De nouvelles perspectives pour la Régie des bâtiments: “Gérons désormais les immeubles de A à Z”

Laurent Vrijdaghs: "Si nous étions 1.400 employés en 2008, nous ne sommes plus que 790 aujourd'hui. On fait beaucoup plus avec moins de moyens." © PG

Critiquée ces derniers mois, la Régie des bâtiments se défend. Le bras immobilier de l’Etat entend poursuivre sa politique d’optimisation des surfaces de bureaux mais est freiné dans ses ambitions par un manque de moyens. Elle propose de révolutionner son métier de gestionnaire immobilier.

Ala tête de la Régie des bâtiments depuis 2008, Laurent Vrijdaghs a réussi à remettre sur les bons rails cette entreprise publique qui gère l’important portefeuille immobilier de l’Etat (prisons, palais de justice, musées, casernes, bureaux, écoles européennes, palais royal). Une transformation qui est toutefois loin d’être terminée. Notamment car elle va pouvoir voler de ses propres ailes d’ici peu. De quoi accélérer la concrétisation de ses ambitions ?

TRENDS-TENDANCES. La crise du Covid-19 a créé certaines incertitudes pour le segment du bureau. De plus en plus d’acteurs évoquent une réduction des surfaces pour répondre aux besoins de télétravail. Craignez-vous de devoir lancer une nouvelle réforme, devant encore diminuer la surface de bureau par employé ?

LAURENT VRIJDAGHS. Je ne pense pas pour le moment. Nous sommes passés de 20 m2 à 13,5 m2 par équivalent temps plein en 2012 puis à 10,5 m2 en 2018, accompagné d’un jour de télétravail. Ces mesures seront déployées dans tous les nouveaux immeubles que nous allons louer. Devrons-nous aller plus loin ? Nous ne savons pas à ce jour comment va évoluer la fonction publique à l’avenir en termes de normes d’occupation suite à la crise Covid-19. Le télétravail pourrait être renforcé. Mais je suis prudent.

La feuille de route qui vous a été assignée en 2016 était de vous séparer des bâtiments obsolètes, de réduire les locations et de diminuer les surfaces par employé. Y êtes-vous parvenu ?

En grande partie. Nos loyers ont diminué de 5,5 millions d’euros par an entre 2013 et 2018. Cela reste faible sur une enveloppe globale de près d’environ 480 millions. Mais c’était les premiers effets d’une politique de rationalisation des espaces. En 2019, le montant de l’ensemble de nos loyers s’élevait à 481 millions. L’économie se chiffrera dorénavant à 12 millions par an. Et ce montant va se multiplier à l’avenir. Car tous nos bâtiments sont aujourd’hui occupés. Notre taux de vacance n’a rien à envier au privé. Il s’élève à 2,7 %, loin des 30 % qu’une certaine presse avait avancés il y a deux ans. Par contre, il faut reconnaître que nos bâtiments sont mal ou pas suffisamment occupés. Trop d’immeubles ne sont pas encore adaptés au new way of working.

Nous ne louerons plus de nouveaux bâtiments à Bruxelles dans les 10 prochaines années. Et nous pourrions également nous séparer de quelques baux locatifs importants d’ici là.

Comment va évoluer à l’avenir votre politique de location d’immeubles de bureau ?

Théoriquement, nous ne louerons plus de nouveaux bâtiments à Bruxelles dans les 10 prochaines années. Et nous pourrions également nous séparer de quelques baux locatifs importants, même si nous sommes coincés par d’autres. La Régie paye malheureusement quelques loyers long terme très élevés que nous ne pouvons pas renégocier. Comme pour la Tour des finances, où le contrat court jusqu’en 2034. La seule chose à faire est de remplir cette tour au maximum pour rentabiliser ce qu’elle nous coûte. Nous pouvons y ajouter facilement 1.200 personnes.

L’Etat vous avait demandé en 2015 de vous séparer de 30 % de votre portefeuille de bureaux. Mission accomplie ?

En 2011, la Régie des bâtiments gérait 1.463 bâtiments (propriété et location). Un chiffre descendu à 962 aujourd’hui. En termes de mètres carrés, cela équivaut à une diminution de 7,8 à 6,8 millions de m2. La baisse concerne surtout les locations (de 498 à 290 bâtiments). L’idée est aujourd’hui de continuer à diminuer notre empreinte locative. A court terme, je pense au Waterloo 115 ou au Waterloo 76, où les contrats ne seront pas renouvelés.

Et pour les ventes ?

Nous avons un plan pour les quatre prochaines années. Les ventes sont déterminées en fonction des investissements qui sont prévus. La Régie peut désormais bénéficier du produit de ses ventes, vu notre déficit de financement. Parmi les gros morceaux, on peut citer le complexe pénitencier de Saint-Gilles qui pourrait devenir un nouveau quartier résidentiel ou encore six sites bruxellois qui seront libérés via la centralisation des laboratoires de la santé publique à Erasme (Anderlecht).

Les ventes de bâtiments et terrains vous rapportaient entre 20 et 40 millions d’euros ces dernières années. Allez-vous accélérer la cadence ?

L’objectif est de vendre pour 120 millions de bâtiments dont nous n’avons plus l’utilité d’ici cinq ans.

Un montant de 940 millions de travaux a été identifié pour rénover vos différents bâtiments. Or, il vous manque 491 millions pour y parvenir. Comment résoudre l’équation ?

Ce montant a été calculé par rapport au plan pluriannuel d’investissement 2020-2024. Il s’agit de projets indispensables pour assurer la continuité des services publics. Ces 491 millions devront bien venir de quelque part. A défaut, nous devrons reporter des projets, que ce soit pour des musées, la police fédérale, la justice ou autre. Sans parler qu’il faudra que les moyens humains suivent, puisqu’il nous manque aujourd’hui 130 équivalents temps plein. On devrait en avoir 920 et nous sommes aujourd’hui 790.

La Régie a été régulièrement critiquée ces derniers mois, que ce soit par la Cour des comptes, un audit de Deloitte ou la presse. Comprenez-vous ces critiques ?

La Régie vient de loin. Il a fallu réformer le fonctionnement de l’entreprise. Et on oublie souvent que si nous étions 1.400 employés en 2008, nous ne sommes plus que 790 aujourd’hui. On fait donc beaucoup plus avec moins de moyens. Pour le reste, j’accepte les critiques. Mais je souhaite aussi que l’on pointe plus précisément les responsables des problèmes. Quand un plafond s’effondre dans un palais de justice et que l’on se rend compte que c’est lié à une montée des eaux de 50 cm suite à une corniche bouchée, c’est regret-table. Il s’agit d’un manque d’entretien des locataires.

La tour des finances Plombée par un loyer qui court jusqu'en 2034, on pourrait y ajouter 1.200 personnes.
La tour des finances Plombée par un loyer qui court jusqu’en 2034, on pourrait y ajouter 1.200 personnes.© Jaspers-Eyers

Quelle solution avancez-vous alors ?

Les rôles sont distincts aujourd’hui : il y a un propriétaire, l’Etat Belge, que nous représentons, et des locataires qui ne payent pas de loyers et qui sont les différents SPF. La solution serait de libérer l’occupant d’une charge qu’il ne maîtrise plus ou pas assez, à savoir la gestion de son immeuble. Nous souhaiterions reprendre la responsabilité qui incombe à tout gestionnaire immobilier qui met à disposition un bâtiment clé sur porte. La Régie n’est aujourd’hui pas responsable de l’entretien d’une chaudière ou du remplacement d’une ampoule. C’est à l’occupant de le faire. Reste à voir s’il dispose des moyens suffisants et des compétences.

Et que proposez-vous ?

Un package global. Que la Régie assure dans un premier temps l’entretien de l’occupant et, à l’avenir, le catering, le nettoyage et le gardiennage de l’immeuble. Soit un ensemble cohérent. Cela permettrait à chaque département (Justice, Finances, etc.) de se concentrer sur son core business. Des missions qui peuvent se financer soit par la mise en place d’un loyer, soit en récupérant leur dotation. En fait, l’essentiel est surtout de signer un contrat clair, qui détermine les obligations et les responsabilités de chacun.

La Régie des bâtiments devait changer de statut l’an dernier pour devenir une société anonyme de droit public. Où en est le dossier ?

Tout est prêt pour changer de statut mais cela doit encore être validé par un gouvernement de plein pouvoir. Nous sommes impatients. Les avantages sont nombreux. Cela permettra de davantage responsabiliser la hiérarchie et de lui donner une meilleure autonomie de gestion, de sous-louer à des privés des espaces inutilisés et d’avoir une plus grande marge de manoeuvre en termes de flexibilité.

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