“Les Gafa font, au niveau mondial, ce que les petits épiciers de quartiers savaient faire”

Guillaume Gombert est expert au sein du cabinet de conseil français Fabernovel © pg

Co-auteur du livre “Gafanomics, Comprendre les superpouvoirs des GAFA pour jouer à armes égales”, Guillaume Gombert est expert au sein du cabinet de conseil français Fabernovel. Spécialiste de la stratégie et de la transformation digitale, il part du principe que les Géants du Net disposent de super-pouvoirs qui leur ont permis d’arriver à devenir ces acteurs incontournables du business qui chamboulent les règles établies depuis des années.

Fabernovel a étudié le phénomène des Gafa ces dernières années et a dressé une liste de grands principes qui devraient être connus et compris de tous les entrepreneurs et dirigeants d’entreprises qui veulent réussir. Interview.

Dans votre livre, vous évoquez les super-pouvoirs des Gafa dont les autres entreprises doivent s’inspirer. Mais les Gafa évoluent dans le numérique. Est-ce que ces super-pouvoirs peuvent s’appliquer à l’ensemble des entreprises, même celles loin du digital ?

G.G. : Toutes les entreprises n’ont évidemment pas les mêmes caractéristiques. Toutes nos entreprises ne sont évidemment pas des plateformes. Par contre, elles peuvent identifier certains super-pouvoirs et, en quelque sorte, choisir leur combat. Une entreprise qui fabrique des produits va peut-être s’inspirer de certains pouvoirs propres à Apple qui vend des produits de luxe et y ajoute une couche de revenus sur le long terme même après la transaction d’achat d’un iPhone. Une entreprise qui distribue ou revend des produits s’inspirera plutôt d’Amazon et cherchera, par exemple, à améliorer la connaissance de ses clients pour les relancer au bon moment avec le bon produit, ou on développera un logiciel qui améliore la facturation, etc. L’idée est vraiment de permettre aux entreprises de comprendre les forces, les pouvoirs, des GAFA et de se demander lesquels leurs conviendraient et ce qu’elles pourraient en faire, même en n’ayant qu’une partie de ces pouvoirs. Et apprendre à les utiliser pour améliorer la qualité d’exécution de son business, améliorer la vie des employés et ses relations avec des partenaires, etc.

Un élément qui revient sans cesse dans votre livre, c’est l’obsession des GAFA pour leurs clients. Vous soulignez qu’à l’inverse des autres entreprises, ces géants du numériques, ne se focalisent pas sur leurs produits, mais sur leurs clients. Pourtant, aucune entreprise ne va dire que son client n’est pas important…

C’est vrai, mais en réalité, on constate malgré tout que les entreprises sont en général orientées sur leurs produits. Un constructeur automobile va certes penser au client, mais pour améliorer son produit et va porter son attention sur la vente du produit. Mais après, mis à part les entretiens et les réparations, la relation clients est terminée… jusqu’à un éventuel remplacement. A l’inverse, les GAFA mettent toute leur attention sur la manière de servir et satisfaire leur client. Ils vont analyser et comprendre tout ce dont il a envie et va travailler individuellement la relation client et veiller à son expérience. En allant jusqu’à personnaliser l’expérience utilisateurs. Les Gafa parviennent à connaître leurs habitudes comme y arrivaient les épiciers de quartiers dans le passé. Ils savaient que Madame Dupond venait tous les samedis et que Monsieur Pierre aimait telle variété de pommes. Ces épiciers avaient créé une véritable intimité et connaissaient vraiment leurs clients. Les géants de la tech y sont parvenus avec des centaines de millions (ou des milliards…) d’utilisateurs.

Parmi les 7 super-pouvoirs identifiés, lequel est pour vous le plus inspirant pour les entreprises dites “traditionnelles” ?

Un pouvoir très important, selon moi, est l’adaptation en temps réel qui consiste à ne pas hésiter à mettre sur le marché un produit non terminé et de le faire évoluer au fil du temps, ou à lancer en un temps très rapide des nouveautés. Il s’agit d’un des pouvoirs les plus compliqués car dans les entreprises, en général, la chaîne de décision n’est jamais faite pour le temps réel. On rencontre des strates hiérarchiques et un morcellement de la décision qui rendent les choses plus lentes. Les Gafa, eux, malgré leur grande taille, vont être en mesure de prendre des décisions de manière très rapide. Et c’est un avantage indéniable. Mais la plupart des pouvoirs des GAFA sont aussi reliés les uns aux autres. Le pouvoir du “temps réel” est souvent lié aux qualités du management que l’on appelle, chez Fabernovel, le “management pirate” qui, via l’autonomie laissée aux employés et une dose l’audace, permet à l’entreprise de s’adapter en temps réel.

Autre super-pouvoir, l’infinité, soit générer des revenus supplémentaires sans pour autant faire exploser les coûts. Ce qu’on appelle aussi la “croissance à coût nul”. Les GAFA peuvent se le permettre parce que ces géants ont un business immatériel. Des tas d’autres entreprises n’ont pas cette faculté, si ?

Il s’agit d’un autre pouvoir qui semble assez difficile à appliquer, c’est vrai. Une entreprise qui fabrique un produit peut s’imaginer que ce pouvoir est inapplicable pour elle. Mais elle peut néanmoins se demander quels revenus supplémentaires elle peut générer avec un coût de production proche de zéro. L’infinité peut se trouver dans l’extension d’un produit au travers de services ou via une plateforme… Toutes les entreprises ne doivent pas imaginer qu’elles doivent adopter ce pouvoir à 100%. Elles peuvent imaginer qu’une partie de leur produit ou service, seulement, adopte ce pouvoir d’infinité…

Cette semaine (17 septembre 2020), Trends-Tendances s’attarde sur les 10 grands principes sur lesquels se sont construits les Gafa et qui peuvent inspirer toutes les entreprises traditionnelles…

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