Interview exclusive: “Nous conservons le contrôle sur Take Eat Easy”

Le CEO de Take Eat Easy, Adrien Roose (à gauche) et son équipe. © DR

L’une des start-up belges les plus en vue du moment est Take Eat Easy, spécialiste de la livraison à vélo de repas à domicile qui, en même pas 5 mois, a levé un total de 16 millions d’euros pour son développement. Notamment auprès du géant européen de l’Internet, Rocket Internet. Interview d’Adrien Roose co-fondateur et CEO de la jeune pousse.

Numerik. Vous avez pris le marché par surprise en annonçant, hier, une nouvelle levée de fonds à 10 millions d’euros, même pas 5 mois après avoir déjà levé 6 millions. Pourquoi ?

Adrien Roose. Il n’était pas prévu qu’on lève si rapidement de nouveaux fonds, mais l’opportunité s’est présentée et on l’a saisie car nous avions prouvé qu’on pouvait allouer l’argent correctement et développer rapidement de nouvelles villes. Il y a une pression assez forte du marché qui fait que c’est une course contre la montre pour s’installer dans de nouvelles villes avant les concurrents. Il est plus facile d’être premier que deuxième.

Pour quelle raison exactement voulez-vous être les premiers sur de nouveaux marchés ?

Nous voulons arriver les premiers notamment pour nouer des partenariats avec les meilleurs restaurants de la ville. Si on leur prouve qu’on est en mesure de leur apporter un montant significatif de commandes, nous pouvons bénéficier d’une relation forte qui n’est pas bloquante mais qui rend plus difficile le développement des concurrents sur notre créneau (ndlr : celui de la livraison de repas de restaurants de qualité qui n’ont pas encore de service de livraison).

Au début de l’année, vous n’étiez encore qu’à Bruxelles et Paris. Depuis votre levée de fonds de 6 millions d’euros en avril, qu’est-ce qui a changé ?

Nous avons recruté des équipes pour d’autres pays et d’autres villes. Notamment en Allemagne et en Espagne où nous avons lancé, mi-août, les villes de Berlin et Madrid. Et nous avons aussi recruté au Royaume-Uni où nous nous apprêtons à lancer Londres. Tandis qu’en France, notre prochaine étape est d’ouvrir Lyon, Lille et Bordeaux. Dans notre métier, la saisonnalité est importante. Aussi nous nous sommes dépêchés pendant l’été de mettre en place les équipes et d’ouvrir de nouveaux marchés pour y être prêts avant l’automne et l’hiver. Si nous employions 10 personnes au début de l’année, nous sommes 75 personnes à présent. Sans compter les 500 livreurs indépendants qui travaillent avec nous… et qui seront 1.000 avant la fin de l’année.

Ces 10 nouveaux millions d’euros que vous venez de lever auprès de Rocket Internet et Eight Roads Venture, à quoi vont-ils servir ?

A plusieurs choses. Notre business, c’est de la logistique et de la technologie. Il y a beaucoup de technologie qui est au service de la logistique. Bien sûr, nous avons déjà une plateforme mais il faut constamment l’améliorer et la faire évoluer. De manière à assurer l’optimisation de l’activité et assurer la gestion de gros volumes de commandes. Une partie de l’argent servira aux nouveaux développements technologiques. Une autre partie importante sera de financer la mise en place de nouvelles équipes locales pour continuer l’expansion géographique de notre activité.

Cela doit-il aussi servir à booster le marketing ?

Pour l’instant, les montants investis en marketing sont assez faibles. Take Eat Easy se développe essentiellement grâce à de la croissance organique. Le bouche-à-oreille fonctionne plutôt bien. Mais c’est vrai qu’on doit développer notre marque car nous avons besoin de réaliser de gros volumes pour optimiser au mieux l’activité. Cela se fera notamment par des partenariats locaux pour nous faire connaître. Par exemple, des partenariats avec des festivals de musique pour offrir des livraisons de repas et augmenter notre visibilité non-payante. Il faut savoir que le business de Take Eat Easy est essentiellement local. Notre idée est donc de conquérir les marchés par villes et par pays. Donc une fois que les opérations sont mises en place, nous devons avoir du volume. Pour cela, nous testons différents leviers marketing comme de la pub en ligne, ou, plus classique, de l’affichage.

Vous comptez Rocket Internet parmi vos investisseurs. Le groupe allemand est en train de créer un empire mondial de la livraison à domicile. Ne craignez-vous pas qu’un jour Take Eat Easy soit intégrée au sein du groupe, dans une autre marque, et disparaisse en tant que telle ?

Il faudrait pour cela que nous en ayons la volonté car, via des mécanismes de gouvernance d’entreprise dans les détails desquels je ne souhaite pas entrer, nous conservons le contrôle sur Take Eat Easy. Rocket Internet agit essentiellement comme un holding financier. On voit d’ailleurs dans leurs différents investissements que leur but n’est pas de tout fusionner mais d’introduire en Bourse certains de leurs investissements, comme en témoignent des rumeurs d’IPO pour Delivery Hero, Foodpanda, etc.

Est-ce à dire qu’un jour cette voie pourrait être empruntée par Take Eat Easy

Très franchement, c’est beaucoup trop tôt pour en parler et même pour y penser. Les équipes sont véritablement focalisées sur l’opérationnel et les développements dans les différentes villes européennes que nous ciblons pour l’instant. Il est donc trop tôt pour parler de ce type d’objectifs futurs.

Pourtant vous avez déjà affiché votre ambition d’être un acteur mondial…

Notre premier objectif est d’être N°1 du “premium food delivery” en Europe. En fait, dès qu’on a des signes positifs que nos marchés décollent, nous envisageons d’autres villes ou pays. Et donc quand on aura des signes qu’on est en passe d’être premier au niveau européen, nous regarderons pour nous lancer sur des marchés hors Europe.

Comment coexistez-vous avec les autres marques de Rocket Internet qui sont également présentes sur des marchés comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou l’Espagne ?

Comme je le disais, Rocket Internet doit être vu comme un investisseur financier. Il n’y a aucune autre synergie avec Rocket Internet. Et on essaie justement de garder une vraie séparation avec les autres acteurs de la livraison dans lesquels ils ont investi et qui sont nos concurrents.

Propos recueillis par Christophe Charlot

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