A Mons, ce sont les locataires qui font le marché de l’immobilier

SUR LE MARCHÉ DE L'ANCIEN, seuls les appartements de qualité se louent vite et bien. © DEBBY TERMONIA

Bien plus qu’on le croit, Mons attire nombre d’investisseurs en quête de bons placements. Les candidats-locataires y gagnent en offre de qualité et en… prix.

On a beaucoup parlé de Charleroi, dans les médias comme ailleurs, comme d’un nouvel eldorado de l’investissement immobilier. En comparaison, à une cinquantaine de kilomètres du Pays Noir, la Cité du Doudou se fait plus discrète. Un silence radio qui profite largement aux connaisseurs, qui n’ont de cesse d’arpenter ses ruelles piétonnes et ses grands boulevards à la recherche de bonnes affaires. Sans oublier le nouveau quartier des Grands-Prés, qui s’étend de l’autre côté de la gare, sur une surface quasi équivalente à l’intra-muros montois (155 hectares), pris d’assaut par les promoteurs depuis l’ouverture du shopping éponyme en 2003. Des centaines d’appartements y ont vu le jour ces dernières années, sur lesquels les investisseurs se sont jetés en masse.

Si tous les appartements trouvent preneurs aujourd’hui, c’est surtout parce que les investisseurs se sont centrés sur un marché bien spécifique: le neuf dans l’entrée de gamme.

La raison? Elle est double: Mons profite d’une demande locative assidue, nourrie par la présence sur son territoire du Shape, le centre européen de commandement militaire des forces de l’Otan, mais aussi d’une université et de diverses hautes écoles ; couplée à la perspective d’un rendement alléchant, calculé sur des loyers presque… bruxellois et des prix de vente… résolument hainuyers.

Hausse des prix de vente

“L’heure est à l’effervescence, à l’enthousiasme général, abonde Aldo Zambito, dont l’agence immobilière Alpimmo fait partie du paysage montois depuis 1980. Depuis l’avènement de la crise sanitaire, c’est le branle-bas de combat sur le marché immobilier montois.” Et ce, d’autant que les taux hypothécaires sont toujours historiquement bas. “L’argent est presque donné, s’exclame le courtier. A tel point que nos clients regardent moins les prix de vente que les mensualités qu’ils devront débourser pour s’offrir tel ou tel bien.” Dans le cas d’un investissement pur, si la mensualité correspond au loyer, le calcul est encore plus vite fait, assure Aldo Zambito, qui remarque que les acquéreurs sont généralement plus enclins qu’avant à “mettre la main au portefeuille”. D’où une légère hausse de prix due à l’effet covid, comme dans les autres grandes villes belges, “mais limitée, à Mons, à 5 à 10%”.

Au rang des biens les plus prisés par les investisseurs, Maggie Fauqueux, manager de l’agence immobilière Century 21 Bierlaire, pointe sans hésiter les appartements neufs ou récents (moins de 10 ans) d’une ou deux chambres, qui se vendent très bien dans une fourchette de prix de 1.900 à 2.400 euros/m2, pour un loyer de 600 (une chambre) à 900 euros (deux chambres). “Ils forment un placement immobilier sans tracas car ils sont exempts de gros travaux à prévoir ou de frais de copropriété importants et ils sont moins énergivores”, complète-t-elle. Et, surtout, ils sont présents en abondance suite à la fièvre constructrice qui a animé – et anime toujours – les promoteurs aux Grands-Prés.

AU FIL DES GRANDS PRÉS Assurant le lien entre le centre-ville montois et sa périphérie, ce projet aligne huit nouveaux bâtiments d'appartements offrant une vue sur La Haine.
AU FIL DES GRANDS PRÉS Assurant le lien entre le centre-ville montois et sa périphérie, ce projet aligne huit nouveaux bâtiments d’appartements offrant une vue sur La Haine.© DEBBY TERMONIA

De quoi contenter une large frange de bailleurs, mais aussi de locataires. “L’offre est excédentaire par rapport à la demande, observe Maggie Fauqueux. Du coup, les locataires font leur marché et préfèrent les biens qui sont dotés d’un parking, d’une terrasse bien exposée, etc. Ils n’hésitent pas non plus à négocier le loyer s’ils le jugent trop élevé.” La manager de l’agence Century 21 Bierlaire rassure toutefois les candidats à l’investissement en soulignant qu'”une offre importante n’est pas le signe d’un manque de potentiel, au contraire. Avec l’afflux d’appartements neufs, le marché s’est équilibré et les loyers se sont stabilisés”.

La traque des marchands de sommeil

Quid du centre-ville? “Il compte aussi son lot d’appartements, neufs ou anciens, qui sont tout aussi recherchés par une diversité de profils, des jeunes couples qui se mettent en ménage aux parents d’étudiants qui entament leur cursus à Mons”, répond Maggie Fauqueux. Mais, face à la concurrence du neuf, sur le marché de l’ancien, seuls les appartements de qualité se louent vite et bien, les autres restant sur le carreau.

C’est que le marché locatif du centre-ville a souffert de nombreux abus par le passé. “Beaucoup d’immeubles y ont été divisés à outrance pour abriter 10, 15, parfois 25 studios ou kots d’étudiants”, intervient Aldo Zambito. Une opération juteuse pour les investisseurs moins bien intentionnés, le courtier évoquant des rendements de 5, 6, jusqu’à 7% pour ces petits logements qu’il qualifie de “fond du panier”, “en mauvais état” voire à la limite de l’insalubrité. Heureusement, depuis une bonne dizaine d’années, la Ville traque les immeubles qui dérogent aux règles urbanistiques en vigueur.

“On voit à présent plusieurs de ces belles maisons anciennes qui bordent les boulevards retrouver leur statut originel d’unifamiliales ou être divisées en un nombre restreint d’appartements spacieux et de qualité”, salue le patron de l’agence Alpimmo. Certes, le rendement, plafonné à 2 ou 3%, est moindre, mais il est plus dignement gagné et le patrimoine montois s’en trouve respecté et magnifié. Et Aldo Zambito de glisser, par ailleurs, que cet écrémage du parc immobilier intra-muros contribue, in fine, à alimenter la demande locative. “Un immeuble de 11 studios transformé en quatre appartements, c’est, en théorie, sept locataires qui déboulent sur le marché…”

L’effet Shape

Outre les Grands-Prés et le coeur historique de la Cité du Doudou, la verte périphérie montoise attire elle aussi son lot de locataires, et avec eux, d’investisseurs. Particulièrement dans les environs du Shape. “Chaque jour, on reçoit cinq appels téléphoniques en anglais pour des biens qui doivent être libres tout de suite, peu importe le montant du loyer tant que les prestations et la situation correspondent aux attentes des ‘Shapiens'”, comme les surnomme Maggie Fauqueux. Les investisseurs l’ont bien compris, qui sont à l’affût de belles maisons avec jardin annoncées entre 240.000 et 250.000 euros et susceptibles de plaire à ce public de riches expatriés. Telle cette villa de quatre chambres pour 350 m2 habitables à Havré, épingle-t-elle, louée à 1.700 euros par mois.

Les “Shapiens” ne sont pas les seuls à convoiter la tranquillité de la périphérie. Il en est de même des familles montoises qui s’attardent sur le marché locatif. Ce sont alors plutôt les entités “huppées” de Hyon ou Saint-Symphorien qui sont ciblées par les bailleurs, plus éloignées du Shape, mais proches du centre-ville montois. La courtière estime entre 900 et 1.200 euros en moyenne le loyer espéré pour une maison deux ou trois façades typique de trois chambres et 160 m2 habitables, payée quelque 160.000 euros.

Plus d’étudiants, c’est plus de kots, plus de promoteurs et d’investisseurs

L’UMons, l’université montoise, est indéniablement un des moteurs qui fait tourner le marché locatif à plein régime dans la Cité du Doudou. Certainement depuis 2009 et la fusion de l’Université de Mons-Hainaut et de la Faculté Polytechnique de Mons qui l’a vue naître. En 12 ans, les rangs des étudiants affiliés à la nouvelle Alma Mater ont progressivement grossi pour quasiment doubler, atteignant à la rentrée 2020 quelque 12.000 inscrits. “Cette hausse constante a fait de notre institution la plus grande des petites universités de la Communauté française”, souligne Joëlle Tilmant, directrice des Affaires étudiantes de l’UMons, qui ajoute que l’université gère neuf cités estudiantines réparties en centre-ville, à proximité de ses divers campus urbains. “Au total, nos solutions d’hébergement s’élèvent à 830 chambres, studios ou petits appartements.” Le loyer moyen flirte avec la barre des 300 euros pour une chambre, contre moins de 600 euros pour un appartement. “En 10 ans, l’UMons a considérablement investi dans son parc immobilier et de nouvelles cités ont été créées grâce à des partenariats avec des privés notamment”, poursuit Joëlle Tilmant, qui cite entre autres le promoteur gantois Upgrade Estate.

Et l’université ne compte pas s’arrêter là. “Notre ambition est de doubler notre parc locatif d’ici 2023”, avance sa directrice des Affaires étudiantes qui admet, malgré les investissements consentis, ne pas parvenir à loger tous ses étudiants. “Nous devons renvoyer une partie de nos candidats koteurs vers l’offre privée mais notre incidence sur le marché local est positive”, insiste-t-elle, relevant un effet modérateur sur les prix des loyers.

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