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“La Banque nationale ne doit pas devenir une maison de retraite pour les anciens politiques”

La polémique liée à l’absence de femmes au sein du Comité de direction de la Banque nationale est justifiée. Mais l’institution est confrontée à deux autres problèmes: la Banque nationale ne doit pas devenir une voie de garage pour les politiques mis au rebut. Et le Comité de direction a besoin d’être dégraissé. C’est ce qu’affirme Alain Mouton, rédacteur au Trends néerlandophone.

La Banque nationale est un bastion d’hommes comme le prouve entre autres l’absence de femmes au sein du Comité de direction à la suite du départ de Marcia De Wachter. Fabienne Bister est la seule femme qui siège au Conseil de régence (17 membres). Et on ne trouve que deux femmes parmi les 26 sous-directeurs (le niveau juste en dessous du Comité de direction). Seulement 21% des 150 fonctions dirigeantes sont occupées par des femmes.

La Banque nationale ne respecte donc pas la règle qui impose un tiers de femmes dans les conseils d’administration des sociétés cotées en Bourse. Elle se défend : la structure du Comité de direction et du Conseil d’administration n’est pas la même que celle des sociétés cotées ordinaires. Par ailleurs, ce n’est pas la banque elle-même qui nomme les directeurs et les régents, mais le gouvernement et les partenaires sociaux.

Le premier argument est un peu léger. Le second aborde une question délicate. Le Comité de direction et, dans une moindre mesure, le Conseil de régence constituent un terrain de jeu pour les politiques, ce qui pose problème. L’agitation liée à la nomination de l’ancien ministre des Finances Steven Vanackere (CD&V) au poste de directeur ne découle pas seulement du fait qu’un homme va remplacer Marcia De Wachter. Force est de constater que les chrétiens-démocrates éliminent ainsi un problème interne de personnel. Une “solution” devait être trouvée pour Vanackere, qui était passé à côté d’un siège au Parlement européen en 2014 et de la fonction convoitée de gouverneur provincial. En réalité, l’affaire Vanackere nous apprend que la Banque nationale peut s’avérer être une maison de retraite pour les politiques mis sur une voie de garage. À moins que tout le monde ait oublié le passage de l’ex-président du Parlement flamand Norbert De Batselier (sp.a) au poste de directeur au boulevard de Berlaimont ? Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’a pas laissé un souvenir impérissable.

Ainsi l’expertise en tant que condition préalable à l’obtention d’une place dans les cénacles de la Banque nationale semble être, dans de nombreux cas, reléguée au second plan. “Dans de nombreux cas” ne signifie toutefois pas “toujours”. Le Conseil de régence compte des représentants des partenaires sociaux qui maîtrisent les systèmes hydrauliques socioéconomiques belges. Les réunions du Conseil de régence se sont apparentées plus d’une fois à celles d’un Groupe des Dix informel qui a défini les grandes lignes de l’accord interprofessionnel.

En effet, le Comité de direction compte dans ses rangs des gens extrêmement compétents. Prenons l’exemple du directeur Tom Dechaene. Il est chargé de la supervision bancaire en Belgique et participe à la surveillance des “banques systémiques” européennes au sein de la Banque centrale européenne (ECB). Dechaene connaît le monde de la finance sur le bout des doigts.

Mais il est manifeste que le copinage est un problème récurrent au sein de la Banque nationale. Il y a quelques mois, la nomination de Cédric Frère, petit-fils d’Albert Frère, comme régent a suscité des remous justifiés. Pas une nomination politique en tant que telle, mais nul n’ignore que la famille Frère est en contact direct avec un certain nombre d’hommes politiques francophones éminents, le ministre des Affaires étrangères Didier Reynders en tête.

Steven Vanackere peut s’appuyer sur une solide expertise socioéconomique en tant qu’économiste et ministre des Finances, certes, mais son rôle douteux de chien de garde du dossier Arco dans le gouvernement de Di Rupo entache cette réputation.

Enfin, on oublie dans ce débat qu’il n’y a aucune raison pour que le Comité de direction soit composé d’un gouverneur et de six directeurs. Comme l’a souligné à juste titre Véronique Goossens, leader d’opinion en chef chez Belfius et auteure de De Geldmakers : “Pourquoi garder six directeurs alors que la Banque nationale de pays comme les Pays-Bas et l’Allemagne en compte six et la Suisse (8 millions d’habitants) trois ?” Si le gouvernement Michel avait voulu réaliser des économies intéressantes, bien que très modestes mais faciles et symboliques, il a manqué une occasion d’y parvenir.

Traduction : virginie·dupont·sprl

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