“Nous refusons de créer de nouveaux lotissements à Courtrai”

Vincent Van Quickenborne © Belga

Proximité et accessibilité. Tels sont les principaux atouts des villes gagnantes, selon le bourgmestre courtraisien Vincent Van Quickenborne. Dans ces villes, le “tout à l’auto” n’aura plus sa place. “Il est impossible de continuer comme ça.”

Courtrai va-t-elle changer ces prochaines années ? “Regardez le nombre de grues stationnées ici, jusqu’au coeur de la ville”, commente le bourgmestre Vincent Van Quickenborne (Open Vld). Il nous montre une photo aérienne de sa ville. “Tous ces points rouges représentent des projets de construction privés, soit environ 500 millions d’euros d’investissements, explique-t-il. Il s’agit de la plus grande vague d’investissements dans Courtrai depuis la Seconde Guerre mondiale. Il est intéressant de noter que ceux-ci vont également de pair avec des investissements colossaux de la part du secteur public. Nous lançons la construction d’un nouveau commissariat de police. Juste à côté de la nouvelle gare, il y aura un centre musical. ‘Scholen van Morgen’ investit 90 millions d’euros dans des bâtiments scolaires neufs et rénovés au centre-ville.”

Wout Maddens (Open Vld), échevin en charge des Travaux et de l’Habitat, renchérit avec trois grands projets de rénovation de la ville. “Le quartier de la gare sera entièrement rénové en plusieurs phases. Nous sommes déjà occupés à la Campus Kortrijk Weide. Ce sera un nouveau quartier de la ville doté notamment d’un parc, d’une place dédiée à l’organisation d’événements, d’un incubateur/accélérateur et d’une piscine olympique. Nous y avons déjà ouvert une nouvelle école pour l’enseignement aux adultes. Le troisième projet concerne le réaménagement des rives de la Lys.” “C’est notre petit bijou, la cerise sur le gâteau, intervient Vincent Van Quickenborne. Nous allons réaménager les rives de la Lys, ce qui permettra de créer un ensemble de terrasses avec un très bel espace public. Ce sera le ‘Graslei’ de Courtrai (en référence au Graslei – quai aux Herbes – de Gand, Ndlr).”

Grâce à la K-Tower, Courtrai possédera sa première tour d’habitation. N’est-ce qu’un début et la “skyline” de Coutrai sera-t-elle toute différente d’ici 10 ans ?

WOUT MADDENS. Trois tours sont actuellement prévues : la K-Tower, qui fera 66 m de haut, et deux tours de 54 m sur le site Blekerij. Il y a encore d’autres endroits en ville qui pourraient accueillir des constructions hautes. Où et comment ? Cela peut faire partie du débat que nous entendons mener avec les habitants de notre ville.

VINCENT VAN QUICKENBORNE. La “skyline” de Courtrai va changer, et le processus a déjà commencé. Mais n’allez pas penser que 20 tours d’habitation vont subitement sortir de terre à Courtrai. Ce serait disproportionné à l’échelle de cette ville. Nous ne sommes pas contre les constructions en hauteur, mais il convient de poser des exigences qualitatives. C’est la raison pour laquelle nous travaillons avec des architectes réputés. Nous ne pouvons pas nous permettre qu’une telle tour soit déjà dépassée dans 10 ans.

W.M. Pour ce type de construction, c’est aussi ce que vous faites de l’espace qui l’entoure, l’espace public libéré, qui est capital. Vous construisez en hauteur pour prendre moins de place au sol. De cette manière, vous pouvez rendre quelque chose à la ville, aux habitants du quartier. Cet espace ne peut dès lors pas être privatisé.

Qu’ont à offrir les villes du futur ?

V.V.Q. Pour nous, les concepts majeurs sont la proximité et l’accessibilité. Courtrai a l’avantage d’être une ville très compacte. Nous ne sommes pas la plus grande ville de Flandre, mais nous avons une offre culturelle et sportive très étendue. Les villes du futur sont celles où il y a beaucoup à faire et à vivre sur une superficie restreinte. Et où les habitants peuvent se déplacer de manière durable. Il s’agit là de l’un des plus grands défis des villes flamandes. On ne peut pas continuer comme ça. Il y a de plus en plus d’embouteillages et la qualité de l’air ne cesse de se détériorer. Habiter près de son lieu de travail et ainsi pouvoir s’y rendre à pied ou à vélo, et donc habiter en ville ou à proximité, est la seule solution. Par ailleurs, la percée du vélo électrique a augmenté la distance franchissable.

La ville du futur sera, selon moi, de plus en plus fermée aux voitures. Ce qui ne signifie pas que nous devions tomber dans l’exagération. Nous disposons d’un bon système de stationnement de courte durée en surface, aux portes des commerces. Par ailleurs, le stationnement de longue durée doit se faire autant que possible en sous-sol. C’est la raison pour laquelle nous construisons quatre parkings souterrains – dont deux sont déjà prêts – , ce qui nous permettra de supprimer près d’un millier de places de parking en surface. Nous libérons ainsi de l’espace pour les piétons et les cyclistes.

W.M. Outre la proximité et l’accessibilité, j’aimerais ajouter l’imbrication. L’ère du cloisonnement – avec des espaces délimités pour l’habitation, le travail et les loisirs – est révolue. La ville du futur parvient à imbriquer ces fonctions de manière viable.

Dans la presse, il a été dit que Courtrai est un précurseur du “Stop au béton” prôné par les autorités flamandes. La ville ne touchera pas à une zone d’extension d’habitat de 94,5 ha, qui représenterait 1901 logements.

V.V.Q. Nous continuons à construire à Courtrai et dans Courtrai. Mais ces zones d’extension d’habitat sont situées à la périphérie de la ville. C’est ce que prévoyait le plan structurel 2000-2006. Cela prouve que les mentalités peuvent changer à court terme. En 2000, on pensait encore : “Nous devons continuer à lotir”. C’est une erreur que nous n’allons pas commettre. Il va de soi que nous allons respecter les droits des propriétaires. Mais nous refusons les nouveaux lotissements. Cela ne ferait qu’aggraver la circulation chaotique que connaît déjà notre ville.

W.M. Nous entendons surtout développer le centre-ville. Dans ce sens, le slogan “Stop au béton” est sans doute un choix terminologique malheureux. Pour reprendre les termes du bouwmeester flamand (fonction de responsable de la politique architecturale, Ndlr) : il faudra encore beaucoup de béton pour concrétiser le plan “Stop au béton”. C’est ainsi qu’il y a encore de nombreux endroits qui devront se voir attribuer une nouvelle destination urbaine dans les années à venir : les anciens hôpitaux, le canal, l’axe gare-Hoog Kortrijk, une ancienne usine de métal. Ces endroits – nous les appelons les “aimants de la ville” – sont les modèles de la nouvelle Courtrai que nous voulons présenter.

Les parents de jeunes enfants ont encore tendance à quitter la ville. Que fait Courtrai pour fidéliser ce groupe de la population ?

V.V.Q. Nos collaborateurs qui étudient les données ont examiné les chiffres des déménagements et il en ressort qu’il y a quand même également une arrivée de jeunes gens en ville. Cependant, le concept d’une maison avec jardin est délicat en ville. Nous essayons essentiellement d’aménager l’espace public comme un jardin pour l’habitant de la ville. C’est ce que nous faisons avec les nouveaux parkings et le réaménagement des rives de la Lys. En outre, nous transformons chaque été notre Grand-Place en une grande aire de jeux. Par de telles initiatives, notre but est de rendre la ville plus attrayante pour les familles avec de jeunes enfants. Et nous constatons que l’objectif est progressivement atteint. Les personnes qui habitent en ville n’ont généralement pas besoin de deux voitures. C’est un atout. Mais il faut l’avouer, il n’y a pas encore énormément de jeunes familles qui viennent s’installer.

Le Flamand n’est pas un habitant de la ville, et le Flamand de Flandre-Occidentale encore moins. Ou est-ce une idée fausse ?

V.V.Q. Il est vrai que la Flandre-Occidentale ne compte pas de grande ville. Mais je remarque que nos villes comme Ostende, Bruges, Courtrai, Roulers et Ypres ont un pouvoir d’attraction de plus en plus grand. Ce phénomène se produit peut-être avec un certain retard, comparé aux autres provinces, mais il est bien présent. Le fait que la problématique des embouteillages se fait également sentir en Flandre-Occidentale n’y est pas étranger. Auparavant, les bouchons étaient limités à Anvers et Bruxelles. Maintenant, la Flandre-Occidentale est également touchée. Les gens en ont marre. Et comment résoudre ce problème ? En allant habiter près de son lieu de travail. Ou à proximité des carrefours importants pour la mobilité, comme les gares.

Y a-t-il de la concurrence entre les villes de Flandre-Occidentale ?

V.V.Q. Ce sont d’autres régions. Les mouvements entre les villes comme Courtrai, Bruges et Roulers sont très limités, sauf peut-être pour ce qui est de leur fonction de zone commerciale. Beaucoup de Flamands de Flandre-Occidentale sont partis à Gand, mais la tendance semble désormais s’inverser un peu. Gand est devenue une ville chère.

Courtrai sera-t-elle une plus grande ville dans 10 ans ? Etes-vous des partisans de la fusion avec des communes voisines ?

V.V.Q. Je plaide plutôt pour des régions urbaines. Au sud de la Flandre- Occidentale, nous avons une longue et bonne expérience d’un fonctionnement intercommunal fort : Leiedal. C’est un modèle pour toute la Flandre. Leiedal est gérée de manière très compétente et est active grâce à un groupe de collaborateurs qualifiés dans les domaines de l’urbanisme, du développement urbain et de la mobilité. Citons aussi la conférence des bourgmestres, plus ou moins à la même échelle que Leiedal : 13 communes, 300.000 habitants dans une zone qui s’étend de Waregem à Wervik et de Lendelede à Spiere-Helkijn au sud de la Flandre-Occidentale. Nous rêvons d’une région urbaine de cette taille. L’avantage d’une région urbaine est qu’elle a une échelle suffisante tout en restant assez proche des habitants.

W.M. La Flandre se trouve dans une situation compliquée. Pour un certain nombre de matières, elle est gérée de manière très centrale depuis Bruxelles. D’autres compétences sont par contre très locales. Trop locales. Les communes de quelques milliers d’habitants ne sont pas équipées pour traiter des matières complexes. On a donc besoin d’un niveau intermédiaire, mais les provinces ne constituent pas un instrument adéquat. Elles ne concordent pas avec le bassin de vie des gens. En Flandre-Occidentale, la région de Bruges est tout à fait différente de la nôtre. Et en Flandre-Orientale, Gand a peu de choses en commun avec la région autour d’Audenarde. Nous plaidons dès lors en faveur des régions urbaines et nous sommes disposés à faire office de cobaye sur ce terrain.

Propos recueillis par Laurenz Verledens

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