De La Panne à Knokke, investir à la côte pour son plaisir

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Hans Brockmans redacteur chez Trends

Les quinquagénaires au compte d’épargne bien garni cherchent une seconde résidence à la mer, de préférence du neuf pour éviter tout problème, d’où un risque de relative pénurie. Le bâti existant a moins la cote.

Le prix des appartements à la côte a forci de 0,9% au premier trimestre 2021. Le prix médian se fixe désormais à 237.000 euros. Quelques exceptions sont à épingler, Westende notamment (+11,5%). Knokke (502.000 euros) et Heist (310.000 euros) possèdent les appartements les plus onéreux. La hausse du prix médian des maisons est plus marquée (+ 1,5% au premier trimestre de cette année, 274.000 euros). Le nombre de transactions a augmenté de 32% au cours des trois premiers mois comparé à l’année précédente. Rappelons que le marché a été pour ainsi dire gelé à la mi-mars du fait du confinement.

Pas de rebonds spectaculaires

L’agent ostendais Filip Dermul (Agence Dermul) relativise les fortes hausses annoncées par les médias. “On ne force pas le marché immobilier, analyse-t-il. Le candidat-acheteur connaît son budget et sait combien il peut donner. Le marché s’adapte. Tant qu’un changement inopiné des règles ne bouleverse pas cet équilibre, l’immobilier évolue normalement, à la côte comme ailleurs.” Les acheteurs se montrent par contre plus exigeants. Comme ils disposent d’un budget plus important, ils veulent plus de superficie et une belle terrasse, avec l’incidence qu’on devine sur le prix moyen des maisons. “Le marché est sous tension du fait de la disproportion entre la demande accrue et l’offre relativement faible”, indique Filip Dermul.

Si vous avez l’intention de vendre votre seconde résidence à la mer, c’est le moment ou jamais

Filip Dewaele (Agence Dewaele)

Alex Dewulf de l’agence éponyme à Knokke-Heist s’attend à une certaine accalmie dans les prochains mois. “Le client qui cherchait à acheter l’a déjà fait. L’autorisation de voyager à nouveau à l’étranger pourrait atténuer l’engouement actuel pour la mer du Nord mais ce n’est pas très grave. A Knokke, par exemple, l’offre est nettement insuffisante.”

“Voilà 25 ans que je me dis que tous ceux qui rêvent d’une seconde résidence à la mer la possèdent déjà, souffle Filip Dawaele de l’agence éponyme. Malgré cela, les ventes ne cessent d’augmenter, à quelques années exceptionnelles près. Les agences ont du mal à proposer une offre variée. Si vous avez l’intention de vendre votre bien à la côte, c’est le moment ou jamais. Normalement, il faut trois à quatre mois pour trouver un acquéreur. A l’heure actuelle, il n’est pas rare de devoir retirer l’affiche ‘à vendre’ au bout d’une semaine.”

Même constat sur tout le littoral, selon son collègue Filip Dermul. “De nombreux propriétaires hésitent à vendre dans ce contexte de pandémie. Ils préfèrent garder leur bien encore un moment, ne fût-ce que pour ces vacances. D’où une offre restreinte et des prix en hausse. Plus les mesures s’assoupliront, plus les biens existants mis en vente seront nombreux.”

L’intérêt pour la mer du Nord devrait persister, d’après lui. “Nombreux sont ceux qui redécouvrent la côte et ses nombreux atouts comme sa facilité d’accès, propice aux courts séjours.”

L'Oosteroever à Ostende A la suroffre de bâti neuf, tant redoutée à Ostende, se substitue aujourd'hui l'accélération du rythme de construction.
L’Oosteroever à Ostende A la suroffre de bâti neuf, tant redoutée à Ostende, se substitue aujourd’hui l’accélération du rythme de construction.© PG

Accelerando

“On observe un retour à la normale après les incertitudes qui ont secoué le marché de 2015 à 2020, note le notaire Bart van Opstal, en poste à Ostende. C’était un marché à deux vitesses avec les prix des vieux appartements à la traîne et ceux du bâti neuf plombés par une suroffre ponctuelle. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les promoteurs font tout pour finaliser leurs projets dans les plus brefs délais. Certains ont même doublé leur offre. Ils accélèrent la réalisation des projets dont la commercialisation était planifiée dans trois ou cinq ans pour profiter pleinement de la hausse des prix. Les promoteurs au portefeuille varié font des affaires en or.”

Le prix du bâti neuf a gonflé de 6,2% sur tout le littoral l’an dernier, selon les chiffres du bureau de Crombrugghe & Partners. Pas moins de 124.645 m2 de bâti neuf sont proposés au prix moyen de 3.875 euros/m2. La palme du bâti neuf le plus onéreux revient à Knokke-Heist, talonné par Nieuport et Ostende.

Pour l’acheteur, une seconde résidence à la côte est à la fois une alternative au carnet d’épargne coûteux et un lieu de vacances

Bart Van Opstal (Notaire à Ostende)

La Reine des plages totalise à elle seule 25% des nouvelles constructions sur le littoral. “Le gros avantage d’Ostende est d’offrir un large assortiment tous segments confondus, indique Filip Dermul. Les biens de catégorie supérieure qui arrivent sur le marché sont légion, sur l’Oosteroever surtout.”

Aucun risque de pénurie dû à la demande croissante, selon Filip Dermul. “L’offre ne manque pas”, assure-t-il.

Un avis que ne partage pas Bart Opstal. “Les délais de livraison des appartements sont de plus en plus longs, rétorque-t-il. Il devient en outre très difficile de trouver des entrepreneurs pour répondre à la demande accrue. Sur la partie médiane du littoral, l’offre est encore suffisante mais s’amenuise. Les espaces susceptibles disponibles pour les nouveaux projets diminuent également. La construction de tours résidentielles en deuxième ligne arrive à satisfaire la demande par endroit. Reste l’épineuse question de la responsabilité sociale de ce genre de projet et de la capacité de l’infrastructure routière à absorber l’afflux excédentaire de seconds résidents.”

De La Panne à Knokke, investir à la côte pour son plaisir

La côte, valeur refuge

La crainte de l’inflation et des intérêts négatifs continuera à aiguiser l’appétit pour un appartement à la mer, estime Alex Dewulf qui rappelle la décision d’ING Belgique d’appliquer aux clients particuliers possédant plus de 250.000 euros sur leur compte d’épargne un taux d’intérêt négatif de 0,5% à partir du 1er juillet. “Jusqu’à présent, le seuil était de 1 million d’euros, ajoute-t-il. Il aura sûrement des conséquences.”

Les conséquences se feront également sentir dans les communes côtières un peu moins chères, affirme Filip Dewaele. “Le Belge peut s’accommoder d’un intérêt extrêmement bas et donc d’une réelle inflation. Mais l’impact psychologique d’un intérêt négatif sera considérable. Celui qui détient un demi-million sur son compte d’épargne et doit payer une pénalité annuelle de 2.500 euros se tournera plus que probablement vers l’immobilier, valeur refuge par excellence. Synonyme d’investissement sûr et lieu de vacances, la côte est le placement idéal. La crise sanitaire est du pain bénit pour le foncier de la mer du Nord.”

L’acheteur typique est le quinquagénaire qui a fini de rembourser son prêt hypothécaire ou a hérité. “Une seconde résidence ressuscite l’argent qui dort, indique Filip Dewaele. Hormis les travailleurs du secteur des loisirs et de l’horeca, les Belges n’ont pas trop souffert de la crise et ont alimenté leur carnet d’épargne. Même Monsieur Tout-le-Monde lorgne du côté du segment bon marché.”

“De très nombreuses acquisitions sont réglées rubis sur l’ongle, ajoute Bart Van Opstal. Si un crédit hypothécaire est demandé, c’est généralement pour des raisons fiscales, pour pouvoir déduire les intérêts du revenu cadastral. Les acheteurs de seconde résidence poursuivent un double objectif. Primo, se prémunir de l’inflation tant redoutée des taux d’intérêts négatifs. Secundo, se faire plaisir. La recherche du plaisir n’a fait que s’intensifier depuis le début de la pandémie. Les récents événements ont fait prendre conscience de l’urgence de jouir de la vie tant que c’est possible.”

“Un changement de génération s’observe dans l’immobilier à la côte, constate pour sa part Michiel Vervecken, agent chez Dewaele. La génération qui a acheté un appartement dans les années 1960 à 1980 veut vendre. Ou alors ce sont les enfants qui en ont hérité qui le mettent en vente. Ces biens surannés se négocient à un prix nettement inférieur au prix médian et sont directement rénovés.”

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Focus sur le bâti neuf

La plupart des acheteurs ne jurent que par le neuf. “Ils ont le budget pour acheter une seconde résidence, souligne Bart Van Opstal. Ils ne veulent surtout pas d’ennuis. Or, l’achat d’un appartement existant suppose toujours certains risques. De nombreux immeubles assez vieillots devront faire l’objet de travaux tôt ou tard, ce que les acheteurs veulent à tout prix éviter.”

“L’investisseur occasionnel qui place son argent dans un appartement à louer est prêt à donner plus, ajoute Bart Vandemoortele (Immo Marina, Blankenberge). Les investisseurs professionnels qui gèrent une dizaine, voire une vingtaine de biens, sont plus réticents. L’augmentation soudaine des prix est passagère, selon eux, et ils patientent avant d’acheter.”

Pour Bart Van Opstal, rares sont les investisseurs qui partagent cet engouement pour la côte. “Ce n’est pas assez rentable, constate-t-il. L’investisseur ne peut demander des prix élevés qu’en haute saison. Le reste de l’année, la location des appartements à la mer est quasi nulle. Les particuliers, en revanche, louent leur seconde résidence pendant les vacances pour couvrir les frais courants et l’occupent gratuitement le reste de l’année.”

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