La brique papier, la bonne alternative aux investissements directs

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Les actions et les fonds immobiliers permettent à tout un chacun d’investir dans l’immobilier. Les investissements immobiliers sont en effet beaucoup plus faciles d’accès que l’achat d’un bien immobilier. Demeure la question de savoir si une brique en papier rapporte autant qu’une brique en argile.

Le Belge a une brique dans le ventre, c’est bien connu. La brique papier produit un rendement proche de celui des investissements directs dans l’immobilier et pèse souvent moins lourd sur l’estomac. “Nous avons demandé à la société de conseil Jones Lang Lasalle combien de temps il faudrait pour vendre pour un milliard d’euros d’investissements directs dans l’immobilier. Réponse : plus d’un an. Par contre, il ne faut pas plus de 10 jours pour liquider un portefeuille d’immobilier coté en Bourse d’une valeur d’un milliard d’euros”, explique Jan Willem Vis, CIO de BNP Paribas Investment Management.

La négociabilité de l’immobilier coté en Bourse constitue un atout notoire, selon Jan Willem Vis. “En temps de crise, il est très difficile d’attribuer une valeur aux bâtiments. Les transactions immobilières sont alors en chute libre, comme nous avons pu le constater lors de la dernière crise financière. Tandis que l’immobilier coté en Bourse, même si sa valeur est susceptible de varier, reste vendable. Les investisseurs sont souvent frileux vis-à-vis des actions immobilières, plus sensibles aux turbulences des marchés financiers. C’est le cas à court terme mais à long terme, les performances de l’immobilier coté en Bourse sont pour ainsi dire similaires à celles de l’immobilier non coté.”

Le modeste investisseur belge a grosso modo le choix entre trois formules pour devenir le propriétaire “économique” d’un bien immobilier et en récolter les fruits (partiellement du moins) sans en être le propriétaire “juridique”. Nous nous limiterons ici à l’immobilier coté en Bourse : certificats immobiliers, sociétés immobilières et fonds immobiliers.

1. Certificats immobiliers

” Un certificat immobilier est une structure juridique hybride : il présente les caractéristiques à la fois d’une action et d’une obligation. Le détenteur du certificat a droit à tous les revenus générés par le bien : les revenus locatifs et le produit de la vente”, explique Gregory Swolfs, qui gère le fonds immobilier C + F Immo Rente Classic pour Capfi Delen Asset Management et achète de temps en temps des certificats. Au bout de 15 à 25 ans, il reçoit un coupon annuel basé sur les revenus locatifs ainsi qu’un coupon de liquidation basé sur le produit de la vente. Une partie de ces coupons est considérée comme le remboursement du capital et à ce titre exempte de précompte mobilier. Le reste des coupons est soumis à un précompte mobilier de 27 %.

Historique

Le premier certificat immobilier a vu le jour en 1965. La SA Certificat Immobilier du Groupe Bruxelles-Lambert a fait appel aux épargnants belges pour financer la construction d’un supermarché à Roulers. Auparavant, ce genre d’investissements était réservé exclusivement aux assureurs, aux fonds de pension, aux institutions semi-publiques et aux Belges nantis. Vu le succès retentissant de la première émission de certificats immobiliers, de nombreuses autres banques ont suivi. Les premiers certificats immobiliers, non cotés en Bourse, servaient essentiellement à financer l’extension des centres commerciaux.

Opportunités

Dans les années 1990, les banques ont commencé à utiliser cet outil pour financer la construction de bureaux et à introduire les certificats en Bourse. Les certificats de la deuxième génération ont connu quelques déboires. “Un certificat sur un immeuble avec un locataire unique comme le certificat Marcel Thiry ou Sainte-Gudule, comporte évidemment plus de risques qu’un certificat sur un centre commercial comme le Woluwe Shopping Center qui compte de nombreux locataires et candidats locataires prêts à occuper un emplacement devenu vacant, rappelle Gregory Swolfs. De nombreux investisseurs ayant acquis des certificats de bureaux en gardent un mauvais souvenir. Les opportunités n’ont donc pas manqué pour les investisseurs qui ont osé acheter ces certificats lors de l’effondrement des cours.”

Risques

Immo Mechelen City Center est le dernier certificat en date porté sur les fonts baptismaux boursiers. Cela faisait 10 ans qu’un certificat immobilier n’avait plus connu pareil sort. Immo Mechelen City Center est coté à Euronext Bruxelles. Les banques KBC et CBC ont réuni 28,5 millions d’euros pour un immeuble de bureaux à Malines, loué à 85 % au gouvernement fédéral pour 15 ans et à 8 % au gouvernement flamand pour sept ans. “Ce certificat inspire confiance car l’Etat est le principal locataire mais tôt ou tard, le bail viendra à échéance et l’immeuble sera vide”, prévient Olivier Hertoghe, gestionnaire du fonds d’investissement Securities Real Estate Europe de Degroof Petercam Asset Management.

“Le détenteur du certificat recevra un coupon intéressant tant que l’immeuble sera loué mais le coupon peut devenir nul à la fin du bail, sans aucune garantie de retrouver sa mise de départ, précise Olivier Hertoghe. Dans le cas des centres commerciaux, tous les baux ne viennent pas à échéance en même temps, d’où une meilleure répartition des risques. Il s’agit également d’émissions relativement modestes avec pour conséquence, une négociabilité limitée des certificats.” A l’heure actuelle, 14 certificats immobiliers sont cotés en Bourse, dont Zénobe Gramme (parc de bureaux à Liège), Distriland (commerces le long des routes), Genk Logistics (entrepôts) et Basilix (centre commercial). Attention : de nombreux certificats immobiliers sont déjà en liquidation car la procédure de vente est en cours. N’achetez pas de certificats sans vous être préalablement renseigné sur les coupons auxquels vous avez droit.

2. Sociétés immobilières

Les perspectives d’avenir des certificats immobiliers cotés en Bourse sont peu réjouissantes, d’après Olivier Hertoghe, “vu qu’il s’agit d’un produit spécialisé non diversifié”. Aussi et surtout parce que le nouveau statut de sicaf immobilière instauré en 1990 constitue une meilleure alternative pour les petits investisseurs. En 1995, Befimmo et Serviceflats Invest (aujourd’hui Care Property Invest) ont été les premiers à introduire des sicaf immobilières en Bourse. Il y a deux ans, les sicafi se sont constituées en sociétés immobilières réglementées (SIR) conformément à la nouvelle réglementation européenne.

Avantages

” Les certificats immobiliers ont été émis et gérés par les banques, explique Olivier Hertoghe. Des professionnels s’occupent aujourd’hui à temps plein de la gestion des sociétés immobilières. Un historique des résultats a ainsi pu être établi. Ces portefeuilles immobiliers regroupent des dizaines, voire des centaines d’immeubles.” Befimmo, par exemple, a grossi la valeur de son portefeuille immobilier de 132 millions d’euros au 31 décembre 1995 à 2,4 milliards d’euros fin 2015, soit en 20 ans. L’ancienne sicaf de bureaux a pourtant connu quelques années difficiles.

Le cours des sociétés immobilières varie de 18 à 118 euros par action. Un bout de terrain ou une maison mitoyenne coûte facilement 1.000 fois plus cher. La Bourse a en outre le mérite de faciliter l’accès des petits investisseurs à des marchés immobiliers autrement inaccessibles : bureaux, maisons de repos, immeubles commerciaux, entrepôts, etc.

Selon l’indice FTSE EPRA/NAREIT Belgium, les sept plus grandes sociétés immobilières belges ont réalisé, après capitalisation boursière, un rendement moyen de 10,8 % au cours des cinq dernières années, y compris les dividendes réinvestis. Il s’agit respectivement de Cofinimmo (bureaux et maisons de repos), WDP (logistique), Befimmo (bureaux), Wereldhave Belgium (centres commerciaux), Aedifica (résidentiel), Leasinvest Real Estate (bureaux et magasins) et Intervest Offices & Warehouses (bureaux et entrepôts).

“Un investissement direct dans un immeuble comporte inévitablement certains risques, explique Jan Willem Vis, qui cite à titre d’exemple la défection d’un locataire ou encore la construction d’un grand centre commercial à côté de votre magasin. “Les risques sont nettement moindres avec l’immobilier coté en Bourse car les sociétés immobilières investissent dans plusieurs immeubles. Vous pouvez aussi diversifier votre portefeuille géographiquement en achetant des sociétés immobilières américaine, australienne et néerlandaise par exemple.”

Dividendes

Les revenus générés par l’immobilier coté en Bourse sont très semblables à ceux de l’immobilier non coté. “A l’instar des SIR belges, la plupart des REIT (ou Real Estate Investment Trust, soit l’équivalent anglo-saxon des SIR, Ndlr) sont tenus de reverser l’essentiel de leurs bénéfices sous forme de dividendes. Le dividende est un facteur primordial pour les investisseurs dans l’immobilier coté en Bourse”, commente Jan Willem Vis. “Dans la zone euro, l’immobilier coté en Bourse a réalisé au cours de ces 25 dernières années un rendement annuel moyen de 10 % dont 5 % provenaient du dividende.”

Olivier Hertoghe regrette quant à lui que les investisseurs attachent autant d’importance au dividende. “Certaines sociétés immobilières suédoises n’ayant encore jamais distribué de dividende réussissent à accroître la valeur de leur portefeuille d’année en année, explique-t-il. Befimmo se distingue par un rendement de dividende attrayant mais est actif sur un marché difficile et peine à augmenter les revenus locatifs.” Le plus important, à ses yeux, est la capacité des gestionnaires à accroître le rendement total, autrement dit à combiner hausse de la valeur intrinsèque du portefeuille immobilier et croissance du dividende. Les sociétés immobilières doivent faire estimer leurs immeubles par un expert indépendant une fois par an. La somme de la valeur des immeubles moins les dettes, divisé par le nombre d’actions, donne ce qu’on appelle la net asset value (NAV) ou valeur nette d’inventaire.”

Primes

“Normalement, un portefeuille immobilier vaut plus que la somme de ses immeubles, précise encore Olivier Hertoghe. La plupart des SIR sont donc cotées avec une prime. On ignore si les actions feront l’objet d’un rerating ou derating par rapport à la valeur intrinsèque. A long terme, le cours d’une action immobilière devrait suivre l’évolution de la valeur nette d’inventaire, du moins si elle est calculée correctement. En 2011 et 2012, le discount moyen ou réduction par rapport à la valeur nette d’inventaire en Europe était de 26 %. Aujourd’hui, le cours moyen équivaut plus ou moins à la valeur nette d’inventaire. Seuls les REITS anglais cotent avec un discount alors qu’ils cotaient avec une prime il y a un an. Deux raisons à cela : les investisseurs craignent le tassement des prix immobiliers britanniques et l’incertitude quant à un éventuel Brexit”

3. Fonds immobiliers

Logistique, bureaux, magasins et résidentiel sont les principaux secteurs dans lesquels opèrent les sociétés immobilières. “Le gestionnaire de fonds a pour mission d’optimiser la diversification dans ces différents segments, rappelle Gregory Swolfs. Les sociétés immo-bilières assurent quant à elles la diversification au niveau des locataires et de la situation. Il est évidemment tenu compte de la prime ou du discount par rapport à la valeur intrinsèque. Nous privilégions actuellement l’immobilier commercial.”

Olivier Hertoghe n’a quant à lui pas vraiment de préférence. “Cela dépend aussi du pays, voire de la ville. A Londres, les bureaux ont donné d’excellents résultats ces derniers temps, meilleurs qu’à Manchester.”

Jan Willem Vis note pour sa part une recrudescence de la logistique. “Cette tendance s’explique par le succès croissant du shopping en ligne, une activité qui nécessite entrepôts et centres de distribution. Le segment des bureaux se stabilise lentement mais sûrement, accuse même une certaine progression après un long passage à vide. Une éclaircie se profile sur le marché belge des bureaux également. L’inoccupation diminue. Elle est actuellement de 10 % environ. Une légère croissance de la location est anticipée pour 2017. Les premiers coups durs de la crise financière sont derrière nous. Les bureaux de qualité, idéalement situés, sont très prisés.”

Europe

Jan Willem Vis conseille encore d’investir dans les sociétés immobilières européennes. “Aux Etats-Unis, les prix immobiliers sont nettement au-dessus du niveau d’avant la crise financière. Le Royaume- Uni suit la même évolution. Les prix y atteindront probablement des records en 2017. En Europe continentale, on en est encore loin. Les professionnels du secteur parlent d’un “cycle du cochon”, soit un cycle de sept ans environ. Les Etats-Unis sont les premiers à entamer le cycle, suivis par le Royaume-Uni, le Japon et enfin l’Europe. C’est pourquoi je recommande un fonds immobilier européen plutôt qu’un fonds immobilier qui investit dans le monde entier, ou aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni exclusivement.” Les fonds immobiliers investissant dans le monde entier, comme Global Real Estate de NN Investment Partners et Select Immo World Plus de KBC, sont à la traîne depuis le début de l’année, mais enregistrent d’excellents résultats sur cinq ans (voir tableau).

“Les sociétés immobilières du continent européen ne sont pas trop chères, révèle Jan Willem Vis. Elles offrent un rendement de dividende moyen de 4 %. Comparé à ce qu’offrent les banques ou les bons d’Etat, ce n’est pas mal du tout. En Belgique, le taux sur 10 ans est actuellement de 0,55 %.”

” Permettez-moi de prêcher pour ma chapelle : un fonds tel que Parvest Europe Real Estate Securities réunit près de 35 sociétés immobilières différentes. Nous gérons quelque 600 millions d’euros pour les investisseurs. La diversification est un avantage appréciable comparé aux investissements dans les sociétés immobilières comme Cofinimmo, Befimmo et WDP. Si le gouvernement belge instaure tout à coup un régime fiscal moins favorable pour les sociétés immobilières, les investisseurs d’un fonds d’investissement diversifié n’en souffriront pas. Si le CEO d’une société immobilière fait une fausse manoeuvre ou si un segment du marché immobilier dans lequel une société est active devient soudainement moins intéressant, les investisseurs dans des actions individuelles le sentiront passer.”

Economies fiscales

Les fonds immobiliers offrent encore d’autres avantages aux investisseurs soucieux de diversifier géographiquement leur portefeuille immobilier. ” Nos fonds sont effectivement soumis à 27 % de précompte mobilier sur les dividendes des sociétés immobilières belges mais nous ne payons jamais de double imposition sur les dividendes étrangers en vertu des conventions préventives de la double imposition. Un particulier paie par exemple 30 % de retenues à la source et 27 % de précompte mobilier belge sur les dividendes des sociétés immobilières françaises. Nous payons nettement moins. Le fonds paie en moyenne 15 % de précompte mobilier sur les dividendes perçus. J’ai un jour calculé que la double imposition sur les dividendes que les investisseurs privés peuvent ainsi économiser est moins élevée que les frais de gestion de nos fonds. Les services des gestionnaires professionnels qui suivent vos placements au jour le jour sont donc quasi gratuits”, dit Olivier Hertoghe en souriant.

L’immobilier représente 4 à 5 % du fonds Petercam Securities Real Estate. “Nous pouvons être fiers des 17 SIR et promoteurs immobiliers cotés à la Bourse de Bruxelles. Ils sont nettement moins nombreux aux Pays-Bas. Le secteur s’est pas mal développé ces dernières années. Les sociétés immobilières belges proposent aussi un rendement de dividende attrayant, mais je les trouve assez chères. Les sociétés étrangères comparables me semblent moins coûteuses.”

Appartements allemands

Olivier Hertoghe a un faible pour les appartements allemands. “L’Allemand paie en moyenne 5 euros de loyer mensuel par m2. Ce qui revient à 300 euros pour un appartement de 60 m2, soit près de la moitié de ce que paie le Belge pour un appartement semblable. Le risque de pénurie d’appartements en Allemagne est bien réel à cause notamment des migrants économiques en provenance d’Espagne et du Portugal. Les loyers sont peu élevés comparés aux salaires. Ils augmentent de 2 à 3 % par an, soit plus que l’inflation, sans parler des investissements susceptibles de pousser les loyers encore un peu plus à la hausse. Pour les sociétés immobilières qui opèrent pour moitié avec leurs propres moyens et s’endettent pour l’autre moitié, cela représente une augmentation de la valeur nette d’inventaire de 6 % sous l’effet du levier d’endettement. A Bruxelles, les loyers ne suivent plus la tendance inflationniste. Comme ils représentent déjà une part trop importante du budget familial, la marge de progression est relativement limitée. Au-delà de 700 euros, il devient difficile de trouver un locataire et tous ceux qui disposent d’un pouvoir d’achat supérieur sont généralement propriétaires de leur habitation.”

Olivier Hertoghe recommande vivement l’immobilier de bureaux à Berlin. “Berlin est la ville allemande qui affiche la plus forte croissance des loyers. Je suis tout aussi optimiste pour les bureaux dans la plupart des villes scandinaves comme Stockholm, Göteborg et Oslo, et pour les bureaux en Espagne.”

Les taux et l’immobilier

Quid du relèvement des taux pour les sociétés immobilières cotées en Bourse ? “Tant que les taux sont peu élevés, les sociétés immobilières continueront à attirer les fonds de pension, les assureurs et autres grands investisseurs, répond Jan Willem Vis. Mais c’est un fait : les sociétés immobilières ont pu refinancer massivement leurs crédits à des taux d’intérêt plus qu’intéressants. Il n’y a donc plus beaucoup de profits à espérer dans l’immédiat. Les sociétés immobilières ont troqué les taux variables contre des taux fixes. L’impact d’un relèvement des taux sur leurs frais de financement sera limité. Tant les contrats de location que les obligations envers les créanciers sont figés pour un bon moment.”

Olivier Hertoghe ne craint quant à lui pas un relèvement des taux. “Les bénéfices des sociétés immobilières dépendent de la progression des loyers – autrement dit du chiffre d’affaires – et des frais de financement. La différence constitue le bénéfice. Pour le moment, les taux peu élevés profitent à tout le monde et la plupart des entreprises sont bénéficiaires. Quid si les taux partent à la hausse ? Il n’y a pas de corrélation entre l’augmentation des taux et les résultats décevants d’une société immobilière. Quand l’économie se porte mieux, les taux augmentent. Le coût croissant du crédit pourra alors être compensé par la hausse des loyers.”

En d’autres mots, l’éventualité d’un relèvement des taux ne devrait pas décourager les investisseurs désireux d’investir dans l’immobilier.

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