Côté belge: veillissante mais encore séduisante

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Les chiffres du SPF Economie font apparaître des baisses de prix dans six des neuf communes du littoral. Sur le marché du neuf, l’érosion des prix est moins marquée.

Les prix des appartements existants subissent des décotes sur le bande côtière belge. Les chiffres du SPF Economie laissent entrevoir des baisses de prix dans six des neuf stations balnéaires. A Nieuport et à Bredene, la correction est notable (-5 %). Ostende et La Panne se maintiennent. Le Coq est la seule station à voir le prix de ses appartements augmenter (+ 3 %). Sur le marché du neuf, la baisse est moins forte. Le bureau d’études de Crombrugghe & Partners a enregistré une nette décrue des prix des appartements fraîchement construits à Nieuport (- 3 %) et à Ostende (- 3,3 %).

L’activité bat son plein malgré les prix en berne. Le nombre de ventes d’appartements réalisées en 2014 a dépassé celui de 2013. La plupart des agents immobiliers interrogés évoquent un départ en fanfare pour 2015. Les promoteurs contactés affichent eux aussi un bel optimisme.

Un communiqué des notaires au mois de mars a suscité une certaine agitation chez les propriétaires immobiliers au littoral. Selon le baromètre immobilier des notaires, le prix des appartements sur la digue aurait perdu 6,1 % en un an. Une explication possible serait l’impact de la vente des appartements désuets sur le prix moyen. Le front de mer a été presque entièrement construit dans les années 1960. C’est donc là que le vieillissement du patrimoine se fait le plus sentir. Peter Taffeiren, CEO de la société de promotion immobilière POC Partners, ne croit pas dans le scénario des prix immobiliers sous pression sur la digue. “Pour les localisations de second plan, le prix est parfois négociable mais sur la digue, c’est rarement le cas. Le front de mer, c’est comme l’eau dans le désert : la pénurie fait le prix et le vendeur est en position de force. Les promoteurs qui ont su acquérir du terrain à bâtir face à la mer savent à quel point le parcours est difficile et sont donc conscients du caractère unique de leur futur projet.”

Concurrence étrangère

Le “mur de l’Atlantique” formé par la rangée de blocs d’appartements est tout sauf esthétique, c’est entendu. Mais les amoureux de la côte belge savent apprécier ses autres atouts, dont celui-ci : il y en a pour tous les goûts. Même si cette formule à succès suscite de plus en plus de critiques. Le vieillissement du patrimoine immobilier ne se limite en tout cas pas à la digue. L’infrastructure touristique, dans les petites stations balnéaires surtout, a cruellement besoin d’un lifting et d’une remise aux normes. Même les trams de la côte, autrefois en vogue, paraissent aujourd’hui bien démodés.

Comme le soulignent les promoteurs immobiliers, la loi sur la copropriété freine depuis longtemps la rénovation des blocs d’appartements. Bart Versluys (CEO du groupe Versluys) prépare avec l’avocat Ludo Ockier une proposition de loi visant à assouplir la législation en la matière. L’approbation des 4/5e des copropriétaires devrait suffire pour décider la démolition d’un immeuble et la construction d’un nouveau. Jusqu’à présent, pareille décision requiert l’unanimité. “Cette proposition devrait redynamiser le secteur, affirme Bart Versluys. Elle permettra de créer des emplois dans la construction, de relooker la côte en offrant de nouvelles opportunités en termes d’urbanisme et d’architecture et de bâtir des immeubles répondant aux nouvelles normes de confort et d’énergie.” Et d’ajouter que la proposition remporte déjà les suffrages de toutes les communes côtières.

Un remodelage en profondeur de notre littoral devrait aussi permettre de mieux faire face à la concurrence des stations balnéaires étrangères, de plus en plus féroce. Les promoteurs de Cadzand et de la Côte d’Opale font des appels du pied aux candidats-acheteurs belges en faisant miroiter les prix compétitifs, la tranquillité et le cadre verdoyant. Dans les pays plus lointains, comme l’Espagne, la Croatie et la Turquie, le climat méditerranéen suffit à lui seul à convaincre les acheteurs belges. “Le marché de l’achat a effectivement tendance à se mondialiser, constate Filip Dermul, agent immobilier à Ostende. A la côte, nous assistons à un glissement du marché locatif vers le marché de l’achat depuis une vingtaine d’années. Le même phénomène se produit aujourd’hui avec les secondes résidences à l’étranger. On préfère acheter plutôt que de louer en France, en Espagne ou en Turquie.” Cette tendance ne représente toutefois pas une réelle menace pour le marché immobilier à la côte, estime Filip Dermul. “Cette tendance a tendance à s’estomper. La conception des vacances change. Il est agréable d’y séjourner, bien sûr, mais les vacances ne durent que quelques mois par an. Le tissu social, bien présent à la côte belge, finit par leur manquer assez vite dans le sud.”

Peter Taffeiren insiste lui aussi sur la dimension sociale d’une (seconde) résidence à la côte belge. “Les projets à Cadzand ou à la Côte d’Opale trouveront très certainement preneurs. Mais ce n’est pas la clientèle que nous visons. Pour notre public, un séjour à la mer est un événement social. C’est l’endroit où on retrouve amis et connaissances dans un cadre agréable, une dimension sociale qui fait défaut à la Côte d’Opale.”

Déferlante de cheveux blancs

Le marché immobilier de la côte est alimenté par le flux de retraités, nombreux à venir s’installer au bord de la mer à l’heure de la pension. Résultat : la région côtière vieillit à grande vitesse. Selon une récente étude de la province de Flandre-Occidentale, près de 43 % des résidents affichent plus de 56 ans au compteur et plus de 25 % ont 65 ans et davantage. D’après les prévisions, plus de la moitié des habitants de la côte aura passé l’âge de 56 ans d’ici à 2030.

Certaines communes côtières se disent préoccupées par cette déferlante de cheveux blancs. Sous prétexte qu’elle impacterait le dynamisme de la localité et/ou nécessiterait des infrastructures de soins supplémentaires. Mais pour le secteur immobilier local, cette demande accrue de logement est une véritable bénédiction. Peter Taffeiren réfute lui aussi ce scénario catastrophe selon lequel la côte pourrait devenir une gigantesque maison de repos. “Voilà des années que les autorités communales de la côte se demandent comment combler les temps morts entre les différentes périodes de vacances. Grâce à l’afflux des retraités, certaines stations balnéaires tournent à plein régime toute l’année. Le vieillissement démographique est donc un atout plus qu’un inconvénient.”

A court terme, Alex Dewulf, agent immobilier à Knokke Heist, s’inquiète davantage des modifications de la fiscalité sur le logement et des intérêts en hausse. Et il n’est pas le seul à la côte. Dans le contexte actuel, l’immobilier, y compris les secondes résidences, profitent pleinement de leur statut d’alternative sûre et fiable au faible rendement des investissements.

Toute la question est de savoir si l’immobilier saura préserver ce statut privilégié lors du retournement de tendance. Bart Versluys se dit confiant : “Même si l’intérêt augmente de 20 points de base, ce ne sera pas la fin du monde. Etant donné l’intérêt actuel historiquement bas, une légère hausse pourrait même inciter les candidats-acheteurs encore hésitants à se décider assez vite. Ils se verraient alors obligés de ne pas trop tarder à concrétiser leur intention d’achat immobilier.”

LAURENZ VERLEDENS

  • Plus d’informations sur l’immobilier à la mer du nord dans notre spécial Immo à la mer de ce 25 juin

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