Vraiment définitives, les autorisations urbanistiques et environnementales ?

L'Agence de promotion immobilière du Brabant wallon, en collaboration avec Thomas & Piron et Immobel, construit 203 logements à Grez-Doiceau. Un tiers des logements ont été vendus 30 % en dessous des prix du marché. Le solde des habitations permet de financer cet avantage. © PG

La conclusion de conventions liées à l’acquisition de biens immobiliers ou à la réalisation d’opérations de promotion donne fréquemment lieu à l’insertion de conditions suspensives diverses et variées.

Conditions au rang desquelles figure, en bonne place, celle relative au caractère ” définitif ” des autorisations urbanistiques et environnementales obtenues ou à obtenir. Cette condition se comprend aisément : l’acquéreur ou le promoteur entend ainsi se prémunir contre le risque d’une remise en question des permis liés au bien ou à l’opération à réaliser et réduit ainsi la part d’aléa de son projet.

Mais encore faut-il s’entendre sur l’exacte portée du qualificatif ” définitif “. La question n’est pas anodine puisqu’elle est directement liée à la survenance de la condition suspensive et donc à la bonne fin des engagements contractuels qui ont été pris. Cette notion de ” permis définitif ” n’étant pas légalement définie, elle peut donner libre cours à l’imagination des parties au contrat, ce qui doit encore plus inciter à la vigilance. Quelques précisions s’imposent donc…

Tout d’abord,un permis sera dit ” définitif ” s’il ne peut plus être retiré par celui qui l’a accordé, ce qui nous renvoie à la théorie générale du retrait des actes administratifs. En résumé, s’agissant d’un acte créateur de droits – un permis autorise en effet la construction d’un bien, voire son changement de destination ou d’utilisation, ou encore la mise en exploitation d’installations classées -, son auteur ne pourra le retirer que s’il constate son caractère illégal – et reconnaît ainsi implicitement avoir commis une erreur en le délivrant – et que si le permis est encore ” précaire “. Le permis ne peut donc être retiré que dans un certain délai – ce qui se comprend aisément, pour des raisons de sécurité juridique. Ce délai est, comme on le verra, directement lié à la période de recours dont le permis peut faire l’objet devant le Conseil d’Etat.

Un permis ne sera jamais totalement “définitif” et pourrait être remis en cause pratiquement perpétuellement…

Ensuite, un permissera considéré comme ” définitif ” s’il n’est plus susceptible de faire l’objet d’un recours administratif organisé, c’est-à-dire d’un recours en réformation que le législateur a expressément prévu et qui permet à une autre autorité administrative de revenir sur la décision antérieurement prise. En pratique, cette condition sera aisée à vérifier : ces recours ne peuvent être introduits que dans les cas prévus par la loi et dans les délais de rigueur qu’elle a fixés. Si un recours a été exercé, le permis devient alors définitif du jour où ce recours aura été rejeté ou de celui où la décision initiale aura été confirmée.

Enfin, et c’est là la situation la plus délicate à analyser, le permis ne deviendra ” définitivement définitif ” que du jour où, les éventuels recours administratifs ayant été épuisés, il ne pourra plus faire l’objet d’un recours en annulation devant le Conseil d’Etat ou, s’il a fait l’objet d’un tel recours, du jour où celui-ci aura été tranché.

Cette période de recourset le délai de la procédure en annulation – en cas de recours – constituent également le temps durant lequel l’auteur du permis peut encore retirer le permis attaqué – le retrait anticipant ainsi sur une annulation future puisqu’il fait disparaître rétroactivement la décision qui a été querellée devant le Conseil d’Etat.

La difficulté vient de ce qu’à l’inverse des recours administratifs organisés, le législateur n’a pas fixé, pour les tiers intéressés (voisins, associations diverses, etc.), un point de départ précis pour introduire leur recours au Conseil d’Etat : en effet, c’est le critère de la ” connaissance effective ” qui prévaut.

En d’autres termes, un riverain revenant d’un long voyage à l’étranger pourrait encore être dans les conditions pour saisir le Conseil d’Etat d’un recours en annulation. Avec cette conclusion étonnante, étant qu’un permis ne sera jamais totalement ” définitif ” et pourrait être remis en cause pratiquement perpétuellement…

A défaut de solution imparable, les parties au contrat devront alors s’entendre sur une ” cote mal taillée ” étant de réputer le permis définitif si aucun recours n’a été introduit dans un délai à convenir et dont le point de départ sera l’affichage de ce permis, lequel aura été dûment constaté par huissier. A méditer…

Par Philippe Coenraets, avocat associé et chargé de cours à l’Ichec.

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