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L’immobilier est-il le meilleur des préservatifs ?

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

En ce début d’année 2023, je n’avais pas encore l’occasion d’évoquer le dernier baromètre des notaires. Pour tenter de déceler l’évolution des prix de l’immobilier, leur baromètre est un bon indicateur.

Et cet indicateur montre que le marché de l’immobilier a levé un peu le pied en 2022, surtout au second semestre. L’inflation et la hausse des taux d’intérêt n’y sont évidemment pas pour rien. Mais, à la grosse louche, le marché résiste, il n’y a pas d’effondrement des prix.

Cette belle résistance a plusieurs explications. Elle est culturelle d’abord. Au-delà de faire sourire, la fameuse phrase qui veut que “le Belge a une brique dans le ventre” signifie surtout que la Belgique est d’abord un marché de propriétaires. Des gens qui cherchent à se loger avant tout. Autrement dit, notre pays n’est pas un pays d’investisseurs en immobilier. Il y en a, bien entendu, et fort heureusement, mais ce ne sont pas eux qui drivent le marché. Cet aspect culturel permet donc aux prix de l’immobilier de résister mieux que dans d’autres pays.

Ce qui sauve aussi le marché, c’est la réglementation. Comme le faisait remarquer Philippe Ledent, économiste à la banque ING à mes confrères du quotidien Le Soir, c’est étonnant de se dire qu’une contrainte est une bénédiction, mais c’est vrai. En fait, à l’inverse de certains pays qui ont des taux variables très bas, mais qui peuvent exploser sans limites à la hausse en cas de remontée des taux d’intérêt, en Belgique, les taux variables sont strictement encadrés et ne peuvent augmenter que dans certaines limites. Ce qui est bien entendu de nature à rassurer le candidat emprunteur. L’autre enseignement de ce baromètre, c’est que les maisons et appartements avec un bon certificat PEB se vendent mieux que les autres. Ce qui est normal, mais cette différence entre les PEB A et B (les meilleurs donc), et puis les autres s’est creusée au fil du temps. Je me permets juste un commentaire personnel sur ce sujet. Comme toujours, la tentation du bien peut mener au pire. S’il est évident qu’il faut améliorer l’isolation des bâtiments pour lutter contre le réchauffement climatique, ce sont souvent les ménages les moins nantis financièrement qui occupent ces immeubles. Ce sont aussi les mêmes qui ne peuvent pas se permettre d’acheter une voiture électrique. Ce sont toujours les mêmes qui ne peuvent plus se permettre d’acheter des produits bio devenus trop chers pour eux. Et ce sont encore eux qui doivent le plus se déplacer pour leur job, avec le prix du carburant en hausse. Ce seront également les mêmes qui seront interdits d’entrer dans les grandes villes, car ils seront les heureux propriétaires de véhicules trop polluants.

Bref, on demande au même segment de la population (le plus fragile) de faire un virage à 180 degrés et tous ces changements ont lieu au même moment. Ces bonnes raisons peuvent provoquer des explosions sociales, car le rythme du changement est trop rapide, en tout cas sans une aide des pouvoirs publics. Dans le même ordre d’idée, le dernier baromètre des notaires montre que l’âge moyen des acheteurs est de 39 ans. La proportion des jeunes (moins de 30 ans) est trop faible surtout à Bruxelles. Les prix de l’immobilier dans la capitale sont trop élevés et sont inabordables sans un coup de pouce familial. Ce qui me fait penser à l’Italie. Dans ce pays, le taux de fécondité est l’un des plus faibles d’Europe. La faute à qui ? Mais en partie à l’immobilier. La brique est tellement chère en Italie que les jeunes jouent au Tanguy et restent chez leurs parents. Ce qui a fait dire à certains économistes que la hausse de l’immobilier est le meilleur des préservatifs. Derrière un baromètre des notaires et ses chiffres, il y a la vie et ses nuances, tout simplement.

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