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La déshumanisation de la crise de l’euro

La Grèce, le Portugal et Chypre figurent en tête de liste de l’agenda Ecofin. La détresse sociale dans ces pays devient poignante.

On s’habitue à tout, à la crise de l’euro aussi. Ces dernières semaines, la recrudescence d’un nombre de sous-crises latentes dans l’Union monétaire européenne a provoqué relativement peu de commotion. Cependant et alors que François Hollande s’est à nouveau rendu souverainement ridicule en déclarant, il y a quelques semaines, que la crise de l’euro était passée, le cabinet du commissaire européen Olli Rehn et la Banque centrale européenne (CBE) manifestent une grande inquiétude.

Aujourd’hui, les ministres des Finances de la zone euro, le groupe Ecofin, se penchent sur l’état de la zone euro. Ils se focaliseront sur trois plus petits états membres : Chypre, le Portugal et la Grèce, ce qui ne signifie pas que la Slovénie, l’Espagne et l’Italie – pour ne pas parler de la France – soient tirées d’affaire, bien au contraire. Il s’agit juste d’éteindre les incendies les plus importants.

Ces derniers jours, les gouvernements portugais et grec se sont retrouvés en mauvaise posture. Au Portugal, le premier ministre, Pedro Passos Coelho, a vu partir deux ministres éminents suite à sa politique d’assainissement. Coelho n’a réussi à apaiser son partenaire coalition qu’à coup de promesses. Au Portugal, les protestations populaires ne font qu’augmenter et ce constat vaut également pour la Grèce. Ce dimanche, le bourgmestre d’Athènes a échappé de peu à une raclée de la part de fonctionnaires mécontents. Depuis le départ de la gauche démocratique, le premier ministre grec Sandonis Samaras se retrouve avec une majorité étroite et politiquement invivable. À Chypre, le gouvernement souhaite une révision fondamentale de l’aide convenue en mars.

Ces pays connaissent tous trois une situation socio-économique catastrophique qui ne fait que s’empirer. Ces six dernières années, l’économie grecque a ralenti de plus de 25%, la portugaise de près de 10%. Il n’y a même plus de pronostics pour l’économie chypriote. Cependant, une diminution de 15% semble inévitable. Dans ces trois pays, le chômage prend des proportions hallucinantes. En Grèce, 27% de la population active est sans travail, pour les jeunes ce taux atteint même les 60%. Le soutien sociétal à la politique imposée par l’Europe et le FMI à ces pays est très loin.

De façon très prévisible, Ecofin tient un discours à la fois viril et apaisant. Viril quand les ministres des Finances rappellent à ces pays qu’ils ont des obligations en matière d’assainissement et de restructurations tout en continuant à leur affirmer qu’ils se trouvent sur le droit chemin. Le discours apaisant est double. Premièrement, les ministres entrouvriront prudemment la porte à davantage d’aide sans pour autant la qualifier de telle. Il va de soi qu’ils proposeront des normes budgétaires moins strictes et accorderont un plus long terme au remboursement des dettes. Deuxièmement, ils voudront convaincre le monde et surtout les marchés que l’amélioration est en vue et que ces pays se rapprochent d’un rétablissement économique.

Il est évident qu’à moment donné il faudra un tournant. Aucune crise n’est éternelle. On se demande quel prix social paient et paieront ces trois pays méditerranéens avant que la tendance ne s’inverse. Une majorité de la population ne survit que grâce à l’économie informelle et le troc. En plus du niveau de chômage inadmissible, la criminalité en hausse, la pauvreté grandissante, le nombre de suicides croissant et le mépris en progression constante face à la politique traditionnelle et à l’Europe affectent de plus en plus le caractère démocratique de nos sociétés. Ceux qui prétendent qu’il n’existe pas d’alternative à l’adhésion à la zone euro ont de plus en plus en mal à faire valoir leurs arguments face au cancer social qui détruit Chypre, le Portugal et la Grèce.

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