canaux de vente. Après quelques ratés, le site fnac.be a repris au printemps dernier l’infrastructure de fnac.com, son équivalent français. Le but étant de profiter un maximum des références proposées par le site hexagonal.

Si les premiers pas des distributeurs dans l’e-commerce sont plutôt hésitants, c’est que le virage numérique doit être entrepris avec prudence. Ils n’ont aucune envie de détruire leur business principal, la vente en magasin, par des offres au rabais sur Internet. C’est la raison pour laquelle ils espèrent combiner harmonieusement vente en ligne et vente physique. La Fnac offrira prochainement la possibilité de commander sur Internet un produit que l’on vient ensuite retirer en magasin. Ce qui offre une nouvelle opportunité de vendre, par exemple, des accessoires.

Dans le futur, les magasins seront aussi équipés de bornes interactives connectées à la plateforme en ligne, afin que le client puisse consulter l’intégralité du catalogue, mais aussi pour permettre aux vendeurs de montrer (et de vendre) des produits non disponibles en magasin. La Fnac lancera ces nouveaux services dès cette année. “Notre ambition est que dans les trois ans, notre site e-commerce soit notre plus grand magasin”, avance le patron de Fnac Belgique, Stéphane Mangin.

2. Compresser les rayons les moins rentables

La Fnac, en tant que disquaire historique, ne peut pas se permettre de sacrifier son rayon CD. Mais elle peut en réduire la superficie. Pour diminuer la place allouée à ce secteur en déliquescence (-13 % de ventes au deuxième trimestre 2012, chiffres GfK), la Fnac remplace ses meubles par des étagères permettant de placer 30 % de produits supplémentaires, ce qui lui fait mécaniquement gagner 30 % d’espace. L’assortiment de disques se réduit aussi au fil du temps, sous la pression des maisons de disques, qui cherchent à pousser les artistes les plus mainstream. L’espace gagné peut ainsi être réattribué aux produits qui ont le vent en poupe, comme les smartphones et les tablettes.

3. Elargir la gamme de produits

En France, la Fnac a lancé quelques expériences pilotes dans l’électroménager. Une façon de prendre pied dans un marché très stable, et qui offre de meilleures marges que l’électronique grand public. Mais l’arrivée de ce type de produits en magasin est délicate à gérer pour l’image de l’enseigne. “Nous ne vendrons jamais des machines à laver, indique Stéphane Mangin (Fnac). Mais nous pourrions proposer des produits nous permettant de nous différencier comme des aspirateurs design.”

Depuis deux ans, la Fnac s’est aussi discrètement lancée sur le marché du jouet éducatif. De grandes marques comme Lego et Playmobil ont récemment rejoint l’assortiment. Ce créneau représente aujourd’hui 1 % du chiffre d’affaires de la Fnac. ” Nous comptons agrandir l’espace jeux afin d’arriver à 2 ou 3 % du chiffre d’affaires. La diversification, c’est très important.”

4. Produire des marques propres

Sur certains produits très demandés, la marge de manoeuvre des distributeurs est très étroite. Vu les volumes en jeu et le succès de ses appareils, une marque comme Apple peut imposer ses tarifs. Le magasin se retrouve du coup avec une marge minime sur ses ventes. Pour être moins dépendant des fabricants, les distributeurs développent des marques propres.

C’est le cas de Media Markt, qui possède quatre marques propres : OK (entrée de gamme), Koenic (électroménager moyen de gamme), Peaq (électro haut de gamme) et Isy (accessoires). La Fnac s’est aussi lancée dans les marques propres sur le marché en pleine expansion des liseuses électroniques, avec le Kobo, développé par la firme canadienne du même nom.

5. Redéfinir le rôle des vendeurs

Comment assurer une valeur ajoutée aux conseils en magasin ? C’est le casse-tête des distributeurs. Encore une fois, Internet est passé par là. Toutes les spécifications techniques des produits se trouvent déjà en ligne, de manière très précise. Aucun vendeur ne peut connaître par coeur toutes ces fiches produits.

Du coup, à la Fnac, on revoit les basiques : accueil, écoute du client, conseil… “Nos vendeurs doivent faire gagner du temps au client. Par exemple en lui expliquant ce qu’est une télévision connectée, et quelles sont ses fonctionnalités”, indique Stéphane Mangin. L’aspect “démonstration”, le libre essai des produits et le conseil assoient la valeur ajoutée du point de vente par rapport à Internet.

Le vendeur doit aussi être capable de convertir l’intérêt d’un client en acte d’achat. “Le vendeur ne peut pas être un simple conseiller. Il doit aussi être un commercial efficace, commente Koen Neijens, directeur chez Deloitte et spécialiste du retail. Dans certaines enseignes, les vendeurs demandent les coordonnées du client afin de pouvoir le relancer et de conclure une vente ultérieurement.”

6. Réduire les coûts

La Fnac s’est lancée dans une politique de cost-cutting à tous les niveaux de l’entreprise. Des postes de directeur ont été supprimés. Certaines fonctions n’ont pas été remplacées. Certains membres du personnel comme les disquaires sont vivement encouragés à changer de fonction quand l’opportunité se présente. L’entreprise a décidé de déplacer son siège, pour réduire les charges locatives. Elle a aussi réalisé des économies significatives en sous-traitant sa logistique à DHL. Toutes ces mesures ont permis à Fnac Belgique de renouer avec les bénéfices en 2011 (+ 412.000 euros), après une année 2010 en perte (- 568.000 euros).

7. Ouvrir de nouveaux magasins

La Fnac va poursuivre sa politique d’expansion progressive. Le dernier magasin s’est ouvert en 2010 dans les galeries de la Toison d’Or (Bruxelles). “Nous l’avons rentabilisé sur un an”, assure Stéphane Mangin. Deux à trois ouvertures de grands magasins devraient encore se concrétiser dans les prochaines années. La Fnac est aussi à la recherche de magasins plus petits, entre 300 et 900 m². “Dans le cadre de notre stratégie multicanal, il est important d’assurer un meilleur maillage du territoire”, explique le patron de Fnac Belgique.

Gilles Quoistiaux

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