Dans le triangle d’or, la maison reste un must

L'ÉCRIN VERT, développement récent signé Durabrik, sur Braine-le-Comte. © Debby Termonia

Aux portes du Brabant wallon, le marché hainuyer se cherche encore une identité. Tiraillé entre la vague d’appartements et le maintien de lotissements quatre façades, certains politiques ont décidé de fermer le robinet. Jusqu’à nouvel ordre. Une mise sous cloche d’un marché en pleine ébullition.

Onze hectares de terrains à bâtir au nord d’Ecaussinnes, dans le quartier dit ” Bel-Air “. Des dizaines de maisons (sur 156 parcelles) déjà construites dans un joyeux désordre, où se mêle couleurs, gabarits et revêtements en tous genres. L’antithèse de l’uniformité que l’on voit aujourd’hui se développer dans les nouveaux quartiers qui sortent de terre à Namur, Liège ou en Brabant wallon. Un lotissement à l’ancienne comme on n’en développe normalement plus en Wallonie. Mais des constructions qui permettent surtout de contenter la soif de quatre façades de ces nouveaux habitants qui arrivent par wagons entiers dans la région. Une nouvelle demande de permis déposée par Imwo pour des parcelles supplémentaires est d’ailleurs à l’étude sur ce terrain.

Si des promoteurs tentent aujourd’hui d’imposer les immeubles à appartements dans cette région à haut potentiel immobilier située aux portes du Brabant wallon, sur le terrain, la donne semble donc différente. Le rêve de la quatre façades est loin d’être enterré. ” La volonté de construire des immeubles à appartements vient surtout des promoteurs, confirme ce… promoteur actif notamment à Nivelles, Braine-le-Comte et Enghien. Les gens restent très attachés à la maison quatre façades. Qu’importe si elle est seulement accompagnée d’un terrain de quatre ou cinq ares. ”

Soignies, Braine-le-Comte, Enghien, Silly ou encore Ecaussinnes subissent aujourd’hui les affres d’une pression immobilière particulièrement forte. Le cliché des Bruxellois et des Brabançons qui y descendent en masse pour trouver un port d’attache plus en phase avec leur capacité financière n’est pas éloigné de la réalité. Selon les derniers relevés de la Fédération royale du notariat belge, le prix médian d’une maison (neuve et ancienne) s’élevait en 2018 à 233.000 euros à Enghien, 227.000 euros à Seneffe, 225.000 euros à Braine-le-Comte, 187.000 euros à Soignies et 185.000 euros à Ecaussinnes. Des prix à la hausse, mais qui sont encore loin d’égaler ceux que l’on peut rencontrer dans d’autres provinces. Dans certains cas, le prix y est même divisé par deux. ” Le marché, tant du neuf que de l’existant, est aujourd’hui particulièrement dynamique dans cette région, reconnaît Mathieu Malvaux, l’un des deux managing partner de la société de promotion immobilière Zest RED, active dans la région. Les projets d’appartements se multiplient, principalement à Braine-le-Comte. On voit aussi apparaître de nombreux projets de maisons. Ce qui est intéressant, c’est que les nouveaux acteurs qui arrivent sur ce marché viennent désormais avec des projets de qualité et relativement novateurs dans leur conception. ” Et Arnaud Degauquier, du bureau d’expertises immobilières CHL, d’ajouter : ” Ce mouvement positif envers les maisons est surtout lié au fait que si des Bruxellois ‘s’exilent’ dans cette région, ce n’est pas pour habiter dans un appartement. Ils peuvent aisément trouver une belle maison à moins de 300.000 euros. Une maison mitoyenne de deux ou trois façades, avec un petit terrain de 3-4 ares et une rénovation à effectuer, peut même se négocier autour des 170.000 euros. ”

A chaque segment son acquéreur

Chaque segment a en tout cas son type d’acquéreur : si l’appartement est le plus souvent un produit d’investissement, la maison est quant à elle destinée à une occupation propre. ” L’attractivité des communes situées dans la grande périphérie de la capitale ne se dément pas, confirme le notaire Gauthier Vanderhaegen, dont l’étude est située à Braine-le-Comte. Etre situé à 20 minutes en train de Bruxelles-Midi est un bonus énorme pour Enghien, Braine-le-Comte ou Soignies. Cette proximité contribue à ce que de plus en plus de Bruxellois y déménagent. D’où la multiplication des développements, notamment aux alentours des gares. “

Le marché, tant du neuf que de l’existant, est aujourd’hui particulièrement dynamique dans cette région.” – Mathieu Malvaux (Zest RED)

On peut par exemple citer l’Ecrin vert à Braine-le-Comte (Durabrik), le Chemin du Tour (Matexi), l’écoquartier des Héris (52 maisons zéro énergie par K&W constructions) ou encore l’écoquartier des Archers (Delzelle), tous situés à Soignies. Ce dernier est un important projet de 594 logements (499 appartements et 65 maisons) prévu à l’arrière du centre commercial des Archers. Il devrait être lancé d’ici peu. Sa réalisation s’étendra sur 20 ans. ” On voit apparaître de plus en plus de maisons de deux ou trois façades, ce qui est une belle avancée en termes de performance énergétique et d’utilisation parcimonieuse du sol, note Arnaud Degauquier. On voit néanmoins qu’elles ont davantage de difficultés à se vendre. Mais cela va évoluer. Tout comme les villas datant des années 1980 qui, elles, pâtissent de leurs performances énergétiques particulièrement faibles. ”

Autre spécificité de la région, le manque d’intérêt pour la copropriété. ” Ici, une des règles de base est de ne pas mettre en place de copropriété, explique Mathieu Malvaux, de Zest RED. Chacun veut sa maison et ne pas être mêlé administrativement à ses voisins. Ce qui empêche les développements cohérents. L’ère du lotisseur n’a jamais été vraiment abandonnée, contrairement à ce que l’on connaît par exemple en Brabant wallon. Et cela pose de réels problèmes pour la gestion des espaces publics tels que les plaines de jeux ou les espaces verts : l’entretien de ce type d’équipements n’est pas financé, il n’est donc pas possible de l’installer. Il serait pourtant intéressant de voir cette position évoluer. ”

Les 1.000 logements de Braine-le-Comte

De plus en plus de promoteurs font en tout cas de cette région leur terrain de jeu. Si Delzelle est en haut de l’affiche, des acteurs comme Sotraba, Thomas & Piron, Matexi, Zest RED voire Equilis sont davantage présents. Il faut dire que le marché du neuf est en pleine croissance. Braine-le-Comte symbolise d’ailleurs parfaitement cette hausse, avec plus de 1.000 logements dans les cartons. ” Il faut reconnaître que ce pipeline est assez impressionnant, explique le notaire Gauthier Vanderhaegen. D’autant que la demande suit ! Les appartements se vendent à un rythme soutenu. Le dernier projet mis en vente à Braine-le-Comte par Delzelle est parti extrêmement rapidement. Ces produits suscitent surtout de l’intérêt auprès d’investisseurs venant de Bruxelles et du Brabant wallon. Mais essentiellement le produit standard, à savoir l’appartement deux chambres de 80 m2 vendu à 175.000 euros HTVA. ”

Une tendance à la hausse du neuf qui n’a, en tout cas, pas encore de conséquences sur le marché existant. ” Les ventes s’y multiplient également, fait remarquer Arnaud Degauquier. Il faut dire que les prix de l’existant sont relativement stables. Dans tout marché immobilier, l’arrivée de logements neufs dévalorise quelque peu les logements existants. Mais cela reste deux marchés bien distincts, avec chacun leurs acheteurs. ” Reste que cet afflux d’appartements pousse désormais les autorités communales de Braine-le-Comte et d’Ecaussinnes à calmer le jeu et à éconduire les promoteurs. Le temps de digérer ces nouvelles promotions.

Braine-Le-Comte
Braine-Le-Comte

Soignies et son riche potentiel

Parmi les communes qui symbolisent cette tendance de renouveau sur le plan immobilier, Soignies fait figure d’exemple. Le prix de ses maisons a grimpé de 24 % entre 2013 et 2018, selon les derniers chiffres des notaires. Une hausse notamment liée à une attractivité qui ne se dément pas, avec une gare qui déverse ses habitants en 26 minutes à Bruxelles-Midi, un centre-ville rénové (en pierre bleue, la pierre locale…), un hôpital, une piscine et une multitude d’équipements en tous genres. Bref, de quoi éviter le risque de finir en commune dortoir. ” C’est notre grand combat, sourit la bourgmestre socialiste Fabienne Winckel. Soignies connaît un développement important mais il doit être encadré. Nous souhaitons que les nouveaux habitants s’intègrent à la vie communale. Si on parle régulièrement de nos projets immobiliers, il faut toutefois relativiser. La population a augmenté de 3.500 unités ces 20 dernières années. La croissance sera similaire dans les 20 prochaines. Une cinquantaine de logements sont vendus par an. Tous les projets sont phasés et s’étendent sur plusieurs années. Il ne faut donc pas exagérer. ”

Parmi les projets en cours de commercialisation à Soignies, citons Les Jardins de la Senne (Blavier), la Résidence Stéphenson (Sotraba), Arborescence (In Red), Les Jardins de Soignies (Developers Group) ou encore l’écoquartier Heris (K&W Construction). Sans parler du vaste projet d’écoquartier aux Archers (Delzelle), dont la demande de permis est en cours, ou du projet sur l’ancien site Technic Gum (173 logements via Immogun). ” Près de 80 % du territoire est en zone rurale, explique Fabienne Winckel. Nous disposons encore de nombreux terrains en zone à bâtir, de même que de quelques ZACC (zone d’aménagement communal concerté) que nous pourrions ouvrir à terme. Le potentiel est donc encore là. Notre souhait est en tout cas de voir émerger des projets mixtes, mêlant appartements et maisons. Le promoteur K&W Construction vient par exemple d’inaugurer le projet Epinois, qui comprend 22 appartements et 16 maisons zéro énergie. C’est ce que nous encourageons, de manière à ce que le plus large public puisse continuer à se loger à Soignies. Surtout les enfants de Sonégiens. La pression foncière est importante dans la région. L’idée n’est donc pas vraiment de partir à la chasse au précompte immobilier, en délaissant certaines classes de la population. Tous les projets sont bien encadrés. Pour chaque dossier de plus de trois logements, nous imposons des charges d’urbanisme (rond-point, crèche, plaine de jeux, etc.). ” Avec également cette tendance, comme à Braine-le-Comte, de concentrer les projets aux abords de la gare, de quoi diminuer les déplacements. Une manière plus réfléchie d’aménager le territoire, qui n’est toutefois pas encore la panacée pour tous les candidats acquéreurs…

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