Pourquoi les Belges réinvestissent l’Europe centrale

Granaria Island. A Gdansk, en Pologne, Immobel réhabilite un ancien site industriel en un complexe de bureaux de 60.000 m2, comprenant également un hôtel et quelques surfaces commerciales. Si le permis est déjà obtenu, Granaria Island ne devrait pas être livré entièrement avant 2023. © Immobel

Les promoteurs belges réaffirment leur présence sur les marchés immobiliers d’Europe centrale. Codic, Atenor, Ghelamco et Immobel notamment. Des marchés qui apparaissent moins risqués qu’auparavant. Et où les rendements et les marges restent par contre élevés.

Les promoteurs ne sont pas vraiment de grands romantiques. S’ils mettent tous le cap à l’est pour le moment, ce n’est pas vraiment pour découvrir les charmes du Danube, se perdre dans le coeur historique de Gdansk ou encore se balader dans les Carpates. Business is business. Il ne faut que deux heures d’avion pour arriver à Budapest ou à Varsovie, et trois heures pour Bucarest. La porte d’à côté donc. A quelques milliers de kilomètres de Bruxelles, ils y découvrent un taux de croissance qui flirte avec les 3 %, des rendements locatifs qui grimpent jusqu’à 8 % et une demande internationale d’affaires qui ne cesse de s’étoffer. Sans parler d’une demande pour du résidentiel haut de gamme qui commence à apparaître. Bref, un contexte économique bien plus favorable que ce qu’ils côtoient au quotidien en Belgique. Même si, il ne faut pas se voiler la face, ces marchés restent quelque peu instables et sujets à des soubresauts politiques. Ce qui n’est jamais la panacée pour un investisseur.

Une prime de risque à l’investissement

Le mouvement n’est pas neuf. Ghelamco a lancé les hostilités en 1989 en Pologne. Devenant aujourd’hui l’incontournable leader du marché dans ce pays. Codic, Immobel, Atenor et d’autres ont embrayé 15 ans plus tard. La crise des subprimes est ensuite passée par là, révélant un marché instable et risqué. La plupart des promoteurs ont alors gelé leurs investissements, certains se sont même retirés. Avant d’effectuer un retour sur le devant de la scène l’an dernier. ” Le rebond est important, explique Stéphan Sonneville, le patron d’Atenor, présent en Hongrie et en Roumanie. La plupart des feux sont au vert. ”

Les promoteurs belges investissent aujourd’hui principalement en Pologne, en Hongrie et en Roumanie. Certains s’aventurent en Ukraine, en Russie et en Slovaquie. Mais cela reste marginal. Ils y sont implantés pour des raisons diverses. Les principales étant une volonté de diversifier leur portefeuille de développements et de profiter des réelles opportunités financières qui se dégagent suite à des investissements qui concernent pour l’essentiel des immeubles de bureaux. ” De plus en plus de sociétés y envoient leur back office, précise Thierry Behiels, le CEO de Codic qui amorce un retour en force en Hongrie après y avoir quelque peu gelé ses investissements depuis 2011. Des multinationales y installent leur siège. A Budapest, le taux de vacance en matière de bureaux était de 24 % il y a cinq ans et est de 9 % aujourd’hui. C’est une belle preuve de reprise de l’activité. ”

Le gouvernement hongrois développe une vraie politique d’accès à la propriété, ce qui est intéressant pour nous. ” – Thierry Behiels, CEO de Codic

Un retour des acteurs belges qui est lié à une croissance et une demande qu’ils ne trouvent pas en Belgique. Et, par ricochet, à des rendements locatifs qui peuvent faire tourner la tête. Ils sont de 6 à 8 % alors qu’à Bruxelles ils atteignent péniblement 4 % et ne sont que de 3 % à Paris. ” Mais c’est logique, lance Thierry Behiels. L’investissement est beaucoup plus risqué dans ces pays. Il s’agit donc en quelque sorte d’une prime de risque. Nous devons aussi faire avec un taux de change et une situation politique moins stable que chez nous. ” Si Stéphan Sonneville et Olivier Beguin, directeur général d’Equilis, plus intéressants, Marnix Galle, président d’Immobel, tempère de son côté quelque peu les ardeurs. ” Il ne faut pas non plus croire que c’est un eldorado pour les promoteurs, explique ce dernier, patron d’une société qui s’est implantée en Pologne par le biais des anciens actionnaires d’Eastbridge et qui développe notamment les projets Granaria Island à Gdansk (60.000 m2 de résidentiel), Cedet (22.000 m2 de bureaux) et CBD One (18.700 m2 de bureaux) à Varsovie. Les rendements ne sont pas beaucoup plus intéressants qu’en Belgique, même si on peut atteindre facilement du 5,5 %. La Pologne présente une série d’avantages tels qu’un taux de croissance élevé, une économie saine et un marché immobilier très compétitif. Il est compliqué mais il en vaut la peine. Le risque est toutefois plus élevé avec des prix qui peuvent varier nettement d’une année à l’autre et un système politique moins stable qu’en Belgique. Notre politique est d’augmenter l’entièreté de notre portefeuille et pas seulement celui de la Pologne. Ce pays en occupe 12 % pour 69 % en Belgique. Et la volonté n’est pas de modifier radicalement cette répartition. ”

Granaria Island. A Gdansk, en Pologne, Immobel réhabilite un ancien site industriel en un complexe de bureaux de 60.000 m2, comprenant également un hôtel et quelques surfaces commerciales. Si le permis est déjà obtenu, Granaria Island ne devrait pas être livré entièrement avant 2023.
Granaria Island. A Gdansk, en Pologne, Immobel réhabilite un ancien site industriel en un complexe de bureaux de 60.000 m2, comprenant également un hôtel et quelques surfaces commerciales. Si le permis est déjà obtenu, Granaria Island ne devrait pas être livré entièrement avant 2023.© Immobel

Trouver son terrain de jeu

Développer une filiale dans ces pays n’est pas donné au premier venu. Il faut des reins solides, constituer une équipe locale et saisir les opportunités au bon moment. Une option choisie dès le départ par Codic, précurseur sur le marché roumain en 2006 avant de se retirer suite à la crise de 2009. ” Aujourd’hui, nous réactivons nos projets en Roumanie et en Hongrie, note Thierry Behiels, qui vient d’acheter un terrain de 70 ha à Ploiesti (Roumanie) pour y développer 800.000 m2 de résidentiel. 270 appartements vont aussi être développés à Budapest. Les conditions y sont particulièrement intéressantes : le taux de TVA sur le logement a par exemple été diminué de 27 à 5 % et chaque ménage de moins de 40 ans reçoit une aide de 40.000 euros pour acheter un bien. Le gouvernement hongrois développe une vraie politique d’accès à la propriété, ce qui est intéressant pour nous. ”

Vu le contexte, de plus en plus de promoteurs belges se sont intéressés à ces marchés. Comme Equilis, le bras immobilier du groupe Mestdagh, qui a dévoilé l’an dernier ses nouvelles ambitions européennes et qui souhaite maintenant s’implanter durablement en Pologne, après s’être retiré de la Hongrie et être en passe de quitter l’Ukraine. ” Notre politique de développement à l’étranger est conditionnée par une volonté de diversifier les risques en termes de rendement et de croissance, explique Olivier Beguin. Pour l’Europe centrale, nous sommes dans une phase d’approche prudente. La stabilité politique n’est pas la même qu’en France et en Espagne. Il y a aussi des risques de dévaluation de la monnaie. Il y a donc un souhait de ne pas trop s’exposer. Nous avons créé une filiale en Pologne. On se donne deux ans pour voir si nous y avons un avenir. Mais je ne vois pas l’Europe centrale non plus comme un petit paradis pour les promoteurs belges. Il faut relativiser cet attrait. ”

Parmi ceux qui en sont revenus, il y a le groupe Extensa. Présent en Hongrie et en Slovaquie, il a décidé de se retirer pour se concentrer sur la Turquie. ” Nous sommes allés en Europe de l’Est au mauvais moment, explique Kris Verhellen, CEO d’Extensa. Tout le monde se ruait là-bas il y a 10 ans. Nous vendons donc nos positions en Slovaquie, alors que la Roumanie n’est pas stratégique pour nous. Les changements politiques et la crise financière ne nous ont pas été favorables. Notre objectif est de renforcer notre présence en Turquie, à Istanbul. La demande est forte, des mesures spécifiques sont prises pour encourager l’accès à la propriété. Les conditions pour gagner de l’argent y sont plus présentes qu’en Belgique. Chaque promoteur doit en fait trouver son terrain de jeu à l’étranger. Et je pense que chaque cas est particulier. Du moment qu’il y en a pour tout le monde… (sourire). “

Par Xavier Attout.

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