Que valent les voitures électriques chinoises?
Plusieurs constructeurs chinois ont débarqué sur notre marché. La plupart proposent des modèles électriques. Voyons ce qu’ils valent à travers trois essais.
Au début des années 2000, quelques constructeurs chinois avaient déjà tenté une campagne européenne. Mais en vain. Ces voitures se sont pris le capot dans le mur, recalées aux crashs-tests. Elles accusaient aussi un net retard en matière de qualité, mais également de technologie diesel, alors très à la mode. Si les voitures chinoises osent à nouveau pointer leur calandre sur nos terres, c’est que le contexte a changé. Le moteur thermique est voué aux gémonies par les dirigeants européens qui, dans leur chasse au CO2, font la promotion de la voiture électrique. Or, en la matière, les Chinois savent y faire et ont même une longueur d’avance sur les Européens: la Chine s’est dotée très tôt d’une puissante filière électrique, de l’extraction des métaux pour les batteries à la production de masse de voitures à pile, qui inondent d’ailleurs déjà le marché local.
Autre évolution poussant les Chinois à investir le marché automobile européen: la dilution attendue des réseaux de distribution traditionnels. Dans ces conditions (et vu que les voitures électriques demandent moins d’entretien), il n’y a plus besoin de mailler le terrain avec de nombreuses concessions automobiles pour prétendre se faire une place sur le marché. Dix marques chinoises sont actuellement présentes en Belgique, proposant pour la plupart des SUV, souvent totalement électriques. On a testé trois d’entre eux.
Essais
JAC E-S2: la moins chère
JAC est une marque chinoise désormais détenue à majorité par le groupe Volkswagen. Et ce petit SUV est le modèle chinois électrique le moins cher de Belgique. On frôle tout de même les 30.000 euros… A bord, ce n’est pas très
tendance: le mobilier est démodé, le système multimédia lent et la résolution de l’écran datée. La planche de bord se couvre de plastiques basiques mais bien assemblés: ils n’ont jamais couiné durant l’essai. Les sièges sont fermes, mais la suspension souple compense. L’habitabilité arrière et le coffre sont dans la moyenne du segment. La direction manque de ressenti, mais la tenue de route est rigoureuse.
Le seul hic vient des pneus chinois, qui jettent vite le gant, surtout sur route humide. L’électronique remet cependant toujours l’engin dans le droit chemin. Heureusement car la voiture ne compte que quatre airbags et n’a pas brillé aux crash-tests: seulement 2 étoiles sur 5 aux tests… chinois CNCAP! Les 115 ch animent vaillamment ce SUV mais l’autonomie est moyenne (235 km durant l’essai, consommation de 16,5 kWh/100 km) et la recharge peu rapide, tant en courant alternatif (chargeur monophasé de 6,6 kW seulement) que continu (40 kW). La JAC est richement équipée (entrée/démarrage mains libres, clim’auto, caméras panoramiques, régulateur de vitesse, etc.) et coûte environ 3.000 euros de moins que ses plus proches rivales. Le prix nous semble toutefois trop élevé au regard de la technologie basique et du manque d’image de la marque, ce qui risque d’affecter la revente.
Aiways U5: presque “premium”
Fondée en 2017, cette start-up n’appartient pas à un grand groupe automobile. C’est une sorte de Tesla chinoise. Son SUV U5 (bientôt suivi par le SUV-Coupé U6) est distribué chez nous sans réseau propre via le revendeur multimarque Cardoen qui assure aussi les entretiens. Le modèle est technologique (châssis composé largement d’aluminium, assistances à la conduite dernier cri avec système de pilotage semi-automatique efficace) et son habitacle est chic, bien fini et spacieux. Une ambiance presque premium. Par contre, la connectivité est perfectible: le système supporte la liaison Apple Carplay mais impose de télécharger une appli pour coupler un appareil Android. Autre défaut, l’Aiways est privée de GPS intégré: il faut donc passer par le smartphone pour trouver son chemin… et les bornes de recharge. Nos voisins du nord regretteront aussi que le système multimédia ne soit pas programmable en néerlandais.
En route, on apprécie le confort de suspension, les bonnes performances (204 ch) et le châssis efficace, malgré des pneus chinois peu adhérents. Lors des crash-tests Euro-NCAP, l’U5 n’a récolté que 3 étoiles sur 5 à cause du mauvais déploiement d’un airbag latéral. Aiways dit avoir résolu le problème grâce à une mise à jour du logiciel. Côté autonomie, nous avons relevé entre 315 et 400 km selon les conditions de conduite (consommation de 16 à 20 kWh/100 km). La puissance de recharge sur borne DC est correcte (90 kW) mais la charge AC est deux fois plus lente que celle des concurrents européens (6,6 kW contre 11 en moyenne). A part cela, les prestations sont de très bon niveau. Et à 39.627 euros, l’U5 coûte environ 4.000 euros de moins qu’un Skoda Enyaq équivalent, tandis que sa garantie court sur cinq ans (même huit ans pour la batterie). La valeur de revente reste toutefois incertaine.
MG ZS: la bonne affaire!
La marque britannique “Morris Garage” est passée sous pavillon chinois en 2007, lors de son rachat par le groupe automobile public SAIC (Shanghai Automotive Industry Corporation). Le ZS est un petit SUV électrique, lancé chez nous en 2020 et restylé cette année, avec de plus grosses batteries et un habitacle revu, doté d’un nouveau système multimédia désormais rapide et à jour. La finition est très soignée et l’habitabilité généreuse à toutes les places. L’équipement de base est très riche ( airco automatique, caméra de recul, GPS, sièges avant chauffants, jantes alu de 17”, régulateur de vitesse adaptatif et nombreuses autres assistances à la conduite, etc.). La voiture peut aussi servir de point de charge pour n’importe quel gros appareil électrique (trottinette ou vélo, mais aussi barbecue ou sono pour les pique-niques). En chemin, les performances sont très correctes (156 ou 177 ch). La direction manque par contre de ressenti. La tenue de route est sans piment, mais heureusement sans histoires grâce notamment à de bons pneus allemands (Continental). Et l’engin a décroché les 5 étoiles aux crashs-tests Euro-NCAP. Deux batteries sont proposées: 51 kWh (32.985 euros, 320 km d’autonomie annoncée) ou 71 kWh (36.985 euros, 440 km annoncés). La plus grosse nous a permis de boucler un petit 400 km en pratique (consommation de 17,1 kWh/100 km), ce qui est excellent. Elle est associée à un chargeur interne de 11 kW et accepte une charge de 92 en DC. Bref, ce SUV chinois n’a rien à envier à ses rivaux occidentaux ou sud-coréens. Il offre les mêmes prestations mais à moindre coût: vous avez droit à un petit SUV familial pour le prix d’une citadine de type Peugeot 208 eActive. Et que les anxieux se rassurent: le modèle est couvert par une garantie de sept ans/150.000 km. Une vraie bonne affaire. Autre assurance: MG est distribuée chez nous par Alcomotive, également importateur de Hyundai ; il s’agit donc d’une structure solide et expérimentée, plus rassurante que de petits importateurs.
Le verdict
Ces essais nous prouvent que la plupart des voitures de l’empire du Milieu sont aujourd’hui abouties. Elles n’ont plus rien à voir avec les modèles dépouillés, voire dangereux, d’il y a quelques années. Et les constructeurs chinois maîtrisent la technique électrique (ils fournissent d’ailleurs leurs batteries à plusieurs constructeurs européens…). On note aussi que les importateurs belges proposent des garanties sérieuses (couvertes par des acteurs connus, comme par exemple Touring pour l’assistance en cas de panne). Mais le tarif n’est pas low cost: les modèles chinois offrent certes un meilleur rapport prix/équipement que les concurrents européens, coréens ou japonais, mais dans l’absolu, ils restent assez coûteux pour des véhicules dépourvus d’image de marque. Ce déficit d’image reste le principal défaut car il risque de peser sur la revente. Pour beaucoup (clients particuliers et entreprises), le pas vers un modèle chinois reste donc actuellement difficile à franchir.
Les choses pourraient vite changer, comme l’a montré le marché de la téléphonie où les Chinois se sont fait un nom et une bonne réputation. Tous les experts s’attendent d’ailleurs à une montée en puissance des constructeurs chinois en Europe. Certains, comme Jean-Dominique Senard, le président du groupe Renault, s’attend même à un “tsunami chinois” dans le domaine automobile, comme celui qu’il a connu lorsqu’il dirigeait le manufacturier Michelin. Pour rappel, dans le secteur du pneu en Europe, la part de marché des marques chinoises est passée de 5 à 30% entre 2012 et 2018…
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