Tafsquare vs. Trustup: qui deviendra le “Tinder” belge de la construction?
Devenir la plateforme de référence entre les professionnels de la construction et les particuliers, voilà le pari de nombreux acteurs belges du numérique qui voient là un marché en plein développement. Parmi eux, deux jeunes pousses wallonnes lancées en 2016: TrustUp et Tafsquare. L’occasion de comparer leur approche et leur développement.
Un match Charleroi-Liège… Et l’on ne parle pas de football! Depuis quelque temps, l’univers des métiers de la construction peut observer le match entre deux start-up du numérique qui entendent prendre une place dans la stratégie d’acquisition “clients” des professionnels du bâtiment. D’un côté, la carolo Tafsquare, soutenue entre autres par Sambrinvest. De l’autre, la liégeoise TrustUp, financée notamment par Leansquare. Ces derniers temps, les deux jeunes pousses sont montées au créneau, s’adressant à la presse pour évoquer leurs évolutions, leurs moments clés (comme leur levée de fond) ou leur croissance en dehors de la Wallonie.
Leur idée commune? Permettre aux particuliers de trouver des prestataires professionnels dans le domaine de la construction au sens large: du cuisiniste au couvreur en passant par le décorateur d’intérieur ou le peintre. L’objectif des deux start-up est clair: devenir un point central pour toute recherche d’un corps de métier. Une place de marché, en quelque sorte, comme l’est Immoweb pour l’immobilier, ou Tinder, dans un tout autre secteur… “En Belgique, il existe déjà une série d’acteurs sur ce créneau, admet Sébastien Remacle, fondateur de TrustUp. Mais la Belgique n’est pas très en avance et aucun de nos concurrents n’a encore atteint la position de leader qui emporte tout avec, par exemple, 80% de parts de marché. Il est dès lors tout à fait envisageable d’atteindre cet objectif.”
D’autres structures proposent déjà un outil en ligne pour trouver des prestataires de la construction. Citons notamment Batiboux+ (marque développée par la firme Proximedia), Bobex, Jaimy (lancé par Belfius), GoTravaux ou, côté néerlandophone, Casius.
Tafsquare et TrustUp nourrissent toutefois de vraies ambitions de croissance et sont chacune dans les starting-blocks pour rafler le marché. Notre pays compterait des dizaines de milliers de professionnels de la construction. Le défi consiste bien sûr à leur démontrer l’intérêt de souscrire à une plateforme du genre pour décrocher des contrats alors que certains affichent déjà un carnet de commandes plein à craquer. Ces places de marché doivent par ailleurs aussi attirer les particuliers, lesquels cherchent à être toujours plus rassurés quant à la qualité et la fiabilité des prestataires. Un point sur lequel les plateformes travaillent particulièrement, dans la logique “Gafa” qui place l’utilisateur au coeur de sa stratégie. A coup de marketing en ligne (et hors ligne) et de vérification des prestataires, elles multiplient les initiatives pour se faire connaître et faire naître la confiance.
Si l’on ne parle pas de combat entre les deux acteurs, la compétition est réelle. Il faut dire qu’ils s’adressent exactement au même marché, avec une approche a priori semblable, ce qui justifie la confrontation imaginée dans ces pages. Reste à voir qui tirera son épingle du jeu.
Tafsquare
1. Equipe
Créée en 2016 par deux anciens de Caterpillar, Enrico Porrovecchio et Antoni Fasullo, Tafsquare compte aujourd’hui une vingtaine de personnes dédiées au développement de la plateforme. Autour de l’équipe opérationnelle, les fondateurs ont attiré progressivement quelques noms bien connus de l’univers des start-up du digital. Par exemple Xavier Corman, fondateur et ancien CEO d’Edebex, qui est devenu chief financial officer (en mode freelance à temps partiel) en début d’année 2020. Tafsquare peut aussi s’appuyer sur plusieurs entrepreneurs qui ont rejoint son conseil: Mike Vandenhooft (Newpharma), Sebastien Doyen (Digital Attraxion) ou Nicolas Finet (Sortlist).
2. Modèle business
Tout comme TrustUp, la start-up carolo Tafsquare mise sur les abonnements pour engranger l’essentiel de ses revenus. Pas de commission sur des ” leads” ou sur des travaux accomplis, seulement des abonnements. En mode software as a service, donc. Spécificité de Tafsquare: les professionnels qui décident d’utiliser la plateforme cochent leurs différentes activités et paient en fonction de celles-ci. “Le montant de l’abonnement varie selon les métiers, détaille Xavier Corman. Un professionnel qui travaille dans le démoussage ne va pas emporter des missions aussi rémunératrices que celui qui va remplacer tout un toit”. Voilà pourquoi le montant varie entre 1.000 et 3.000 euros par an, sous forme d’abonnements trimestriels ou semestriels le plus souvent.
3. Clients
La start-up carolo revendique aujourd’hui 500 clients répartis en Belgique mais aussi en France. il y a peu, Tafsquare a en effet mis la main sur quatre sites web dans l’Hexagone (Budget-maison.com, Guide-construction.fr, Prixmaison.fr et Devis-constructeur-maison.com). Aujourd’hui, ce pays représente quelque 50% du business de l’entreprise. Reste que celle-ci revendique aussi 9.000 professionnels présents sur sa place de marché. Concrètement, quand un particulier introduit une recherche en ligne, sa demande arrive donc également chez des “non-clients” de Tafsquare qui ont accepté de recevoir ces recherches… mais auxquelles ils ne peuvent répondre sans prendre un abonnement. Bref, une technique marketing pour faire grandir la société. Mais les clients payants et – d’après Xavier Corman – triés sur le volet, ne sont bien qu’au nombre de 500. Au total, 20.000 “tafs” auraient déjà été proposés par des particuliers.
4. Levées de fonds
Tafsquare s’est rapidement tournée vers Sambrinvest pour soutenir financièrement ses développements. Jusqu’à présent, la start-up a levé un total de 650.000 euros, soit moitié moins que TrustUp, et en plusieurs fois. Lors du dernier tour, quelques privés sont entrés au capital de la jeune pousse carolo, comme le fondateur de NewPharma.
5. International
Se lancer hors de nos frontières ou même au nord du pays en partant de rien, les fondateurs de Tafsquare n’y croient pas vraiment. Cela se révélerait financièrement trop gourmand, surtout que d’autres acteurs occupent déjà la place. Sans compter que, selon Xavier Corman, “la construction reste un marché local, à part pour des métiers très techniques qui peuvent bosser un peu plus loin”. Les dirigeants de Tafsquare se focalise d’abord sur la francophonie… et donc aussi sur la France. C’est pour cette raison qu’ils y ont repris les activités de quatre sites web au créneau similaire.
6. Revenus
Habitué à ne pas trop en dire sur les chiffres financiers de ses entreprises, Xavier Corman botte en touche quand un journaliste l’interroge sur les revenus et la rentabilité de Tafsquare. Reste que, d’après nos estimations, la start-up devrait se diriger doucement vers le million d’euros de revenus récurrents si l’on tient compte de la moyenne des abonnements et du nombre de clients revendiqués.
Trustup
1. Equipe
TrustUp est née à l’initiative de Sébastien Remacle quand il était encore étudiant, alors qu’il observait, impuissant, le cuisiniste de ses parents faire faillite et laisser le chantier en l’état. Le jeune homme intègre ensuite le Venture Lab, structure liégeoise de soutien aux étudiants entrepreneurs. Créée en 2016, la société est lancée en 2017. Depuis, TrustUp compte 21 personnes, soit deux fois plus qu’il y a une grosse année. Une partie importante de son équipe se consacre à la vente.
2. Modèle business
TrustUp met en relation les particuliers et les professionnels de la construction. Mais tout comme pour sa “rivale” carolo, les clients de la jeune pousse sont les prestataires de service. Ce sont en effet eux qui ouvrent leur portefeuille pour s’offrir une présence sur la plateforme. Les revenus de la start-up proviennent uniquement d’abonnements, sans commission sur les travaux réalisés. Si le panier moyen de ces abonnements s’élevait encore récemment à 79 euros par mois, l’enjeu de TrustUp a été de le faire grimper. Comment? En proposant des services additionnels comme la création d’un site web pour les professionnels du bâtiment, un système de facturation, un agenda connecté, etc. Lancés fin 2020, ces services facilitent le cross-selling et auraient permis à la jeune pousse liégeoise de faire grimper le panier moyen à 120 euros mensuels.
3. Clients
TrustUp revendique actuellement 1.000 utilisateurs (professionnels) payants à qui elle promet une mise en contact avec les particuliers. Ce chiffre pourrait être plus élevé. “Mais 30% des entreprises ne passent pas notre sélection, précise Sébastien Remacle. Car nous rencontrons tous les candidats prestataires et vérifions notamment leur santé financière afin d’être sûr de renseigner aux internautes des entreprises fiables.” C’est en effet un point fondamental dans le business de l’entreprise, tout comme d’ailleurs dans celui de son équivalente carolo: l’indispensable confiance à générer auprès du particulier. Cela se fait via des analyses des prestataires mais aussi des notations et un référencement des utilisateurs. Lesquels auraient, en 2020, introduits 30.800 demandes de “jobs” (mais on ignore combien ont effectivement abouti).
4. Levées de fonds
Jusqu’ici, la firme liégeoise a déjà levé 1,3 million d’euros, en deux fois. Une première levée de fonds de 450.000 euros a été réalisée en 2018. La deuxième, fin 2019, s’élevait à 850.000 euros. Parmi la liste des investisseurs, TrustUp compte des business angels du réseau BeAngels, Leansquare, Vincent Pissart (ex-CEO de l’entreprise CMI-Balteau), BMV (RTBF) ou encore InvestSud.
5. International
Pour Sébastien Remacle, la Belgique reste le terrain de jeu prioritaire de sa start-up car il y voit un marché national rempli d’opportunités de croissance. L’objectif numéro un de développement, outre la Wallonie, est donc la Flandre. En partant de zéro, Sébastien Remacle constitue actuellement une équipe, essentiellement des commerciaux, pour attaquer ce marché. Avant, peut-être, de s’intéresser aux Pays-Bas puis au Luxembourg.
6. Revenus
Tout comme Tafsquare, TrustUp ne dévoile pas ses revenus ni son niveau de rentabilité. Bien sûr, la start-up n’est pas encore dans le vert, mais son “revenu mensuel récurrent” (MRR, son principal) devrait approcher progressivement des 100.000 euros, d’après nos calculs.
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