Un propriétaire peut-il gérer à distance le thermostat de son locataire?
Le propriétaire d’un bien a-t-il le droit de contrôler le chauffage du logement qu’il loue afin de réaliser des économies sur la facture d’énergie ? Réponse avec l’avocate en droit immobilier Carole De Ruyt du cabinet Cairn Legal.
Dans le contexte de hausse des prix de l’énergie, tous les moyens sont bons pour faire des économies et éviter que les factures n’explosent. Avec les systèmes de domotique actuels, il est même possible pour le propriétaire d’un bien de régler la température du logement qu’il loue à distance. Et de décider unilatéralement de faire descendre la température assez bas dans les pièces de vie sans que le locataire ne puisse avoir de contrôle du thermostat. Cette pratique douteuse que nous a rapportée une lectrice n’est cependant pas autorisée.
La locataire en question, une étudiante française en location de courte durée, nous explique avoir tenté à plusieurs reprises de remonter la température de son logement, et de s’être étonnée qu’elle soit systématiquement redescendue à distance. Elle s’étonne de cette pratique, qui n’est pas stipulée dans son contrat de bail.
14 degrés dans l’appartement
Elle détaille la situation à Trends Tendances : “Je vis en colocation, dans un appartement que j’ai loué sur Housing Anywhere avec une amie. Nous nous retrouvons dans une situation compliquée avec une température de 14 degrés dans l’appartement et le thermostat réglé à 16 par le propriétaire qui le gère à distance via son téléphone. Nous payons cependant 125 euros de charges pour l’électricité, l’eau et le chauffage. Nous lui avons communiqué notre mécontentement à plusieurs reprises, cependant rien ne change. Après avoir contacté l’agence de location, qui s’en lave les mains, nous n’avons toujours pas de solution pour résoudre notre problème.”
Du côté de la plateforme de logement pour le marché étudiant Housing Anywhere, on nous confirme effectivement ne pas intervenir dans les litiges de ce genre entre propriétaires et locataires.
Une pratique non autorisée
La pratique n’est cependant pas autorisée. L’avocate spécialisée en droit immobilier Carole De Ruyt du cabinet Cairn Legal détaille la législation en vigueur en Belgique.
En application de l’article 1719 du Code Civil, le bailleur est tenu de délivrer le bien loué en bon état de réparations de toutes espèces et d’entretenir les lieux dans cet état tout au long du bail.
En pratique cela implique dans le chef du bailleur de remettre les clefs d’accès aux lieux loués à son locataire et de s’assurer, tout au long du bail en ce qui concerne le chauffage notamment que :
- En Région wallonne, le logement dispose d’un équipement permanent spécifiquement conçu soit pour permettre le placement d’un point de chauffage fixe, soit pour alimenter un point de chauffage fixe, et ce dans au moins une pièce d’habitation de jour et que ce système ne présente pas un caractère manifestement dangereux.
- En région de Bruxelles-capitale, que l’installation de chauffage soit conforme aux normes en vigueur et soit maintenue en bon état d’entretien, de manière à garantir un fonctionnement sûr, aussi bien dans le logement lui-même, que dans les communs et les abords.
Une autre obligation du bailleur est de garantir la jouissance paisible des lieux par le preneur, c’est-à-dire de le garantir contre les troubles qui portent atteinte à cette jouissance.
Dans cette optique, il faut considérer qu’agir à distance (ou non) sur le thermostat de son locataire implique une violation de cette obligation de garantie.
Le bailleur ne peut donc poser d’acte matériel ou juridique qui troublerait cette jouissance par exemple en rendant visite de façon intempestive à son locataire ou en pénétrant dans les lieux sans son autorisation.
Cette garantie implique également que le bailleur ne peut pas interrompre l’approvisionnement en eau, gaz ou électricité de son locataire ni la contrôler.
Dans cette optique, il faut considérer qu’agir à distance (ou non) sur le thermostat de son locataire implique une violation de cette obligation de garantie.
En conclusion, la seule manière de s’assurer que son locataire paiera bien la surconsommation éventuelle à mettre à sa charge est soit de prévoir un forfait de charges suffisant, soit de prévoir dans le contrat de bail que la facturation des énergies se fera trimestriellement plutôt qu’annuellement afin d’éviter les risques d’impayés.
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