Cinq tendances qui propulsent les services facilitaires au niveau stratégique

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Les bâtiments deviennent plus intelligents, les utilisateurs plus exigeants. L’occasion rêvée pour les “facility managers” de prouver leur efficacité. “Leur rôle évolue de la gestion des coûts à la création de valeur”, dixit un spécialiste.

Votre PC est en panne ou vous rencontrez un problème de connexion au réseau ? Le département IT peut vous venir en aide. Vous avez des questions sur votre fiche de salaire ou vous aimeriez suivre une formation ? Rendez- vous au département du personnel.

IT et HR sont deux départements dont l’efficacité fonctionnelle n’est plus à démontrer. Ce n’est pas le cas du département facility management (FM) chargé de l’ensemble des services facilitaires. Il a pour mission de veiller à tous les services et à toutes les installations de manière à optimiser l’activité principale de l’entreprise. Concrètement, le facility manager assure le bon fonctionnement des machines à café, la qualité des repas servis au restaurant d’entreprise, l’aménagement des espaces de travail, le nettoyage, la maintenance des installations du bâtiment, etc.

Le facility manager opère généralement en coulisses. ” Les services facilitaires ont longtemps été considérés comme un poste coûteux, indique Marc Van Horenbeeck, facility & renovation manager à Brussels Airport. Au départ, la priorité était de limiter les coûts mais du fait des changements dans et en dehors de son domaine d’activité – guerre des talents, nouvelles façons de travailler, numérisation, sous-traitance, etc. -, le facility manager est de plus en plus amené à créer de la valeur ajoutée. Son rôle évolue de la gestion des coûts à la création de valeur. Le métier devient moins opérationnel, plus stratégique. ”

Christophe Erkens (C&W Design + Build):
Christophe Erkens (C&W Design + Build): “Le design est indispensable pour assurer le succès du projet. Mais il sert uniquement à habiller une structure fonctionnelle et efficace.”© PG

1. Big data

Le big data est omniprésent, un phénomène auquel n’échappe pas le facility manager. Dans l’enquête menée par l’organisation sectorielle IFMA Belgium, les facility managers belges placent le big data en tête de la liste des priorités technologiques pour 2020. ” Notre activité se numérise de plus en plus “, confirme Marc Van Horenbeeck, également président d’IFMA Belgium depuis novembre 2018. ” Sans parler de l’émergence des smart buildings. ”

The Edge dans le quartier d’affaires Zuidas à Amsterdam est l’exemple le plus connu de bâtiment intelligent. Cet immeuble de bureaux est équipé de 28.000 capteurs qui collectent une foule d’informations sur l’utilisation et l’occupation des locaux. Le système IT traite ces données pour monitorer le réglage de l’éclairage et de la climatisation de façon efficace et la plus économique possible.

Pionnier de la technologie smart building, The Edge a fait la une des médias à l’époque mais il n’est plus un exemple unique, dixit Steven Lambert, chief strategy officer de Spacewell. ” La technologie des capteurs sans fil et l’Internet des objets (IoT) se généralise dans le monde entier, explique-t-il. C’est un premier pas important vers des bâtiments plus intelligents, vers la collecte numérisée des données à grande échelle. La question qui se pose est celle-ci : comment traiter toutes ces informations ? Il ne suffit pas de rassembler un maximum d’informations pour être innovant. Il ne faut pas tomber dans le piège de la mode actuelle du big data. La collecte des données n’est plus un problème. Toute la difficulté consiste à calibrer correctement les capteurs pour en distiller des informations pertinentes. ” Comme le fait remarquer Steven Lambert, un bâtiment intelligent n’est pas nécessairement neuf. ” Environ 90% des demandes de smart building technologie concernent des immeubles existants, précise-t-il. Un des grands avantages des capteurs sans fil est leur facilité d’installation. Pas besoin de saigner les murs ou d’entreprendre de gros travaux structurels. Autrement dit, rendre un bâtiment intelligent ne coûte pas des fortunes. ”

L’intégration des différents flux d’informations en une seule plateforme est, à en croire Steven Lambert, le deuxième pas important vers des bâtiments plus intelligents. Pour que les applications soient vraiment intelligentes, il faut impérativement disposer de données relatives par exemple à l’occupation des salles de réunion, l’agenda des collaborateurs, leur environnement de travail préféré, etc., pour les conjuguer à des paramètres de confort tels que la température et l’humidité de l’air. ” Il s’agit de fusionner les informations classiques du facility management information system (FMIS) avec les données des capteurs sans fil et l’IoT. L’intégration du building information system (BIM) est une autre priorité ( lire aussi “Partenaire pour le cycle de vie complet d’un bâtiment”). ”

Steven Lambert (Spacewell):
Steven Lambert (Spacewell): “Plus le système en sait sur vos habitudes de travail, votre expérience, vos préférences, mieux il pourra vous conseiller.”© PG

2. Applications intelligentes

A quoi tout cela peut-il bien servir ? Steven Lambert distingue deux types d’applications. Le premier concerne les professionnels de l’immobilier, comme le facility manager et le gestionnaire d’immeuble. ” Le monitoring et l’analyse des données relatives à l’occupation permettent par exemple d’identifier la sous-utilisation de certains locaux, explique Steven Lambert. Les données peuvent aussi révéler l’un ou l’autre problème de confort dans ces locaux, du genre température trop élevée, chaises inconfortables, luminosité gênante, etc. L’analyse de ces données permet au facility manager d’intervenir et de prendre les mesures nécessaires. L’intervention peut généralement se faire à distance. Le facility manager ne doit plus parcourir le bâtiment de long en large à l’affût de la moindre défaillance. Le monitoring s’opère dans un centre de service qui centralise la surveillance de centaines de bâtiments. ”

Le deuxième type d’application concerne plus particulièrement les utilisateurs. ” L’exemple classique est le système de réservation des salles de réunion. Besoin de parler d’un nouveau projet à un collègue pendant une demi-heure ? Une application mobile ou un kiosque avec écran tactile vous permet de voir en temps réel quelles salles de réunion sont disponibles. Autre avantage de la technologie de capteurs : la possibilité d’y adjoindre des protocoles. Le système peut libérer une salle de réunion réservée après 10 minutes d’inutilisation. ”

3. Expérience utilisateur personnelle

Isaac Eeckhout (CBRE)
Isaac Eeckhout (CBRE) ” On nous confie de plus en plus de projets où ‘facility management’ et ‘real estate management’ forment un tout. “© PG

Les exemples cités plus haut font référence à la situation actuelle. L’étape suivante consiste à enrichir le système grâce à l’intelligence artificielle. ” Une version plus intelligente de Siri, par exemple, pointe Steven Lambert pour illustrer ses propos. Un assistant numérique personnel vous seconde durant toute votre journée de travail. A votre arrivée au bureau, il vous trouve l’espace de travail idéal pour les prochaines heures en fonction des rendez-vous notés dans votre agenda, de votre préférence pour un environnement pas trop chaud et de votre consommation de café le matin. ”

Un système combinant big data et intelligence artificielle permet donc de personnaliser votre expérience d’utilisateur. ” It is the next big thing, lance Steven Lambert. Plus le système en sait sur vos habitudes de travail, votre expérience, vos préférences, mieux il pourra vous conseiller. ” Reste à savoir si les employés sont disposés à partager ce genre d’informations. ” Le respect de la vie privée est effectivement un point important, répond Steven Lambert. Il est possible de lever partiellement les réticences en expliquant clairement ce que le système fait et ne fait pas. Autre question importante : à qui appartiennent les données ? Au fournisseur de service, à l’employeur ou à l’employé ? A partir du moment où l’employé contrôle les données et comprend les avantages du système, pourquoi rechignerait-il à les partager ? ”

4. Santé et bien-être au travail

Selon l’EMEA Occupier Survey 2018 de CBRE, quelque 80% des entreprises planchent sur un plan santé et bien-être au travail. D’après le consultant immobilier, la question du bien-être est non plus un chouette gadget mais une préoccupation majeure. Du fait notamment de l’arrivée sur le marché du travail des millennials, une génération qui attache énormément d’importance à la santé et à l’épanouissement personnel.

En tant qu’organisateur de services auxiliaires en entreprise, le facility manager – en collaboration avec le service du personnel la plupart du temps – joue un rôle capital dans l’assainissement du milieu de travail. Il veille notamment au mobilier ergonomique dans les bureaux, à l’installation d’espaces de travail de nature à optimiser l’activité, à la qualité des repas servis au restaurant d’entreprise et à la qualité de l’air sur le lieu de travail. La santé mentale des collaborateurs gagne elle aussi en importance. Le département FM est de plus en plus sollicité pour l’organisation de cours de yoga, de séances de méditation de pleine conscience et de programmes de relaxation.

Une démarche très bénéfique pour les entreprises, assure Marc Van Horenbeeck. ” Les études démontrent la corrélation entre la santé et le bien-être des employés d’une part, leurs performances et leur attachement à l’entreprise d’autre part. Une politique visant à assurer le bien-être au travail a en outre un effet positif sur l’absentéisme. ”

Vient ensuite la fameuse question du war for talent. Le facility manager qui réussit à créer un environnement de travail attractif tenant compte du bien-être des employés contribue grandement à la victoire dans cette guerre impitoyable, peut-on lire dans le rapport de CBRE. Dans un blog, Christophe Erkens, managing director de C&W Design + Build, précise par ailleurs que les entreprises désireuses d’attirer et de fidéliser les jeunes talents n’ont pas le choix : le bien-être au travail doit faire partie intégrante de leur stratégie immobilière. Christophe Erkens constate toutefois que la plupart des efforts entrepris récemment afin de développer ” de nouvelles façons de travailler ” insistent trop sur le design. ” Le design est indispensable pour assurer le succès du projet, évidemment, précise-t-il. Mais il sert uniquement à habiller une structure fonctionnelle et efficace. C’est pourquoi nous commençons toujours par étudier l’entreprise, son fonctionnement, sa façon de communiquer. ”

Christophe Erkens précise en outre que le lieu de travail, aujourd’hui, est bien plus qu’un ” lieu où l’on travaille “. C’est un lieu où on effectue certaines tâches mais aussi où on se réunit, où on forme une communauté, argumente-t-il. A ce niveau également, l’influence des millennials et de la génération Z se fait de plus en plus sentir sur le marché du travail. Les jeunes générations ne voient aucun inconvénient à mixer vie privée et vie professionnelle. Elles ne rechignent pas à faire des heures supplémentaires pour autant que l’environnement soit stimulant et que l’employeur prenne en charge une partie des tâches ménagères en offrant des services de repassage et de conciergerie, par exemple.

Cinq tendances qui propulsent les services facilitaires au niveau stratégique
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5. Sous-traitance accrue et véritables partenariats

La sous-traitance des services facilitaires n’a rien de nouveau et a tendance à s’intensifier, selon l’enquête menée par IFMA Belgium auprès des facility managers dans notre pays. En 2015, 24% des répondants reconnaissaient sous-traiter la plupart des services facilitaires. En 2017, ce pourcentage atteignait déjà les 40%. D’après les estimations d’IFMA, la proportion du budget que les organisations consacrent à la sous-traitance des services facilitaires devrait augmenter de 47% en 2015 à 56% en 2019.

La tendance actuelle d’ integrated facility management (un seul fournisseur prend en charge l’intégralité des services facilitaires, avec ou sans la collaboration d’autres sous-traitants) se confirme, selon Marc Van Horenbeeck. ” Le département FM interne ne perd pas de son utilité pour autant, insiste-t-il. L’équipe interne se focalise davantage sur la gestion des contrats et la définition des services level agreements et des indices critiques de prestation. Autre avantage tout aussi évident : le service interne n’aura plus qu’un seul interlocuteur. Ce partenaire extérieur est en outre plus à même d’absorber le savoir-faire et les technologies de pointe. ”

Marc Van Horenbeeck (Brussels Airport)
Marc Van Horenbeeck (Brussels Airport) ” Les services facilitaires ont longtemps été considérés comme un poste coûteux. “© PG

Isaac Eeckhout, business development manager chez CBRE, observe lui aussi une tendance à l’intégration des tâches facilitaires. ” On nous confie de plus en plus de projets où facility management et real estate management forment un tout, confie-t-il. Logique car les choix arrêtés par le facility management, en matière d’acquisition et de maintenance des installations notamment, sont déterminants pour la gestion du portefeuille immobilier. ”

Il y a des avantages mais aussi des inconvénients. ” Il faut veiller à garder l’expertise dans l’entreprise, prévient Marc Van Horenbeeck. La conclusion et le suivi des contrats requièrent un expert interne ayant les qualifications nécessaires pour réfléchir et collaborer avec le fournisseur. La sous-traitance intégrale des services implique aussi un risque réel de perte de contact avec le client interne et/ou externe. En tant qu’exploitant d’aéroport, j’estime important de prendre régulièrement le pouls des passagers, par exemple. ”

De l’avis d’Isaac Eeckhout, la sous-traitance intégrale n’a de chance de réussir que si les parties arrivent à se détacher du modèle classique de relation client-fournisseur. ” Le but de la sous-traitance intégrale est de créer de la valeur ajoutée de façon durable pour l’entreprise. Impossible si le prix est le seul critère pris en compte. Un bon rapport coût-efficacité est indispensable, évidemment. Mais pour créer une réelle valeur ajoutée, il faut aussi être disposé à partager les risques. D’où la nécessité d’un modèle selon lequel fournisseur de services et client oeuvrent main dans la main, en véritables partenaires. Or, que remarque-t-on dans l’ outsourcing ? Le personnel de l’entreprise est souvent transféré chez le fournisseur de services. Quid des collaborateurs dont vous n’êtes pas satisfait ? Un modèle de partenariat ne peut exiger du fournisseur de services qu’il reprenne ces collaborateurs, ce qui reviendrait à déplacer le problème vers son partenaire. ”

Partenaire pour le cycle de vie complet d’un bâtiment

Spacewell est le nouveau nom de MCS Solutions depuis le mois d’avril dernier. Créée en 1989, la société MCS Solutions est spécialisée dans les logiciels et la consultance en matière de gestion et exploitation des bâtiments et espaces de travail, et dans le facility management. En 2012, Koen Mathijs et Steven Lambert ont acquis une participation majoritaire dans l’entreprise. ” Nous avons misé sur l’internationalisation de l’entreprise et l’injection de nouvelles technologies comme les applications mobiles et l’Internet des objets “, explique Steven Lambert.

En septembre 2018, ils ont vendu MCS à la société allemande cotée en Bourse Nemetschek Group. ” Nemetschek est le leader des logiciels spécialisés dans la conception et la construction des bâtiments, un domaine aujourd’hui dominé en grande partie par le Building Information Modelling (BIM) “, commente Steven Lambert.

Selon Lambert, cette acquisition coïncide avec la stratégie de Nemetschek qui vise à offrir un soutien à chaque étape du cycle de vie d’un bâtiment. ” Des plans de l’architecte qui conçoit le bâtiment à l’entreprise de construction qui le réalise. Nemetschek et son logiciel BIM ont toujours joué un rôle prépondérant dans cette phase de développement. BIM est bien plus qu’un modèle en 3D du bâtiment. C’est le porte-manteau numérique auquel accrocher toutes les données relatives à l’immeuble. Spacewell s’occupe ensuite de la phase opérationnelle du bâtiment et enrichit le modèle BIM avec un flux de données IoT sur le cycle de vie et l’exploitation du bâtiment. Résultat : un digital twin actualisé en permanence avec son corollaire physique. ”

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