Comment Charleroi Métropole cherche à valoriser son potentiel foncier

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Friches industrielles, bâtiments à réaffecter, terrains vagues : les possibilités d’investissement sont très nombreuses à Charleroi et dans sa région. Mais les grands promoteurs hésitent encore à franchir le pas, principalement pour une question de rentabilité trop faible. Pourtant, des alternatives et opportunités existent.

Dans le milieu immobilier, certains les ont considérés comme des têtes brûlées. D’autres comme des précurseurs, plutôt visionnaires. Finalement, seul l’avenir tranchera. Iret Development et Eiffage Development sont les deux premiers promoteurs d’envergure à avoir pris la direction de Charleroi. L’un pour développer un centre commercial et poursuivre aujourd’hui ses activités dans le résidentiel. L’autre pour développer Ohr!zons, un projet impressionnant qui comprendra près de 380 logements, des bureaux et du commerce, le tout concentré dans cinq tours et articulé autour d’une esplanade et d’une halte nautique.

Ce dernier projet devait être le premier d’une longue série destinée à remettre Charleroi et ses environs sur la carte immobilière wallonne. Sauf que, depuis l’automne 2017, les noms de nouveaux grands du secteur se font attendre. ” Eiffage et Iret ont toutefois joué leur rôle d’appel d’air, confie le bouwmeester carolo Georgios Maillis, en place depuis six ans. D’autres promoteurs ont embrayé depuis lors. Mais il s’agit davantage d’investisseurs de petite taille ou de taille moyenne. Et eux ne mettent pas une grande affiche devant leur projet pour être bien visibles. Leurs opérations ne sont pas suffisamment mises en valeur. Mais, clairement, il y a de l’intérêt. Que ce soit pour le centre-ville ou Charleroi Métropole (29 communes, réunissant près de 600.000 habitants, Ndlr) qui connaissent également un bel attrait. ”

Le potentiel immobilier de Charleroi et sa région est désormais bien tracé. Reste à trouver les investisseurs privés.
Le potentiel immobilier de Charleroi et sa région est désormais bien tracé. Reste à trouver les investisseurs privés.© Asymétrie

Si on n’aperçoit pour l’heure qu’une seule grue quand on fait le tour du petit ring de la ville, quatre autres devraient être installées d’ici peu. Preuve que des projets vont sortir de terre. ” Eiffage va déposer d’ici peu sa demande de permis d’urbanisme pour trois immeubles, poursuit Georgios Maillis. Iret va construire des appartements à proximité du centre commercial Rive Gauche. Le nouvel hôpital de Gilly, qui représente un investissement de près de 500 millions, est en cours de construction. ” Rappelons que, selon la Ville, pour un euro public investi, six le sont par le privé. Soit, vu ce qui est dans les cartons, 447 millions par le public et 2 milliards de projets privés.

” Ce qui fait souvent le succès d’une ville, c’est la dynamique impulsée par son bourgmestre, fait remarquer Pierre-Alain Franck, administrateur à l’Upsi, l’Union professionnelle du secteur immobilier. Et Charleroi a la chance de s’en être doté un de qualité. Pour l’heure, je pense que le problème d’attractivité est lié au fait que le pouvoir d’achat des potentiels candidats acquéreurs n’est pas encore assez élevé. Les changements structurels ne sont pas non plus encore suffisamment significatifs même si cela évolue positivement. L’un des gros défis est d’arriver à attirer des entreprises privées dans le centre-ville. De ce que j’entends, les promoteurs sont dans les starting-blocks. Beaucoup s’y intéressent. Ils en parlent beaucoup. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’Upsi s’est associée pour la première fois au Forum immobilier de Charleroi. Les développements publics sont très intéressants. De même que la ligne de conduite qui est déployée. Reste maintenant aussi à réunir les conditions urbanistiques et à faciliter l’octroi de permis. ”

Accélérer la délivrance des permis

A ce petit jeu, si Charleroi est un modèle wallon en matière de vision urbanistique – aucune ville du sud du pays ne possède une feuille de route aussi élaborée -, la multiplicité des interlocuteurs freine parfois les ambitions. ” Nous l’avons ressenti de temps en temps dans le cadre du projet résidentiel des Hiércheuses, développé par la société Vandezande à Marcinelle, regrette l’architecte Ronald Rifflart, l’un des associés du bureau Syntaxe, qui a dessiné le projet. Ce projet, repris dans la liste des “Quartiers Nouveaux” de Wallonie, a subi quelques freins car les discours des autorités manquaient de cohérence. Or, maintenant, il est important pour Charleroi et sa région que des projets sortent de terre et se concrétisent. Cela permettra aussi de rassurer les éventuels investisseurs qui hésitent encore à s’implanter à Charleroi Métropole. Le potentiel est en tout cas présent. De plus en plus de promoteurs que je rencontre évoquent les communes de la région comme lieu possible d’investissement. “

Les Hiércheuses, un écoquartier de près de 500 logements développé par Vandezande à Marcinelle.
Les Hiércheuses, un écoquartier de près de 500 logements développé par Vandezande à Marcinelle.

Si des développeurs sont intéressés, ils ont en tout cas aujourd’hui le choix. Que ce soit de réhabiliter une ancienne friche industrielle, aménager un écoquartier à proximité d’un centre-ville ou encore développer un projet de quatre façades sur une ZACC (zone d’aménagement communal concerté) : il y en a pour tous les goûts. Et un peu partout.

Une dynamique qui s’étend

Un nouveau ” Projet de Territoire ” de Charleroi Métropole vient d’ailleurs d’être bouclé, détaillant les ambitions de toute une région. ” Ce sera un véritable atout, d’autant que l’image de notre région est réellement en train de changer, lance Paul Furlan (PS), président de Charleroi Métropole et bourgmestre de Thuin. Il ne faut plus aujourd’hui se battre pour trouver des promoteurs qui peuvent concrétiser nos projets de villes. Ils sont de plus en plus nombreux à venir directement vers nous. Une bonne chose car toutes les communes ont aujourd’hui besoin du privé. ”

Un constat partagé par Igretec, la puissante intercommunale locale, qui est à la manoeuvre de nombreux projets de développement économique et qui, par ailleurs, organise le Forum immobilier carolo depuis 2014. ” Nous voyons en tout cas que la dynamique immobilière actuelle ne se concentre pas uniquement dans l’intra-muros carolo mais s’étend également de plus en plus aux 29 communes qui composent Charleroi Métropole, lance Nathalie Czerniatynski, directrice d’Igretec. Elle y est même plus forte encore. Le fait de faciliter les rencontres entre communes et investisseurs a permis de favoriser de nombreux contacts. Il en découle de nombreuses rencontres, de nombreux partenariats. Que ce soit pour les petites ou grandes communes. Il n’y a d’ailleurs jamais eu autant de projets communaux sur la table. Que ce soient des réhabilitations de friches ou des ouvertures de ZACC, destinées à l’aménagement de quatre façades. ”

Si le privé s'est attaqué à la réhabilitation de la rive gauche de la Sambre, la Ville de Charleroi pilote la rive droite, avec des espaces publics et une grande esplanade.
Si le privé s’est attaqué à la réhabilitation de la rive gauche de la Sambre, la Ville de Charleroi pilote la rive droite, avec des espaces publics et une grande esplanade.© Asymétrie

La commune de Farciennes a par exemple profité de ce forum pour lancer quelques dossiers, tel que le projet Fontenelle, qui mixe, sur 30 hectares, une zone économique qui accueillera une trentaine d’entreprises et une zone résidentielle qui prévoit l’érection d’une centaine de logements. Le tout par le groupe Wanty. ” Un dossier qui symbolise les bienfaits qui découlent des démarches visant à favoriser la rencontre du privé et du public, lance Paul Furlan. Le redressement de notre région passera par là. ”

Dans le neuf, l’offre reste aujourd’hui bien faible

L’offre en matière d’appartements neufs est actuellement bien faible dans les 29 communes qui composent Charleroi Métropole. Une tendance qui se confirme trimestre après trimestre selon les chiffres que fournit en exclusivité pour Trends-Tendances le bureau d’expertise immobilière de Crombrugghe & Partners.

En septembre dernier, le prix moyen d’un appartement neuf de 85 m2 s’élevait à 176.375 euros hors TVA. Soixante-et-une unités étaient alors en cours de commercialisation dans des projets à Fleurus, Mont-sur-Marchienne (18 biens dans le projet Grand Angle développé par Koeckelberg et 8 appartements par STD), Les Bons Villers (14 unités dans Chapelle Village par Sotraba) ou Courcelles (résidence Nelson, développée par Thomas & Piron).

A Charleroi, les prix sont un peu moins élevés que dans les communes avoisinantes (161.250 m2 pour un appartement dont la superficie moyenne est de 75 m2). Mais le faible nombre de projets en cours (Les Jardins des Bateliers essentiellement) ne permet pas de tirer de grands enseignements. Le marché du neuf reste toujours bien peu dynamique contrairement à d’autres régions de la province.

En matière de promotions de maisons neuves, on retrouve davantage de projets, dont notamment le Chapelle Village développé par Sotraba dans la commune des Bons Villers (55 maisons neuves) et le Domaine de la Croix Favresse développé par Thomas & Piron à Fontaine-l’Evêque (53 maisons).

Des dizaines de projets présentés au Forum immobilier

Année après année, il prend de plus en plus de consistance. Pour sa cinquième édition, le Forum immobilier organisé ce jeudi 7 novembre par Charleroi Métropole et l’Igretec au Palais des Beaux-Arts de Charleroi fait aujourd’hui figure d’incontournable pour toute une région. En une journée, villes, communes et partenaires publics présentent aux investisseurs potentiels et acteurs immobiliers en tous genres les projets qu’ils ont sur leur table. Et cette année, la pile est bien épaisse : une septantaine de dossiers.

Citons notamment le master plan “Charleroi-Sambre-Ouest” qui dessinera le nouveau visage de cette partie de la ville durement touchée par le déclin industriel. L’objectif est de la redynamiser et d’y déployer de l’activité économique.

A Sivry-Rance, entité particulièrement verte, la commune entend libérer les terrains de trois ZACC (zone d’aménagement communal concerté), celles de Grandrieu, de Sourenne et de Bout de Sautin. La première s’étend notamment sur 16 hectares, la seconde sur 4 ha – de quoi construire quelques dizaines de maisons quatre façades. Pour la troisième, un projet de résidences-services est espéré.

A Beaumont, l’ouverture de plusieurs ZACC est également sur la table. Des projets résidentiels ou commerciaux sont espérés.

La commune de Farciennes souhaite quant à elle voir un écoquartier de 4 ha aménagé en centre-ville, entre la Grand’Place et la Sambre.

A Thuin, un projet mixte, alliant création de logements et développement d’une structure d’accueil pour un tourisme fluvial est espéré sur l’ancien chantier naval.

Enfin, dans le cadre du déménagement du Grand Hôpital de Charleroi (GHdC) en 2024 vers la porte Est de Charleroi, cinq sites vont devoir être réaffectés. Le GHdC lance donc un appel aux opérateurs immobiliers afin d’assurer la valorisation de ses sites actuels (Saint-Joseph à Gilly, IMTR à Loverval, Reine Fabiola à Montignies-sur- Sambre) et d’un site dont il est le propriétaire (Viviers Nord).

Xavier Attout

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