Frontback : “Nos investisseurs nous demandent de ne pas encore faire de business”

Frederic Della Faille © DR

De passage à Bruxelles pour intervenir lors de la journée TEDX, Frederic Della Faille, fondateur de l’application Frontback, a pris quelques instants pour une rencontre avec Numerik malgré un emploi du temps chargé. Une conversation intéressante durant laquelle il a fait le point sur Frontback, l’application qu’il a lancée voici un an aux Etats-Unis et qui totalise déjà 3 millions de téléchargements.

Rappel : Frontback est une application mobile qui utilise les deux appareils photos d’un smartphone pour combiner, à la fois, le selfie de l’utilisateur et la vue qu’il a au même moment.

Vous venez faire un tour en Belgique puis vous rendez à Paris. Quelle est l’actualité de Frontback ?

On est entre deux périodes en termes de financement. Aucune actualité excitante à ce niveau-là. L’entreprise continue son bonhomme de chemin. Nous sommes six : deux en Belgique et quatre à San Francisco. Mon co-fondateur est en Belgique, on travaille à distance. Nous sommes bien organisés via les outils de collaboration. Le back-end est en Belgique. A San Francisco, on gère iOs, Android, la communauté, et moi je fais le design et je coordonne toute la petite équipe.

Comment évolue le succès de Frontback ?

On est passé au-dessus de trois millions de téléchargements et ceci essentiellement grâce à la curiosité des gens. Et on est soutenu par Apple et Google puisqu’on est, par exemple, dans la liste des meilleures applications 2014 de Google. Cela amène de la visibilité et cela nous permet de travailler sur ces downlaods et de voir comment la communauté se comporte. Car nous travaillons fortement sur l’usage de l’application et sa rétention. C’est ce qui compte dans une application destinée au consommateur. L’engagement est important évidemment. On fonctionne de manière organique donc on n’investit rien en communication. On n’a jamais acheté un download ni fait une campagne payante. Ce que l’on fait c’est de la communication autour du produit auprès de notre communauté, comme des vidéos pour les nouvelles fonctionnalités. On fait aussi du community management : par exemple pour Thanksgiving, un des événements les plus photographiés aux USA. C’est une période durant laquelle les photos sont très importantes. Pour nous, c’est l’opportunité de voir si y’a un réflexe Frontback et de voir à quel moment les utilisateurs y pensent et de quelle manière ils l’utilisent.

Comment mesurez-vous les comportements de vos utilisateurs ?

On utilise un outil très précis sur les actions réalisées au sein de l’application. On récolte des données, mais de manière anonyme. C’est abstrait, il s’agit plus d’observer des flux, des groupes d’utilisateurs. Les données qu’on récolte servent uniquement pour enrichir le produit. Il s’agit de comprendre les fonctionnalités que nos utilisateurs apprécient le plus. Un exemple : s’ils prennent la photo plusieurs fois avant de la partager, cela nous signale qu’il faut peut-être améliorer la qualité de la photo pour que les gens soient satisfaits plus rapidement.

C’est important pour garder l’utilisateur…

Oui. La rétention est une priorité. On sait, par exemple, que si quelqu’un poste une photo dans les premières 24h après la création de son compte, elle a plus de chances de revenir utiliser Frontback par la suite. On affine donc cela dans le produit pour encourager l’utilisateur à poster sa première photo dans les premières 24 h. Notre démarche est très précise et technique dans l’observation du comportement des gens.

Si je ne me trompe pas, Go Pro vous inspire pas mal, notamment en termes de création d’une communauté. Pourquoi ?

Oui c’est vrai, on tente de créer une véritable communauté autour de notre application. C’est complexe, mais c’est une opportunité et cela entre dans la vision de Frontback. Notre conviction c’est qu’observer le monde permet de le rendre meilleur en connectant des personnes qui ne se connaissent pas vraiment dans la vie mais ont un intérêt commun dans le voyage, le sport, etc. Si l’on est curieux de son prochain, cela crée de l’empathie et c’est cet élément que l’on essaie de développer au sein de l’application Frontback. C’est une communauté qui doit vivre autour de Frontback. Notre slogan est clair : “only on Frontback”.

Comment travaillez-vous à l’élaboration d’une communauté justement ?

On essaie de développer des fonctionnalités uniques à notre produit et notre réseau. Notre application a un peu plus d’un an et cela peut paraître étonnant, mais on a attendu un an pour développer un système de commentaires. Cela paraît pourtant naturel mais on voulait quelque chose de propre à notre réseau et qui tourne autour de l’appareil photos. On a mis en place un système qu’on appelle “Reaction” : les utilisateurs laissent un commentaire … à l’aide de l’appareil photos et peuvent ajouter un texte, mais c’est optionnel.

Sur les 3 millions de downloads que vous revendiquez, combien compte-t-on d’utilisateurs réels ?

On ne communique pas sur les chiffres totaux. Mais disons qu’aux Etats-Unis, le genre de chiffres, c’est 40% qui sont actifs. Ce sont des utilisateurs actifs mensuellement. Le travail que l’on fait, c’est de les convertir en utilisateurs actifs chaque semaine donc qu’ils reviennent plus souvent. Et là, on est à 60% des “monthly users” qui deviennent “weekly users”. Les chiffres totaux servent surtout pour présenter quelque chose aux médias, mais cela ne représente pas toujours grand-chose. Avec nos investisseurs, les discussions tournent surtout autour de la rétention. On estime que c’est plus intéressant, par exemple, d’avoir 100 élèves dans une école qui utilisent fortement l’appli que d’avoir des milliers d’utilisateurs éparpillés. On veut créer des micro-communautés.

Vous activez cela ?

Non, on n’est pas proactifs à ce niveau. Mais quand cela arrive, on travaille dessus. Par exemple, on a une communauté dans le Michigan, dans une petite ville près de Detroit. Quelques personnes sont arrivées dans l’application de manière organique et l’ont utilisée quelques mois sans être connectés avec des amis. Quand on a introduit les réactions, on a senti que c’était exceptionnel pour eux car cela a créé de la viralité. Maintenant, il y a plusieurs centaines de personnes là-bas qui sont actives et qui communiquent au sein de l’application. Ils ont même introduit un hashtag spécifique (#AAfrontback) et comme on a vu qu’ils s’amusaient avec ce hashtag, on a créé pour eux un t-shirt qu’on leur a fait parvenir et ils organisent eux-mêmes des concours, etc.

On a une vocation d’être très local et déconnectés de la technologie. Ce sont vraiment les rapports humains qui nous intéressent, les interactions entre personnes. On ne s’identifie pas comme une start-up technologique : on utilise la techno pour comprendre la sociologie et les interactions, mais c’est tout.

Et le business model ?

Ah le business model… la grande question des médias, belges notamment. La réalité, c’est que le business s’inscrit dans une ligne du temps et on ne peut pas tout de suite mélanger business et adoption. Sauf en B2B. Mais quand on s’adresse au consommateur, on ne peut pas parce que sinon, on risque vraiment de se planter. Cela nécessite trop de temps et de changements par rapport au produit. Quand on voit Twitter, ils sont en train de mettre en place leur monétisation seulement maintenant et de construire quelque chose de solide. Wall Street ne les aime pas, mais cela reste un acteur majeur à l’heure actuelle. Cela se fait de manière naturelle après le développement de l’adoption de l’appli. Et ce n’est pas seulement lié aux entrepreneurs qui ont peur de faire du business. Ce sont même les investisseurs qui recommandent cela. On a parlé de business model avec notre investisseur principal et la décision est claire : ce n’est pas maintenant et c’est totalement suivi par eux…

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