Alexia Bertrand

Le plafonnement de l’indexation des loyers: la fausse bonne idée de la gauche bruxelloise!

Alexia Bertrand Chef du groupe MR au Parlement bruxellois

Imaginez-vous…

Un homme, appelons le Jacques, a 84 ans. Il réside dans une maison de repos et se félicite d’avoir investi dans la brique il y a plus de vingt ans. C’est cet investissement qui lui permet de vivre décemment, en complément de sa petite pension d’indépendant. Les loyers perçus financent partiellement le coût de sa maison de repos. Chaque année, pour faire face à l’inflation, Jacques indexe le loyer de son locataire. C’est bien normal, c’est un mécanisme économique prévu dans le contrat de bail, qui permet d’ajuster le prix de la location en cours au niveau général des prix du pays qui évoluent chaque année. L’indexation est calculée sur la base de l’indice santé, composé de l’indice des prix à la consommation, dont on a retiré le tabac, les boissons alcoolisées et le carburant (sauf le LPG). Les loyers ne sont pas les seuls à bénéficier de cette protection. Le mécanisme d’indexation s’applique automatiquement aux allocations sociales, aux salaires de la fonction publique et, de manière spécifique, dans les différents secteurs d’activité.

Cette année, pourtant, la Secrétaire d’État bruxelloise en charge du logement, Madame Nawal Ben Hamou (PS), propose de plafonner l’indexation du loyer à 2% alors qu’elle devrait tourner autour de 4 ou 5%. Une telle mesure ne ferait que reporter la charge de l’inflation sur une classe moyenne qui trinque déjà. Ce seraient en effet les petits propriétaires, comme Jacques, qui assumeraient la charge de l’inflation à la place des locataires. Comme si l’augmentation du coût de la vie se résumait à des vases communicants entre propriétaires et locataires.

Ne pas faire bénéficier les propriétaires-bailleurs du mécanisme d’indexation revient à les jeter hors du train de la protection inflationniste : pour eux, les impôts liés à leur mise en location sont indexés tout comme leurs travaux d’investissement et leurs assurances. En effet, le précompte immobilier à charge des propriétaires est déterminé sur la base du revenu cadastral qui suit, lui, l’indice des prix à la consommation qui augmente plus vite que l’indice santé ! L’on semble également oublier que les propriétaires-bailleurs subissent, au même titre que les locataires, l’inflation du prix de l’énergie de la maison ou appartement dans lequel ils vivent. Rien qu’entre juillet 2021 et décembre 2021, le prix du gaz a doublé. Quant à l’électricité sur cette même période, la facture a augmenté de 27%. Sans parler du prix de la construction qui sur l’année 2021 a augmenté de 6,6%, dû entre autres à des matériaux qui ont bondi de 15% à 25%. Et Jacques dans tout cela? Son pouvoir d’achat va également diminuer. En toute logique, le coût de sa maison de repos sera lui aussi indexé, car la facture d’énergie de l’institution a probablement triplé ou quadruplé.

Si les revenus des propriétaires sont moindres, leurs investissements le seront nécessairement aussi.

Exit donc les projets de rénovation énergétique dont on sait que le bâti bruxellois a tant besoin. C’est pourtant en isolant sa maison qu’on économise de l’énergie. Un logement qui s’apparente à une passoire énergétique signifie que le locataire paiera une facture énergétique plus élevée et qu’il émettra plus de C02.

Exit aussi certains investissements pourtant nécessaires tels que le remplacement du chauffe-eau en fin de vie, la réfection de la toiture ou le changement de chaudière. Lorsque les rentrées financières ne sont pas celles espérées et s’il n’y a pas d’urgence vitale, il est fort à parier que les propriétaires ne décident de postposer ce type de travaux. Pourtant, un bien qui nécessite des réparations même non urgentes continue de se détériorer si rien n’est fait. De plus, le prix de tous les matériaux et des maîtres d’ouvrages auront suivi l’inflation sans plafonnement. Pour ne prendre qu’un exemple, le prix du béton a augmenté de plus de 10% ces derniers mois : Jacques paiera donc plus pour rénover son appartement et son locataire sera privé de ce confort dans l’intervalle.

Par ailleurs, rien n’empêche Jacques, quand il signera un nouveau contrat de bail, d’augmenter son loyer pour compenser la perte due au plafonnement de l’indexation. À terme, le plafonnement de l’indexation pourrait provoquer une augmentation des loyers. Les petits propriétaires voudront, en effet, compenser la perte. Cela revient à accentuer le cercle vicieux de la précarité. On atteindra le résultat que la mesure voulait justement éviter.

Le plafonnement de l’indexation est l’exemple parfait de la vision court-termiste du Gouvernement bruxellois qui préfère la réactivité à la proactivité. La mesure apporte un soutien ponctuel aux classes les plus précaires mais répercute cet effort sur la classe moyenne, qui, à force, continuera de quitter la capitale. Cette mesure n’offre pas non plus de solution pérenne à la précarité à Bruxelles. Bruxelles ne souffre pas tant de loyers trop élevés en comparaison avec d’autres grandes villes européennes mais d’un trop haut taux de pauvreté! 40% des Bruxellois présentent un risque de pauvreté ou d’exclusion sociale, un chiffre bien plus élevé que dans les autres villes du pays.

De plus, en rendant moins attrayante la propriété immobilière, il est évident que les petits investisseurs seront moins tentés de se lancer sur le marché de l’immobilier. La particularité du marché locatif bruxellois est en effet qu’il est essentiellement composé de petits bailleurs qui contribuent aux recettes publiques au travers des droits d’enregistrement, du précompte immobilier ainsi que l’impôt sur les revenus immobiliers (ces deux derniers par ailleurs indexés…).

Ce que le MR propose, c’est une solution équitable pour tous.

Nous plaidons, au niveau fédéral, pour une diminution de la pression fiscale sur les bas salaires, ce qui reviendrait à augmenter le net des travailleurs.

Au niveau régional, la clé réside dans des solutions à long terme qui auraient dû être mises en oeuvre depuis bien longtemps déjà : il faut augmenter l’offre de logements destinés à la location pour faire baisser le prix des loyers. C’est en travaillant davantage avec le secteur privé (entre autres les agences immobilières sociales) que le gouvernement bruxellois y arrivera.

Pour élargir l’offre de logement à loyers modérés, nous proposons d’offrir une réduction des droits de succession aux propriétaires qui mettent leur bien en location via une agence immobilière sociale pour un bail de longue durée.

De plus, nous voulons soutenir la rénovation du bâti pour faire baisser les factures d’énergie du locataire. Il s’agit de mettre en place des mécanismes incitatifs pour amener les propriétaires-bailleurs à rénover leur bien. Le MR propose de financer ces travaux à concurrence de 50% en aide directe et 50% en prêt à taux zéro.

La région a également les clés pour ramener de la concurrence sur le marché bruxellois de l’énergie. Aujourd’hui, le consommateur bruxellois paie un montant pour l’énergie (électricité et gaz, hors taxes, surcharges et frais de réseaux) qui est de 223,31 euros plus élevé que le consommateur wallon et 329,11 euros de plus qu’un consommateur flamand. En revoyant le cadre régulatoire trop strict (qui prévoit systématiquement un passage long et coûteux devant le juge de paix) pour les fournisseurs et peu protecteur des personnes vraiment précarisées, le gouvernement bruxellois pourrait ramener de la concurrence sur le marché, ce qui ferait baisser les prix et donnerait une bouffée d’air aux locataires.

Enfin, nous voulons envisager le bailleur comme un partenaire fiable plutôt que comme un concurrent.

C’est cette vision structurelle et de long terme qui nous permettront d’endiguer la précarité tout en assurant la prospérité de la classe moyenne.

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