“Les grues font enfin leur apparition à Namur”

© BEE ET 3XN ARCHITECTS

Namur semble entrer dans une nouvelle ère. Les chantiers s’y multiplient, démontrant les nouvelles ambitions de la capitale wallonne. La densification liée aux perspectives démographiques ne passera, par contre, pas par l’hyper-centre. Elle sera dépendante de la réussite de la reconversion de plusieurs quartiers situés à proximité du centre, comme à Bomel ou à Erpent.

De la fenêtre de son bureau situé place Léopold, il a une belle vue d’ensemble sur la multitude de projets qui visent à redynamiser le nord de Namur. Le fonctionnaire délégué Marc Tournay voit défiler de plus en plus de dossiers de qualité sur son bureau. Et il n’est pas vraiment mécontent d’enfin passer à la vitesse supérieure.

TRENDS-TENDANCES. Namur est-elle en train de se réveiller ?

MARC TOURNAY. Je le pense. Namur commence à assumer son statut de capitale. On s’aperçoit qu’il y a une volonté de grandir et de bien grandir. Il y a actuellement une dynamique intéressante. Cela va bien évidemment plus vite quand un bourgmestre est également ministre… Mais ce qui est positif, c’est que cela s’accompagne d’une vision intéressante. Pendant longtemps, Namur a vivoté. On y évitait les développements trop importants. Ce point de vue évolue, les développements de taille moyenne sont de plus en plus acceptés. Ce qui permet enfin à la ville d’évoluer. Un promoteur doit simplement s’armer de patience pour arriver à ses fins. Car les délais se comptent en années. Chaque dossier est passé à la moulinette par la Ville. De quoi aboutir à des dossiers de qualité.

Ces délais ne sont-ils pas un jeu dangereux, ce qui pourrait faire fuir les promoteurs ?

Non, les développeurs en sont conscients. Ils font la file, preuve de l’intérêt nouveau pour Namur. Et puis, cela signifie également que la demande est suffisante pour exiger de la qualité. La Ville a le luxe de choisir. L’autre enjeu est de faire accepter cette évolution à la population qui, en partie, souhaite maintenir le caractère provincial et tranquille de la ville. La réhabilitation d’une friche industrielle est toutefois mieux acceptée que l’érection d’un nouveau quartier sur une zone vierge.

Par quoi se traduit cette volonté nouvelle de grandir ?

Par l’élaboration d’un schéma de structure et par la réalisation de projets publics ou privés. Il y a de plus en plus de projets intéressants, qui permettent notamment d’éviter l’étalement urbain. Ils sont proches de la ville. L’idée étant de reconstruire la ville sur la ville. De redensifier et revitaliser des quartiers qui ne l’étaient plus. Les projets les plus intéressants sont aujourd’hui à proximité du centre-ville et non plus en périphérie.

Mais cette densification n’est-elle pas un discours de façade, un concept que l’on lance trop souvent en aménagement du territoire ?

Non, on le voit sur le terrain. Comme par exemple avec le projet Atradius à Jambes qui développe une mixité bureau/logement ou encore le projet du quartier des anciens abattoirs à Bomel développé par Willemen où l’on retrouvera un volet culturel avec du logement. Un peu plus loin, entre les deux cités sociales, Thomas & Piron étudie la possibilité de recréer un pan commercial mêlé avec du logement (près de 300 unités) dans un quartier plus défavorisé. Il s’agit de projets compliqués que les promoteurs n’auraient pas réalisés il y a une dizaine d’années. L’objectif général étant d’avoir une densité raisonnée et raisonnable. Avec une amélioration de la qualité.

Quels sont les enjeux principaux auxquels est confrontée Namur aujourd’hui ?

Namur avait une vie commerciale intense, mais on sent qu’elle s’essouffle quelque peu. La Ville a réussi jusqu’à présent à résister à l’érection de centres commerciaux situés en périphérie, même si quelques grandes enseignes se sont installées dans cette même périphérie. Nous sentons bien qu’une redynamisation est nécessaire pour maintenir l’activité commerciale et économique dans le centre de la ville. Cela passera normalement par le projet commercial du square Léopold, racheté en 2016 par Besix. Un projet de taille moyenne qui viendra en appui des commerces existants. Besix semble vouloir y adjoindre du logement. Le problème, c’est que ce ne sera pas conforme au plan de secteur…

Quelles sont les perspectives démographiques pour la ville de Namur ?

La population est en nette croissance et les perspectives à 10 ans sont importantes, surtout au sud de Namur. Cela se traduit déjà par le fait que les projets sont de plus grande envergure. Et quand on voit les permis qui sont déposés actuellement, 70 % des demandes concernent des projets d’appartements. La maison individuelle est en chute libre. Il faut même parfois se battre pour qu’un promoteur maintienne des projets de maisons mitoyennes. L’échevin de l’Urbanisme Arnaud Gavroy (Ecolo) estime qu’il s’agit d’une nécessité si on veut ramener des familles en centre-ville. Cette attractivité implique un suivi en matière d’équipements (écoles, espaces culturel et sportif, etc.). Gembloux, qui est soumis à la même pression foncière, ne peut, par contre, suivre le même rythme en matière d’équipements et a donc décidé de fermer le robinet des promoteurs. Et ce alors que les constructions neuves se vendent rapidement. Ils ne veulent pas être dépassés par la hausse de la population.

La majorité semble faire preuve d’un certain volontarisme, du moins dans les déclarations. Sur quels axes faut-il principalement agir pour développer Namur ?

Il faut ramener des habitants dans le centre et rénover le bâti existant. Le réaménagement des bâtiments du centre-ville est une priorité. Quand je suis devenu fonctionnaire délégué, il n’y avait pratiquement aucun logement aux étages des commerces. Aujourd’hui, la situation a bien évolué et chaque projet de transformation intègre ce volet. C’est une réelle avancée qui contribue à la dynamisation du centre-ville. Toutefois, ce n’est pas par ce biais que nous aurons une réelle densification. La valeur patrimoniale du centre de la ville ne permet pas les mutations d’envergure. Par contre, dès que nous sortons de la “corbeille” (le centre-ville, Ndlr), les possibilités sont importantes. Que ce soit à Bomel ou à Salzinnes. Il reste d’importantes poches à urbaniser. Il reste par contre peu de terrains à proximité du centre. Nous sommes le plus souvent dans des opérations de démolition/reconstruction.

Quid de l’attractivité de la ville ?

Si on veut que les projets de logement fonctionnent, il est nécessaire que Namur renforce son attractivité. Il faut rendre la ville attrayante. Cela passe par exemple par le réaménagement du site du Grognon (projet Confluence), par la transformation de la maison de la Culture ou encore par le réaménagement du site de l’ancienne poste (bureaux, hôtel et centre de congrès). On sent que la Ville veut donner une image plus moderne de Namur. Cela passe aussi par une ouverture à l’architecture contemporaine, avec des éléments d’appel.

Quels sont les quartiers d’avenir ?

Si on réussit l’opération immobilière de Bomel, ce serait un beau pas en avant. Il s’agit d’un quartier difficile en termes d’aménagement du territoire, à savoir un site ouvrier situé à l’arrière de la gare. Réussir cette reconversion pourrait offrir de belles perspectives. Willemen d’un côté et Thomas & Piron de l’autre sont à la manoeuvre. Ce site est situé à proximité du centre-ville et possède des espaces verts puisque proche d’anciennes carrières. A Erpent, il faudra également suivre l’aménagement de l’éco-quartier Bellevue sur 10 ha par un partenariat public-privé (Cobelba) et le projet de Thomas & Piron. Même si les riverains y sont opposés. Au quartier des Casernes, il y aura un nouveau palais de justice et du logement. Il y a en fait une vraie opération transversale au nord de la “corbeille”. Cela part du boulevard Mélot (réaffectation des anciens bâtiments de Vers l’Avenir par Actibel) pour ensuite se poursuivre par le futur centre commercial de Besix, la future gare des bus au-dessus de la gare actuelle, l’ancien mess des officiers transformé en maison de l’emploi et en logements (Rogier 1 et Rogier 2), le palais de justice et un projet de logements. Tous les espaces publics seront réaménagés. Ce qui permettra au nord de la ville de retrouver une certaine attractivité (des projets qui peuvent être découverts et suivis dans un pavillon de l’aménagement urbain situé à l’hôtel de ville ou sur le remarquable site internet pavillon-namur.be, Ndlr).

Namur a-t-elle déjà connu une telle concentration de dossiers ?

Cela fait, en effet, une certaine masse de projets. Namur est partie pour plusieurs années de chantiers et de complications en termes de mobilité. Et ça, c’est nouveau pour les habitants. Avant, certains disaient que Namur ne vivait pas car il n’y avait pas une seule grue en action. Maintenant, on va en voir un peu partout ! De nombreux chantiers ont démarré ou vont démarrer. Cette concomitance de projets est d’ailleurs un souci pour la Ville, qui ne veut pas donner l’impression d’avoir une mutation trop importante.

Et y a-t-il suffisamment d’investisseurs prêts à réaliser du logement ?

Oui, c’est même devenu le terrain de jeu privilégié de Thomas & Piron (sourires). Le projet de rénovation de la maison de culture, pour lequel ils se sont vraiment battus et ont choisi un grand architecte comme Philippe Samyn, témoigne de leurs nouvelles ambitions. Leur image évolue. Cobelba et Actibel sont d’autres promoteurs incontournables aujourd’hui.

Quels sont les principaux freins à la réalisation de ces ambitions nouvelles ?

La mobilité peut entacher l’image de la ville. Les problèmes de circulation sont importants. Ce qui peut faire hésiter un promoteur à s’engager. De même qu’il y a certaines incertitudes sur le plan commercial. Le shopping peut redynamiser le centre-ville. Reste à voir quand il sortira de terre. Il y a également des problèmes de stationnement à résoudre. Quant au marché du bureau, il est en net recul. La régionalisation n’a pas amené les fonctionnaires attendus.

Le bâti est-il suffisamment diversifié ?

Oui, je pense bien. Les promoteurs proposent de nombreux projets d’appartements. Quant à l’autre tendance, il s’agit de la transformation de maisons individuelles en immeubles à appartements. Mais la Ville lutte contre ce phénomène.

Un mot sur la politique développée en bord de Meuse ?

Le projet d’Atenor, le Port du Bon Dieu, se termine (les 140 appartements sont vendus, Ndlr). Un très beau projet. Par contre, la volonté est vraiment de ne pas autoriser de constructions en bord de Meuse. Un règlement a d’ailleurs été approuvé pour protéger les villas mosanes et éviter la “littoralisation” des bords de Meuse. La mise en valeur des quais passe par la préservation de la qualité de vie.

Comment voyez-vous Namur dans 10 ans ?

La réponse à la hausse démographique sera d’avoir plus d’habitants dans le centre-ville. Nous aurons évité qu’ils s’installent en périphérie par le biais de projets de démolition-reconstruction ou d’autres réaménagements d’envergure. Des habitats plus agréables. J’espère que les équipements publics seront réalisés et auront amélioré le cadre de vie. On peut imaginer que le centre commercial sera réalisé et qu’il aura permis de maintenir le commerce de centre-ville.

Charleroi, Bruxelles et Anvers disposent d’un “bouwmeester”. Namur devrait-elle disposer d’un tel homme pour dynamiser le développement urbanistique de la ville ?

Je ne vois pas bien l’intérêt du bouwmeester. Une fois que vous possédez un politique dynamique qui a une vision urbanistique, et que l’administration est efficace, je pense que l’on peut s’en passer. Si ce n’est pas le cas, un bouwmeester peut jouer un rôle. Pour Namur, vu la taille de la ville, je ne vois actuellement pas la valeur ajoutée.

Propos recueillis par Xavier Attout

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content