Dans l’est du Brabant wallon, les maisons ont encore un avenir

© Debby Termonia

Si le Brabant wallon est une terre de quatre façades, l’est de la province en est son terreau le plus vivace. Les lotissements d’hier se réinventent pour proposer des projets de maisons bien plus réfléchis, d’autant que les terrains sont encore nombreux. Résultat : la fièvre de l’appartement n’y sévit pas encore.

Des champs à perte de vue. Et des villas quatre façades à n’en plus finir. Bienvenue à Jodoigne. Ou, plutôt, dans les villages qui entourent le centre-ville et sa grand-place. Là où les promoteurs immobiliers peuvent encore appliquer les recettes du passé et se remémorer leur ancien core business : construire des maisons en veux-tu en voilà. ” C’est ce qui fait toujours rêver les gens, surtout par ici où il reste encore beaucoup de terrains disponibles “, souligne Laurence, la petite cinquantaine, attablée à la terrasse de L’Imprévu, un snack du centre-ville. Trouver du foncier n’est donc pas vraiment un problème. D’autant que les prix sont relativement attractifs pour les nombreux Bruxellois ou Louvanistes qui désirent basculer au grand air : il faut compter entre 80.000 et 125.000 pour un terrain de 10 ares. Une belle affaire quand on connaît les tarifs appliqués dans les communes du centre de la province.

Reste que le contexte n’est pas le même. Si le Brabant wallon est une terre de quatre façades, l’est de la province en est son terreau le plus vivace. L’habitat n’y a pas encore entamé sa mue. Ou à de rares exceptions. Le règne de l’appartement n’a pas encore essaimé dans ces paysages agricoles. La voiture y reste maître, la faute à une mobilité largement déficiente en termes de transports en commun. Pour quitter la région, seul le bus peut faire office de planche de salut. Et encore, il faut s’armer de patience. Une défaillance qui a d’indéniables influences sur les prix de l’immobilier. ” On peut diminuer les prix de 25% par rapport à certaines communes du centre du Brabant wallon “, estime l’agent immobilier Frédéric Giunta, de l’agence Atome. Le prix médian d’une maison dans la cité de la Gadale était de 240.000 euros en 2018, selon les notaires du Brabant wallon. Alors qu’il grimpait par exemple à 300.000 euros à Wavre ou à 380.000 euros à La Hulpe.

Cette prédominance d’un habitat relativement classique est toutefois appelée à évoluer. Même si cela prendra un peu plus de temps qu’ailleurs, vu le paysage rural environnant. ” Une chose est claire : le modèle pavillonnaire est définitivement enterré, estime Yves Hanin, directeur du Creat, le centre de recherche en action territoriale de l’UCLouvain. Soit le fait qu’un promoteur construise une maison individuelle avec un grand jardin. Les gens n’ont plus le temps de s’en occuper. Les grands lotissements à l’ancienne sont également en perte de vitesse. Nous sommes davantage sur des modèles de nouveaux quartiers, avec des espaces publics bien aménagés et une offre de services de qualité. C’est cette nouvelle urbanisation qui est en train de voir le jour dans l’est du Brabant wallon. Cela n’exclut pas les immeubles à appartements. Mais les acheteurs veulent alors une grande terrasse avec vue. ”

Des lotissements qui se réinventent

Un constat partagé sur le terrain par le bourgmestre de Jodoigne, Jean-Luc Meurice (MR), qui remarque que les promoteurs qui viennent désormais frapper à sa porte sont beaucoup plus gourmands qu’auparavant : ” Trois grands projets sont en plein développement. Un de 350 logements (Belle Vallée de Matexi) et deux autres d’une soixante d’unités, situés le long de la chaussée de Louvain. C’est une approche nouvelle. On y retrouve des maisons mitoyennes et des trois façades, de même que des appartements. Cette offre mixte est également une nouveauté qui tranche avec le bâti habituel. La demande va en ce sens. ” Jodoigne dispose en tout cas encore d’importantes réserves foncières. Sur les 7.500 hectares que compte son territoire, seuls 14% sont à bâtir. Et seulement la moitié est aujourd’hui construit, ce qui laisse encore de la marge pour augmenter la population. ” Beaucoup d’agriculteurs, qui sont d’importants propriétaires fonciers, ne souhaitent pas vendre leurs terrains pour le moment, fait remarquer Frédéric Giunta. Ce qui freine les possibilités de développements. ” L’urbanisation pourrait toutefois s’accélérer si le ” Stop au béton ” mis en place par la Région wallonne se confirme.

A JODOIGNE, sept pour cent du territoire de la commune restent encore à construire.
A JODOIGNE, sept pour cent du territoire de la commune restent encore à construire.

Si des immeubles à appartements sortent de terre, ou vont sortir de terre, le long de la chaussée de Wavre et dans le centre de Jodoigne, cette nouvelle offre immobilière reste encore relativement marginale. La principale évolution est davantage à retrouver dans l’offre d’habitations unifamiliales. Une offre qui se réinvente quelque peu. On le voit avec les derniers développements immobiliers qui ont vu le jour dans l’est du Brabant wallon ces dernières années. Des exemples novateurs existent ici et là, que ce soit à Jodoigne, Perwez ou Beauvechain. Cela passe notamment par une réflexion bien plus élaborée sur la qualité du bâti et sur l’aménagement d’espaces publics. Le lotissement à l’ancienne où les maisons s’alignaient les unes à côté des autres sans aucune réflexion, si ce n’est de grappiller le plus de terrain possible, semble une vision bien obsolète de la manière d’aménager le territoire.

” Remettre des enfants dans la rue ”

Par exemple, à Jauchelette, petit village de l’entité de Jodoigne, un ensemble de maisons sert actuellement de modèle pour une série de projets en cours de développement en Brabant wallon. Le Hameau de la Gette a été construit l’an dernier par le promoteur immobilier G&R Estate, avec une approche pour le moins novatrice. ” Notre objectif est de remettre les gens et les enfants dans la rue, explique Eric Goditiabois, cofondateur de G&R Estate, en se baladant dans l’unique rue du hameau. La phrase peut surprendre mais il s’agit vraiment de recréer un environnement qui permet à tout le monde de se balader tranquillement dans l’espace public. On a donc reconstitué deux placettes et un sentier au bord d’un ruisseau pour permettre de retrouver ce mode de vie, accueillant et convivial. Le résultat est d’ailleurs surprenant, les habitants se sont liés d’amitié très rapidement. ”

Dans ce hameau, 11 maisons sont implantées autour d’une rue centrale. La place de la voiture est réduite, les pavés rappelant la prédominance des déplacements doux. Les teintes de briques sont variées, bien loin du crépi utilisé dans les nouvelles constructions actuelles. Maisons individuelles et mitoyennes se côtoient. ” On veut remettre le beau au centre du projet, poursuit Eric Goditiabois, qui a reçu à l’époque les félicitations du fonctionnaire délégué Christian Radelet pour la conception de ce projet. En utilisant notamment des matériaux de qualité qui résistent au temps, même si notre marge de rentabilité est plus basse. C’est notre différence par rapport aux gros promoteurs. Par ailleurs, les gens ne veulent plus de grands jardins car ils n’ont plus le temps de l’entretenir mais ils souhaitent par contre des espaces publics de qualité et plus spacieux. Les urbanistes occidentaux déploient leur vision de centralisation et de densification. Mais tout le monde ne souhaite pas ce mode de vie, et aspire à ne pas être les uns sur les autres. Certains disent que la maison quatre façades n’est plus à la mode. Je n’en suis pas certain. Je me méfie des modes. Aujourd’hui, les maisons sont bien plus performantes sur le plan énergétique et les projets grappillent beaucoup moins de terres, de 3 à 5 ares par maison. Je pense qu’une certaine population souhaite ce mode de vie et ne veut pas habiter en appartement, même si on est en plein centre et proche des lieux de services. ” Après Jauchelette, G&R Estate est en passe de déployer son modèle à Court-Saint-Etienne, Chastre et Jodoigne. Et deux autres projets sont en cours de discussions dans des communes du centre du Brabant wallon. Toujours avec cette idée de créer une rue conviviale et de réinventer des lotissements, qui vont en moyenne jusqu’à 20 unités. Une vision à contre-courant de la pensée ambiante qui rencontre en tout cas ses adeptes. Ces maisons, vendues entre 320.000 et 420.000 euros (hors TVA) à Jauchelette, trouvent en tout cas rapidement preneurs.

Séparer le garage de la maison

Un peu plus loin, à Hamme-Mille (Beauvechain), Urbaneco a développé un quartier résidentiel de 93 maisons sur 6 hectares situé le long de la chaussée de Namur. Si, quand on s’y balade, le lotissement peut sembler de prime abord relativement classique, on découvre très vite l’une ou l’autre de ses spécificités. Des garages distants d’une dizaine de mètres des habitations pour créer des placettes, un réseau de sentiers pour favoriser les déplacements doux, des espaces publics en nombre, etc. ” Le Chabut a fait l’objet d’une vraie réflexion en amont lors de sa conception, nous expliquait il y a peu l’architecte et urbaniste Michel Vander Linden, qui a conçu le site. Il s’agissait d’une charrette urbanistique (méthode pour réaliser un projet en un laps de temps très court sur uen zone définie, Ndlr), une démarche qui permettait de confronter les points de vue des citoyens, de la commune et des architectes pour arriver à un projet commun. Une vraie réussite. ” Les maisons mitoyennes sont multiples, la taille des jardins est réduite pour favoriser les espaces communs. Et aujourd’hui, la vie a pris son cours. ” Les habitants se sont très vite appropriés les lieux, fait remarquer Marc Deconinck, l’un des résidents et par ailleurs ancien bourgmestre. Il y a à la fois de la quiétude et des échanges entre voisins, ce que l’on cherche de plus en plus aujourd’hui. ”

A Jodoigne, enfin, Matexi a entamé la construction du lotissement Belle Vallée sur le site de la Maladrerie. On y retrouvera d’ici 10 ans près de 350 logements, avec un mix de maisons deux, trois et quatre façades et d’appartements. Une polyclinique, un verger, des trames vertes et bleues, des sentiers et des jeux pour enfants sont également prévus. Un modèle de lotissement qui ne veut pas ressembler à ses prédécesseurs. ” Ce projet n’est pas situé au milieu des champs, estime Corine Buffoni, directrice de Matexi Brabant wallon. Il s’agit d’une extension du centre-ville. C’est un élément important par rapport à ce qui faisait avant. Il se composera d’un tiers de maisons et a fait l’objet d’une large réflexion sur les espaces publics et l’implantation des logements. On pourrait aussi demander le label quartier durable. Nous sommes vraiment sur un nouveau modèle, qui est à suivre dans la région. ”

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