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Charges d’urbanisme: pour quoi faire ?

L’utilisation des charges d’urbanisme constitue bien plus qu’un simple mécanisme assortissant la délivrance des permis d’urbanisme et représente un véritable enjeu de société.

Tant en Région wallonne qu’en Région de Bruxelles-Capitale, la délivrance des permis d’urbanisme donne lieu à l’imposition de charges d’urbanisme, sauf rares exceptions. Le mécanisme n’est cependant pas nouveau. Il existait déjà dans le cadre des permis de lotir, sous la forme des “charges du lotissement”, étant les travaux d’aménagement réalisés par le lotisseur en vue de viabiliser son terrain. Il a été ensuite étendu et généralisé aux permis d’urbanisme. Selon la définition qu’en a donnée le Conseil d’Etat, la charge constitue non un impôt, mais une redevance, destinée à compenser l’impact négatif d’un projet immobilier sur les finances de l’autorité délivrante. Le principe est simple : construire des logements, des bureaux ou des commerces nécessite la réalisation d’infrastructures et celles-ci représentent un coût que les charges d’urbanisme vont précisément venir couvrir.

En pratique, la réalité est sans doute plus complexe. L’imposition de charges et leur utilisation ne peuvent se faire sans respecter des règles essentielles que le Conseil d’Etat a également eu soin de rappeler. La première de ces règles se nomme “proportionnalité” : la charge doit être proportionnelle à l’ampleur du projet qui la génère. La seconde contrainte à respecter se nomme “proximité” : la charge doit être réalisée dans les environs immédiats du projet à réaliser. Il a été ainsi mis fin à certaines dérives où les charges étaient utilisées sans lien géographique direct avec les travaux autorisés par le permis.

Mais alors, en quoi consistent ces charges ? Et qui décide de leur nature ? Le mécanisme est en apparence fort simple : c’est l’autorité délivrante qui fixe la charge et en bénéficie. Ce faisant, elle choisit – dans le respect des contraintes de proportionnalité et de proximité – dans le catalogue que le législateur ou le gouvernement lui a préparé.

La réalité est cependant plus complexe. C’est ainsi qu’en Région wallonne, il n’existe pas, à proprement parler, de “tarification” des charges ; ce qui laisse place à une relative liberté aux autorités délivrantes. C’est ainsi, également, qu’en Région de Bruxelles-Capitale, ce n’est pas nécessairement l’autorité délivrante qui décide de l’affectation de la charge d’urbanisme lorsque celle-ci est exprimée en numéraire : en effet, lorsque le permis est accordé par le fonctionnaire délégué, il revient à l’autorité communale d’affecter le montant de la charge.

Au-delà de ces particularités régionales, les catégories de charges susceptibles d’être imposées se rejoignent et sont au nombre de trois. Il peut tout d’abord s’agir de la réalisation, par le titulaire du permis, d’un certain nombre de travaux jugés d’intérêt général : construction de logements, réalisation d’équipements (école, crèche, hall de sport, bibliothèque, musée, etc.) ou aménagement d’espaces verts publics – l’énumération n’étant pas limitative. Il peut également s’agir, après leur réalisation, de la cession, à titre gratuit, de ces constructions et ouvrages (en ce compris leur assiette foncière). Il peut enfin être question de verser une somme d’argent, généralement représentative de la valeur des travaux et/ou cessions qui auraient pu être imposées ; somme qui, en Région de Bruxelles-Capitale, sera calculée en fonction d’un tarif qui tient compte du nombre et de l’affectation (logement, commerce, bureau, etc.) des m2 de superficie de plancher autorisés par le permis d’urbanisme.

A cet égard, on ne terminera pas sans mentionner une particularité remarquable des droits wallons et bruxellois qui permet au demandeur de permis d’anticiper sur les charges qui lui seront imposées en “proposant” à l’autorité délivrante de réaliser telle ou telle charge – libre à elle d’accepter ou de refuser. En Région de Bruxelles-Capitale, cette proposition peut même aller jusqu’à se concrétiser, pour des projets résidentiels, par la réalisation de 15 % de logements conventionnés ou encadrés, ceci en remplacement de la charge qui serait normalement due.

Un point d’équilibre devra ainsi être trouvé entre, d’une part, la priorité donnée à l’augmentation de l’offre en logements sociaux et conventionnés, et, d’autre, la réalisation d’équipements rendus également nécessaires pour faire face au défi démographique en milieu urbain (écoles, crèches, infrastructures sportives publiques, etc.). C’est dire que l’utilisation des charges d’urbanisme constitue bien plus qu’un simple mécanisme assortissant la délivrance des permis d’urbanisme et représente un véritable enjeu de société.

PHILIPPE COENRAETS, Avocat associé, Coenraets & Associés, Chargé de cours à l’Ichec

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