L’un des plus gros e-commerces belges? La Loterie Nationale

Jannie Haek veut augmenter le nombre de personnes qui jouent des petits montants. © belgaimage

Cela fait 10 ans que la Loterie nationale a développé sa plateforme de jeux en ligne. Une activité qui a connu une croissance importante. Au point de représenter presque 20% de ses revenus actuels. Pourtant, l’entreprise publique joue plutôt la carte de l’interaction entre digital et physique.

Si l’on interrogeait aléatoirement quelques personnes dans la rue en leur demandant de citer trois acteurs de l’e-commerce, on entendrait sans aucun doute les noms d’Amazon, Zalando, Sarenza ou Bol.com. Mais certainement pas le nom de la Loterie nationale. Et pourtant !

Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’entreprise publique derrière le Lotto et les billets à gratter compte désormais une solide activité électronique. Sa plateforme e-Lotto qui, malgré son nom, permet de jouer à bien d’autres jeux de hasard que le Lotto, compte aujourd’hui pas moins 1,17 million de comptes. En 2019, ceux-ci ont généré plus de 270 millions d’euros de mises, pour 690.000 joueurs actifs enregistrés par le système digital de la Loterie nationale. L’activité numérique représente aujourd’hui près de 20% de l’activité totale de l’entreprise.

” En moyenne, les loteries européennes, à l’exception des pays nordiques, font 12 à 13% de parts de marché via le digital. Nous sommes donc dans le peloton de tête “, se félicite Jannie Haek, CEO de la Loterie nationale. Des chiffres qu’il est très fier de dévoiler à l’occasion des 10 ans de la plateforme numérique et qu’il n’a d’ailleurs pas peur de clamer haut et fort bien qu’il n’en ait pas toujours été ainsi. Il fut un temps, en effet, où mettre en avant le canal 100% digital de la Loterie nationale se révélait plus touchy car il ne fallait pas froisser le réseau des libraires. Ces derniers craignaient que le jeu numérique ne fasse baisser la vente des grilles à remplir et des billets à gratter dans leurs points de vente.

La Loterie nationale octroie plus de 185 millions d’euros de subsides à de très nombreuses organisations caritatives, sportives, culturelles et scientifiques.

Aujourd’hui, Jannie Haek a moins de raisons de marcher sur des oeufs : un nouvel équilibre a, semble-t-il, été trouvé entre les différents canaux. D’une part, les librairies ont commencé à proposer également, de leur côté, des produits de concurrents, comme les paris sportifs. D’autre part, la Loterie nationale a largement développé son réseau de distribution en créant ses propres points de vente, en passant aussi par la grande distribution et, bien sûr, via sa plateforme web. Au point que le réseau des libraires ne représente plus que 3.000 points de ventes sur les 7.300 existants actuellement. Mais qu’on ne s’y trompe pas : ” Nous ne sommes absolument pas dans le cadre d’une opposition entre notre activité numérique et notre réseau, insiste Jannie Haek. Nous croyons plus que tout dans le vrai omnicanal ! ” Car les grandes lignes de la stratégie de la Loterie nationale consistent à augmenter le nombre de personnes qui joueront des petits montants régulièrement plutôt que de faire augmenter le ” panier moyen ” des habitués, ce qui, venant d’une entreprise publique dans le domaine du jeu, pourrait se révéler sensible. Le big boss de la Loterie fait donc le pari de doper la base clients. ” Nous voulons une croissance saine et durable, insiste-t-il. Cela se traduit par une attitude relativement paternaliste qui tend à augmenter le nombre de personnes qui jouent des petits montants. ” Aujourd’hui, d’ailleurs, la moyenne des mises serait de moins de 5 euros.

Pour parvenir à cette stratégie, la Loterie nationale doit se ” trouver là où le joueur le souhaite “, plaide Jannie Haek. Car, faut-il le rappeler, un billet à gratter ou un tirage du Lotto restent des produits d’impulsion : les clients sont tentés de jouer lorsqu’ils se trouvent dans un point de vente et qu’ils ont quelques euros en poche. Par ailleurs, selon le CEO, les joueurs adeptes des jeux de la Loterie ne se contentent absolument pas d’un seul canal. Au contraire, il soutient que 70% des joueurs sur la plateforme en ligne (e-Lotto) sont omni-channels, c’est-à-dire qu’ils jouent tantôt au travers de la plateforme digitale, tantôt dans les boutiques physiques. ” Au travers de notre plateforme digitale et notre Lottery Club, nous encourageons, grâce à des promotions et des petites réductions, les habitués au numérique à se rendre dans leurs points de vente, précise le patron. N’est-ce pas original ? A l’heure où la plupart des acteurs du physique renvoient vers leurs solutions numériques, nous prenons le chemin inverse. ”

A en croire Jannie Haek, l’institution de jeux de hasard joue véritablement la carte multicanale. ” Je ne crois pas qu’un jour le retail aura disparu “, augure-t-il. D’ailleurs, il continue, aujourd’hui, de peser pas loin de 80% du business de la Loterie nationale. Du coup, le patron soutient que son entreprise ne poursuit pas d’objectif précis en matière de pénétration digitale : ” Ne me demandez pas si l’on vise à arriver à 30% de l’activité qui se passe par le numérique, nous rétorque-t-il. Ce n’est pas en ces termes que l’on réfléchit. Le numérique n’est pas un but en soi. Non seulement, il est impossible de prédire la croissance exacte de ce canal et en plus, là n’est pas l’objectif poursuivi “. Et cela, même s’il admet que pour la Loterie nationale, le canal numérique se révèle plus rentable. ” Il est évident que le numérique nous permet d’éviter des frais importants liés à l’univers physique de notre activité, concède le CEO de la Loterie. Prenez les jeux à gratter : ils sont imprimés au Canada, viennent chez nous en container, sont envoyés dans le réseau de distribution avec un traçage adéquat. Cela génère bien sûr un coût élevé que le numérique n’a pas. Par contre, il ne faut pas non plus sous-estimer les frais purement liés au numérique : contrats pour les serveurs, la fibre optique, la sécurisation des activités, le développement web, etc. ” Mais il n’entre pas dans les détails du niveau de rentabilité des différents canaux, tout en admettant que le ” digital se révèle plus intéressant ” pour la Loterie.

Surtout, il met en avant les contrôles et les limites que le digital permet, à l’inverse de son activité physique. Chaque compte en ligne est en effet lié à une identité vérifiée via le numéro de registre national et le système permet d’imposer certaines limites quant à la fréquence de jeu, aux montants transférés depuis un compte bancaire vers le compte joueur sur e-lotto, l’âge, etc. Sans oublier une limite de jeu pour éviter de perdre trop d’argent. Et de préciser que sur les près de 700.000 joueurs réguliers, en 2019, seuls 69 ont été touchés par les limites imposées par la Loterie. ” C’est ce qui nous permet de nous assurer une croissance saine “, insiste Jannie Haek qui pointe aussi la raison d’être de son entreprise atypique : soutenir un nombre important de projets de la collectivité. A part la rente de monopole de 135 millions d’euros, elle octroie plus de 185 millions d’euros de subsides à de très nombreuses organisations caritatives, sportives, culturelles et scientifiques. Chaque jour, la Loterie nationale peut ainsi consacrer plus de 500.000 euros à diverses bonnes causes grâce à ses nombreux joueurs.

Le digital de la Loterie nationale en chiffres

· 271,8 millions d’euros de chiffre d’affaires pour l’e-Lotto, sur 1,442 milliard d’euros au total pour l’entreprise publique

· 1,172 millions de comptes e-Lotto

· 693.000 joueurs électroniques en 2019

· 5,34 euros mise moyenne, 73 fois par an

· 55% du chiffre d’affaires digital provient du mobile

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