Le bois donne le ton

© Filip Dujardin

Un bois et une maison. Le bois était là avant, il a donc la priorité. Le projet Woning BM démontre de manière sublime qu’une architecture remarquable ne doit pas à tout prix se faire remarquer.

“Le bois est resté bois”, nous avait assuré l’architecte Joris Van Huychem. C’est en visitant la Woning BM que nous avons compris ce qu’il entendait par là. Cette maison située dans un lotissement boisé de la périphérie gantoise ne se cache pas, mais ne capte pas non plus particulièrement l’attention. La construction, basse, est en parfaite harmonie avec son environnement vert. Etonnant constat d’ailleurs, car sur les photos, la maison semblait avoir été construite précisément pour attirer le regard. Ses plans sont innovants, révolutionnaires ; du jamais vu en Flandre. Mais une fois sur place, nous sommes forcés de l’admettre : cette habitation est avant tout synonyme de logique, de naturel.

Les propriétaires avaient d’abord envisagé une restauration. Cette parcelle était en effet déjà occupée par une charmante petite maison. Trop petite, cependant, pour une famille avec deux enfants. De plus, l’étude de génie civil avait révélé que l’habitation présentait des problèmes structurels. En collaboration avec Joris Van Huychem, les architectes De Vylder, Vinck et Taillieu ont alors conduit une étude comparative de coûts à l’attention du maître d’ouvrage : rénovation/agrandissement ou nouvelle construction. “Nous avons également détaillé les possibilités d’habitat des deux options, précise Jo Taillieu. Des mathématiques pures, en fin de compte. La conclusion de cette étude ? Une nouvelle construction conférait une tout autre dimension à la vie dans cet endroit.”

Une chaîne fermée

Mais revenons-en au bois. Car c’est là, somme toute, le point de départ du projet. Le bois devait rester bois, et les arbres les plus intéressants et les plus beaux ne pouvaient pas être abattus. Dans ce cadre, les architectes ont sollicité l’aide de Patrick T’hooft et de Paul Luttik, respectivement horticulteur et arboriculteur. La parcelle a été minutieusement cartographiée, arbre après arbre. L’étape suivante fut un exercice fascinant : le positionnement de tous les éléments dans le bois. Le plan circulaire fut une conséquence, non un but en soi. En quelque sorte une variante du principe selon lequel la fonction détermine la forme. “Nous avons placé toutes les fonctions les unes à côté des autres, et les avons laissées se mouvoir dans le bois, explique Jo Taillieu. Lorsque l’on referme alors cette chaîne de fonctions, on obtient une habitation de forme circulaire.”

Sur le plan de l’organisation, la chaîne fermée implique que toutes les fonctions soient accessibles de deux manières. Le hall d’entrée donne accès, par la bibliothèque/bureau, à un vaste living, mais s’ouvre également sur les chambres des enfants dans la partie nuit. Le centre de l’habitation est une pièce intérieure entourée de murs… à moins qu’il soit plus juste de la qualifier d’espace extérieur ? “Cet espace présente une ambiguïté intéressante, répond Joris Van Huychem. Le bois le traverse pour ainsi dire, mais lorsqu’on s’y trouve, on se rend compte qu’il recèle également tous les atouts d’une pièce extérieure.” En même temps, l’espace est à nouveau ouvert par le miroir placé sur l’une des surfaces de délimitation. Une succession d’ouvertures et de fermetures simultanées, en quelque sorte.

Sur le plan structurel également, la maison témoigne un profond respect pour son environnement. Jo Taillieu précise : “Nous avons dû travailler entre des arbres d’un diamètre atteignant facilement 60 à 80 centimètres. Vous imaginez les racines que de tels arbres peuvent avoir. Nous n’avons dès lors pas pu recourir aux techniques classiques de fondation.” Le bâtiment se compose de deux grands panneaux de béton enfermant des parois. Chaque paroi, de béton également, se trouve sur deux piliers de fondations positionnés sur la ligne axiale entre les racines des arbres. Grâce à cet artifice, l’immeuble semble comme détaché du sol.

Jo Taillieu rappelle à cet égard l’importance de la collaboration avec le bureau d’étude Mouton. “La structure ne peut pas être ajoutée a posteriori à un bâtiment. La structure doit être considérée dès le départ dans le projet et fait dès lors partie intégrante de l’architecture.”

Le gros-oeuvre est la finition

En plaçant côte à côte d’anciennes et de nouvelles photos, on remarque clairement que le gros-oeuvre et la finition sont très proches dans cette réalisation. Le béton est le matériau le plus présent. Mais alors que le béton a la réputation d’être un matériau froid, cette habitation démontre le contraire. Dans la bibliothèque annexée à l’espace bureau, l’atmosphère est même plus rustique que froide. Ce résultat découle du choix d’un coffrage composé de planches. La texture et le dessin des planches se retrouvent comme imprimés dans la paroi de béton. Dans d’autres pièces, les architectes ont opté tantôt pour un coffrage lisse tantôt pour des plaques multiplex de coffrage. A chaque fois, l’atmosphère qui s’en dégage est différente.

“Nous sommes fascinés par la manière d’aborder la phase finale dès la phase du gros-oeuvre”, affirme Jo Taillieu. Est-ce le style particulier du bureau ? “Non. Nous n’avons pas de style particulier. Partir d’un style, selon nous, revient à choisir une mauvaise approche. Nous essayons avant tout d’être précis, d’apporter les bonnes réponses aux questions du maître d’ouvrage dans un contexte donné. Notre mode de pensée est continu, et le résultat peut être très différent en fonction du projet.” “Nous n’avons jamais eu l’intention de placer ici une maison en béton, poursuit Joris Van Huychem. Non, cette réalisation est la résultante de tous les aspects en interaction. S’il nous avait semblé plus logique de construire une maison en briques à cet endroit, elle aurait été en briques.”

Laurenz Verledens

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