Jean-Louis Appelmans (Leasinvest): “Notre marché du logement subit d’énormes changements”
CEO de Leasinvest, Jean-Louis Appelmans a constitué un portefeuille d’immobilier de bureaux et de commerces d’une valeur de 1 milliard d’euros. Il met depuis peu sa longue expérience au service des particuliers. Comment voit-il l’avenir de l’immobilier d’investissement dans notre pays ?
Jean-Louis Appelmans compte plus de 30 ans d’expérience dans l’immobilier. Après avoir porté Leasinvest sur les fonts baptismaux, il a tenu les rênes de cette société immobilière réglementée (SIR) spécialisée dans l’immobilier de bureau et de commerce pendant deux décennies. L’an dernier, il a passé le témoin à Michel Van Geyte. Mais il suit toujours l’immobilier professionnel de près car il reste administrateur de la société.
D’autant que l’homme opère depuis peu dans un domaine moins connu : il occupe depuis mai 2019 la fonction d’administrateur délégué de Van Breda Immo Consult. ” Nous conseillons les clients de la banque J. Van Breda & Cie en matière d’investissements immobiliers, explique Jean-Louis Appelmans. Dans neuf cas sur dix, il s’agit d’achats d’immobilier résidentiel de placement. Par contre, nous ne développons pas d’immobilier dans le but de le placer dans le portefeuille d’investissements de la clientèle. ”
TRENDS-TENDANCES. Chaque candidat investisseur immobilier a le choix : soit investir directement dans la brique, soit indirectement par l’acquisition d’actions immobilières.
JEAN-LOUIS APPELMANS. Effectivement, à lui de choisir. Nous ne poussons ni dans une direction ni dans l’autre. Par contre, nous attirons l’attention sur l’importance de la liquidité dans le cas d’un investissement immobilier direct, qui n’est pas toujours la forme de placement la plus souple en matière de planification successorale. Par contre, vous pouvez demander un financement partiel à la banque pour l’achat de votre appartement. L’effet de levier est unique pour un investissement direct dans l’immobilier et vous pouvez accroître le rendement de votre patrimoine. Il est aussi possible d’obtenir un bon rendement avec un investissement immobilier indirect. Ces dernières années, la plupart des sociétés immobilières réglementées ont affiché de bellesperformances. Depuis début 1999, Leasinvest génère un rendement moyen de plus de 10%. Certains font mieux encore. Retail Estates, par exemple, dépasse les 11%. Et WDP, les 16%. Il faut évidemment déduire les 30% de précompte mobilier mais, malgré cela, le rendement reste intéressant.
Quel segment immobilier est le plus prometteur pour les cinq prochaines années ?
L’immobilier de soins et le logement d’étudiant sont des marchés en pleine croissance. Les phénomènes démographiques comme le vieillissement de la population et l’augmentation du nombre d’étudiants n’y sont pas étrangers. La croissance du bailleur d’immobilier de soins Aedifica et des logements pour étudiants Xior, par exemple, est tout simplement spectaculaire. Non seulement ils surfent sur la vague de ces marchés en plein boom mais suivent aussi une politique d’expansion à l’étranger.
L’immobilier de soins et le logement d’étudiant sont des marchés en pleine croissance. Les phénomènes démographiques n’y sont pas étrangers.”
L’immobilier de bureau a, lui, légèrement régressé. Le segment est à éviter, en Belgique du moins. Il vivote grâce aux locataires existants qui déménagent de bâtiment en bâtiment. Le take-up (prise en occupation, Ndlr)net est nul, voire négatif depuis longtemps. On note toutefois un léger redressement en 2019. Le take-up à Bruxelles se chiffre à 450.000 m2 pour les trois premiers trimestres de l’année. Il s’agit là d’un chiffre brut mais c’est nettement mieux que les dernières années. D’ailleurs, les nouveaux bureaux, principalement dans le Central Business District de Bruxelles (le quartier européen, Ndlr), enregistrent d’excellents résultats. Il y avait longtemps que les loyers supérieurs n’avaient plus atteint 315 euros/m2 par an.
Quant à l’immobilier commercial, il reste en pleine tourmente. Et les prévisions ne sont guère plus optimistes. On peut franchement parler de retail bashing. Le grand coupable est l’e-commerce. Toutefois, je suis convaincu que tant que les commerces jouent la carte de l’expérience et des loisirs, les clients continueront à acheter dans les magasins physiques. Dans chaque segment, certains acteurs arrivent à tirer leur épingle du jeu, en dépit des tendances du marché. Je songe une fois de plus à Retail Estates qui fait un carton grâce à ses investissements essentiellement dans les retail parks.
Reste l’immobilier logistique, qui crée la surprise depuis quelques années. Jusqu’à il y a peu, personne n’aurait acheté des bâtiments logistiques avec un rendement de 7%. Il fluctue aujourd’hui entre 5 et 6%. L’impact positif de l’e-commerce et les faibles taux d’intérêt jouent certainement un rôle important dans ces fortes valorisations.
Quel serait l’impact d’une possible remontée des taux sur l’immobilier d’investissement ?
Si les taux devaient soudainement repartir à la hausse – mais cela ne risque pas de se produire dans les trois prochaines années -, les rendements augmenteront inexorablement. D’où la dévalorisation des portefeuilles immobiliers des SIR entre autres. Ce n’est pas vraiment un problème en soi car tant qu’on ne vend pas de la brique, ce n’est pas une dévalorisation en cash et il n’en est pas tenu compte dans le calcul du résultat courant net. Mais si les taux faisaient un bond de 5%, le scénario serait évidemment radicalement différent. La dévalorisation serait telle que le patrimoine propre serait fondamentalement affaibli et, par conséquent, le niveau d’endet-tement rehaussé.
L’effet sur le marché immobilier résidentiel est plus difficile à évaluer, selon moi. L’impact sur les prix est indéniable mais qui dit augmentation des taux d’intérêt dit aussi difficulté pour les candidats propriétaires d’accéder au marché du logement, et attractivité accrue du marché locatif.
L’investisseur dans l’immobilier rési-dentiel doit-il viser le rendement locatif uniquement ou peut-il aussi espérer une plus-value au cours des cinq prochaines années ?
Je miserais surtout sur le rendement locatif. Notre marché du logement subit d’énormes changements mais les perspectives d’avenir pour le marché locatif sont assez favorables. Selon une étude d’ING publiée il y a quelques semaines, le taux de propriété devrait baisser de 72 à 65% en Belgique au cours de la prochaine décennie. Une des raisons citées est l’augmentation des prix dans des proportions telles que l’achat d’un logement est désormais exclu pour bon nombre de personnes. Le changement du mode de vie et l’attitude des millénials vis-à-vis de la propriété pourraient également doper le marché locatif. A cela s’ajoutent la dilution familiale et le vieillissement, ce qui fait que les familles monoparentales et les personnes isolées représentent quasiment 50% de la population. C’est une des raisons pour lesquelles la construction d’appartements de 120 à 150 m2 n’a plus aucun sens.
La plus-value est toujours incertaine. Personne n’a de boule en cristal et le passé ne présage jamais du futur. Il est cependant admis que l’immobilier suit l’inflation. Et que la situation du bien reste un critère primordial, tant en termes de plus-value que de rendement locatif. Pour mettre toutes les chances de son côté, mieux vaut privilégier les trois plus grandes villes du pays : Anvers, Bruxelles et Gand. Ce sont les marchés les plus liquides, qui comptent le plus de locataires.
Conseilleriez-vous à l’investisseur immobilier particulier d’aller voir de l’autre côté de la frontière ?
Un investissement immobilier à l’étranger peut s’avérer intéressant, ne fût-ce que pour diversifier son patrimoine, mais on est alors dépendant des acteurs qui connaissent le marché local. Les choses se corsent encore un peu plus si on ne trouve pas des personnes de confiance. D’autant que la diversification est toujours plus problématique dans les cas d’investissements immobiliers directs. Or, mieux vaut acheter deux appartements de 300.000 euros qu’investir dans un appartement de 600.000 euros : les risques sont mieux répartis. Si un des deux locataires part, vous pouvez toujours compter sur le second. Mais plus vous possédez d’appartements, plus les formalités administratives sont lourdes. Une façon d’y remédier est de confier la gestion à un intendant.
Laurenz Verledens
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