A Namur, l’immobilier neuf met au défi le marché locatif

COEUR DE VILLE Un nouveau quartier urbain est en train de naître sur le site des casernes. Ce projet mixte fera place à des logements, des parkings, des services et commerces mais aussi une brasserie, une bibliothèque et un parc. © DEBBY TERMONIA

A Namur, les maisons à louer sont rares mais les nombreux appartements neufs qui arrivent sur le marché locatif font de l’ombre aux logements plus anciens. A tel point que certains s’interrogent par rapport à une suroffre dans les années à venir.

On a souvent collé à Namur l’étiquette d’une petite ville bourgeoise et paisible. Il est vrai que la capitale wallonne offre un cadre de vie et une sécurité parfois enviés à l’extérieur, mais elle n’est toutefois pas aussi figée que certains pourraient le croire. Un véritable dynamisme s’est en effet emparé de Namur il y a plusieurs années déjà, notamment grâce aux autorités communales. La Ville a par exemple engagé un programme de modernisation de ses infrastructures et a mis sur pied une série de projets structurants dont certains sortent ou sont déjà sortis de terre: le téléphérique, la passerelle piétonne sur la Meuse, l’aménagement du Grognon, l’installation du Pavillon belge de l’Exposition universelle 2015 à la Citadelle, etc.

Le marché namurois ne s’envole pas quand d’autres villes décollent et ne chute pas quand d’autres villes s’effondrent.” Olivier Remacle (Immo Imact)

Ce dynamisme contribue à la réputation de Namur et permet d’y attirer – ou du moins d’y faire rester – les habitants. Acheteurs comme locataires sont aussi séduits par l’offre de services de la ville, sa proximité des grands axes routiers et surtout ses prix immobiliers relativement abordables, notamment en regard de Bruxelles ou du Brabant wallon. Selon Olivier Remacle, administrateur de l’agence Immo Imact (Loyers), l’immobilier namurois se caractérise aussi par une certaine stabilité: “Il se distingue des autres grandes villes wallonnes par une sensibilité plus faible à la conjoncture économique, souligne-t-il. Le marché namurois a une croissance constante de 2% à 3% par an ; il ne s’envole pas quand d’autres villes décollent et ne chute pas quand d’autres villes s’effondrent”.

L’immobilier namurois se démarque aussi par une occupation assez tranchée des logements. Les maisons sont essentiellement occupées par leurs propriétaires, alors que les appartements sont davantage l’apanage des locataires. Contrairement à ce que l’on observe dans d’autres villes, il est en effet rare que les appartements deviennent des logements permanents à Namur. “Ils sont plutôt un habitat de transit, pour une partie de la vie, remarque Olivier Remacle. Les appartements sont par exemple loués par des retraités qui ont quitté la maison familiale pour un logement plus fonctionnel, des personnes ayant besoin de temps pour se stabiliser après une rupture ou encore des jeunes couples qui se mettent en ménage et cohabitent avant d’acquérir ou faire construire une maison.”

Même s’il s’agit d’un logement souvent temporaire, les appartements les plus prisés par les locataires sont généralement ceux localisés à proximité des facilités. Namur ne manque heureusement pas de petits noyaux urbains bien desservis comme Jambes, Boninne, Champion, Bouge ou encore Erpent. Les locataires se montrent également exigeants par rapport à l’état des biens, et ils peuvent se le permettre car l’offre d’appartements récents ou neufs est désormais importante à Namur. Ces dernières années, de nombreux projets immobiliers se développent en effet dans la capitale wallonne, comme Les Terrasses de l’Ecluse à Jambes, le Plateau d’Erpent, La Clé des Champs à Bouge ou encore le futur Quartier des Casernes en plein centre.

LE PLATEAU D'ERPENT fait partie des nombreux projets qui se développent à Namur.
LE PLATEAU D’ERPENT fait partie des nombreux projets qui se développent à Namur.© DEBBY TERMONIA

75 à 90% d’investisseurs par projet

Aujourd’hui, les projets particulièrement qualitatifs et/ou situés en bord de Meuse comptent encore un grand nombre de propriétaires occupants, mais les autres sont essentiellement prisés par des bailleurs. “On tourne en général autour de 75% d’appartements achetés pour être mis en location, mais dans certains projets la proportion d’investisseurs peut monter jusqu’à 90%!”, souligne Olivier Remacle. Les petits immeubles entiers de rapport restent principalement acquis et gérés par des professionnels, alors que beaucoup d’appartements sont achetés par des particuliers désireux de placer leur argent. Ce phénomène s’est encore accentué avec la pandémie, ce qui n’étonne pas Serge Ledoux, gérant de l’agence Meusardennes (Namur): “Lors de chaque crise, les investisseurs ont tendance à sortir leur argent de la bourse et à se rabattre vers l’immobilier, qu’ils pensent être plus sûr”. A Namur, beaucoup d’investisseurs sont originaires de la province et achètent un ou plusieurs biens après avoir fini de payer leur propre logement. Ils cherchent généralement à constituer un patrimoine pour leur pension, ou encore à acquérir un appartement qu’ils occuperont quelques années plus tard. En investissant à l’avance, ils échappent à l’augmentation des prix de l’immobilier et s’assurent un certain rendement en mettant le bien en location.

De nouveaux appartements arrivent donc régulièrement sur le marché locatif et font directement de l’ombre aux plus anciens car l’offre est plutôt abondante à Namur. Cette concurrence se ressent notamment au niveau des délais: alors que des appartements existants peuvent mettre plusieurs mois à trouver des locataires, certains biens neufs sont prisés avant même leur mise sur le marché. “En tant que syndic d’immeubles, il arrive que des candidats nous contactent avant même la fin de la commercialisation d’un projet neuf car ils veulent absolument louer un appartement dans ce bâtiment”, observe Olivier Remacle.

L’intérêt pour le neuf se manifeste aussi au niveau des montants de ses loyers, qui sont plus élevés que ceux de l’existant. Un appartement de 80 m2 et deux chambres pourra par exemple se louer entre 750 et 800 euros lorsqu’il est neuf. Mais avec les années, son loyer baissera rapidement de quelques dizaines d’euros et dépassera rarement les 650 euros après 10 ans si le bien n’est pas rénové. De manière plus globale, “les loyers des appartements neufs ont tendance à se stabiliser ces dernières années, alors que ceux de l’ancien stagnent ou baissent, confirme Serge Ledoux. A l’avenir, je pense qu’il y aura une correction plus importante pour les appartements existants, et la différence de loyer avec le neuf va encore s’accentuer.”

Prix soutenus et faible vide locatif pour les maisons

Si les appartements en bon état sont nombreux et se font concurrence sur le marché locatif namurois, certains biens sont moins répandus, voire rares. Serge Ledoux constate par exemple un manque d’appartements une chambre. “Cette pénurie est vraiment typique du marché namurois. Les appartements une chambre ont en effet tendance à partir très rapidement alors que leurs loyers ne sont que faiblement inférieurs à ceux des deux chambres. C’est donc un produit d’investissement particulièrement intéressant.”

La pénurie de biens en location se fait aussi et surtout sentir au niveau des maisons. Si bien que ce marché est complètement différent de celui des appartements. Face à la faiblesse de l’offre, les locataires sont en effet moins exigeants par rapport à l’état des biens et sont prêts à débourser des sommes plus importantes pour le loyer. “Certains propriétaires de maison demandent des loyers surfaits mais parviennent quand même à trouver des locataires grâce au manque d’offre, constate Serge Ledoux. En général, on ne trouve rien sur le marché à moins de 1.000 euros, sauf des maisons avec un niveau de confort plus faible.”

Olivier Remacle estime qu’il y a environ “10 fois plus d’appartements à louer que de maisons trois chambres”, ce qui explique le faible vide locatif parmi ces derniers biens. Selon l’administrateur de l’agence Immo Imact, choisir une maison plutôt qu’un appartement peut donc s’avérer judicieux pour ceux qui souhaitent investir à Namur. “Cela permet d’éviter les ennuis de copropriété, mais aussi de diminuer le risque de vide locatif étant donné le déséquilibre qui existe entre l’offre et la demande”, souligne-t-il.

Certains investisseurs ont déjà flairé le filon et achètent des maisons neuves qu’ils mettent ensuite en location. “Cela peut être un investissement intéressant, même dans des communes un peu plus éloignées de la ville, observe Serge Ledoux. Je remarque aussi que certains beaux projets d’appartements à 15 ou 20 kilomètres de Namur rencontrent un beau succès au niveau de la location car l’offre y est faible mais la demande est présente. Ces biens permettent par exemple aux jeunes habitants du village de s’y installer, ou aux personnes plus âgées d’y rester après avoir quitté leur maison.”

D’un point de vue locatif, toutes les communes de la province n’ont cependant pas le même attrait. Malgré ses facilités, la proximité de Namur et des grands axes, Andenne est par exemple moins prisée par les locataires que la capitale wallonne. Les prix des loyers et l’attractivité sont également un peu inférieurs dans des villes comme Dinant, Rochefort ou encore Ciney, bien que cette dernière se distingue grâce à sa situation par rapport aux axes routiers. Le marché est par contre plus soutenu à Gembloux, car il est imprégné par la proximité de Bruxelles et du Brabant wallon.

Risque de saturation?

Malgré la présence d’alternatives en termes de biens et de localisation, les appartements continuent à se construire, se vendre et se louer à Namur. Les projets sortis de terre dernièrement ont permis de répondre à un vrai besoin car “il y a une dizaine d’années, la ville souffrait pour ainsi dire d’une pénurie d’appartements à louer, se souvient Serge Ledoux. On pouvait avoir jusqu’à 10 candidats pour un seul bien, alors qu’actuellement la tendance est plutôt inversée”. Jusqu’à présent, le marché locatif namurois ne semble pas encore saturé mais les logements en moins bon état sont de plus en plus affectés par l’arrivée régulière de biens récents ou neufs sur le marché. Peut-on craindre une suroffre d’appartements à louer dans les années à venir? Selon Olivier Remacle, plusieurs facteurs devraient soutenir et développer la demande locative dans la capitale wallonne: “La population continue à croître à Namur, notamment en raison de l’attractivité de la ville. On remarque aussi que les modes de vie évoluent vers un retour urbain, pour profiter de la proximité des transports et services.” On peut également imaginer que l’actuelle tension et la flambée des prix sur le marché des ventes poussent de plus en plus de potentiels acquéreurs à se tourner vers la location. Ce phénomène a encore été accentué par la crise sanitaire, mais selon Olivier Remacle, “il est encore trop tôt pour déterminer si cela aura un impact à long terme sur la location”.

Peu ou pas de changement après les inondations

La province de Namur a été touchée par les inondations cet été, mais l’impact sur le bâti est resté relativement modéré par rapport à d’autres zones – notamment celle de Liège. A Namur, on ne perçoit donc pas vraiment de retombées liées à cet événement sur le marché locatif. Le constat est similaire à Dinant, malgré les vidéos stupéfiantes des intempéries qui ont circulé sur le Net. “Les inondations se sont limitées à quelques rues et parmi les biens en location que nous gérons, seule une petite poignée a été touchée au niveau des caves, précise Charly Lattaque, responsable des locations au sein de l’agence Condrogest à Dinant. Nous n’avons pas rencontré de personnes sinistrées à reloger en urgence, ni de réticences soudaines des candidats locataires par rapport aux biens situés près de l’eau. Peut-être que dans les prochains mois, les récentes inondations auront une petite incidence négative sur les loyers, mais les bords de Meuse ont été plutôt épargnés à Dinant et cette localisation est d’ordinaire prisée.”

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