Laisser entrer des investisseurs dans le capital de sa start-up constitue une décision déterminante pour l’avenir. Mieux vaut s’assurer de choisir les bons !
Des rapaces cherchant plus à entuber les entreprises qu’à y investir.” “Hyper interventionniste et fait perdre un temps énorme aux entreprises.” Les commentaires de ces responsables de start-up ne sont pas tendre envers les investisseurs. Par e-mail, certains se lâchent sur les fonds et les business angels quand on les interroge sur la qualité des uns et des autres. “Les investisseurs, c’est un peu comme les banquiers : c’est l’excuse qu’on brandit quand ça part mal et on dit qu’ils sont mauvais alors que les promesses n’ont simplement pas été tenues”, rétorque cet investisseur en vue sur le marché belge. Il n’aime visiblement pas trop quand les responsables de jeunes pousses en échec renvoient aux investisseurs la patate chaude quand les choses tournent mal.
Et après la lune de miel ?
La relation entre les entrepreneurs et leurs investisseurs ressemble à celle d’un couple. Pendant la période de drague, quand on se plaît, on trouve les meilleures qualités à son futur partenaire, on est sous le charme et on peut être aveuglé par de belles promesses. Une fois l’union scellée, les premiers moments sont plein d’espoirs et d’ambition. Puis viennent les premières tempêtes : les échecs, les retards, les pertes financières, etc. C’est à ce moment, généralement, que le couple “investisseur – fondateur/CEO” se teste pour la première fois “dans les conditions réelles”. Et parfois ça passe, parfois ça casse ! Il arrive, évidemment, que les conflits prennent le dessus et le CEO est même parfois poussé vers la sortie ou claque la porte. L’investisseur peut, lui, décider de lâcher la start-up pour soutenir d’autres projets. Bref, l’union tourne méchamment au vinaigre, pouvant précipiter la start-up vers la faillite. Voilà pourquoi, qu’il s’agisse d’un business angel ou d’un fonds, il faut absolument faire les bons choixplutôt qu convoler en justes noces avec le premier partenaire financier venu.
Il faut voir si les investisseurs et l’entrepreneur partagent les mêmes valeurs, au niveau du fonctionnement comme au niveau de la vision et de l’ambition de la start-up.” Claire Munck, CEO du réseau Be Angels
D’abord, “il faut voir si les investisseurs et l’entrepreneur partagent les mêmes valeurs, au niveau du fonctionnement comme au niveau de la vision et de l’ambition de la start-up, prévient Claire Munck, CEO du réseau Be Angels. Cela se voit au fur et à mesure des échanges et discussions, notamment durant les réunions de deal making et durant la mise en place du pacte d’actionnaires qui formalise un certain nombre de situations et process, au niveau de l’exit, au niveau de la gouvernance, et qui permettent de juger de l’alignement”.
Le tout, selon Frank Maene, responsable de Volta Ventures, est “d’avoir eu, avant même de signer un deal, de vraies discussions, qui sont allées loin, au sujet du business, pour s’entendre sur la et les différentes hypothèses du projet. Cela permet de bien comprendre la vision des uns et des autres. Le clic est absolument essentiel”. Il s’agit, en effet, d’une véritable association entre personnes qui devront travailler ensemble sur plusieurs années.
Et puis, l’entrepreneur doit faire le maximum pour tout savoir des investisseurs qu’il est susceptible de faire entrer dans son entreprise. Il doit réaliser sa due diligence. “On ne peut que conseiller aux start-up de chercher un maximum d’informations, de prendre des contacts et de se renseigner sur les investisseurs”, insiste Oussama Amar, cofondateur de The Family. Un peu comme dans le cadre d’un entretien d’embauche : on téléphone ou on rencontre les autres entrepreneurs et on prend des références. “Les entrepreneurs sont généralement très honnêtes sur ces questions et, de toute manière, on voit vite la tête qu’ils font quand on leur parle de certains investisseurs, complète Xavier Corman, fondateur de la start-up Edebex. Ce qu’il convient de savoir, c’est comment se comporte l’investisseur quand les choses ne se passent pas bien. Parce que dans la vie d’une start-up, il y a toujours des périodes plus difficiles.” La pratique est courante et les échanges d’informations sont nombreux entre jeunes pousses du numérique. Savoir comment a réagi l’investisseur quand les objectifs financiers n’ont pas été atteints, quand une technologie est en retard ou que l’on passe à côté de gros contrats. A-t-il soutenu l’équipe dans la recherche de solution ou l’a-t-il mise sous pression plus que de raison ? “La manière dont l’investisseur va réagir et se conduit de manière générale va changer la manière dont la start-up va évoluer”, insiste Oussama Ammar.
La confiance est la base absolue.” Nicolas Van Rymenant, ex-CEO de Menu Next Door
“J’ai eu de très bonnes relations avec mes investisseurs, détaille Nicolas Van Rymenant qui avait lancé Menu Next Door, une start-up ayant levé 4,5 millions d’euros pour tenter de trouver son modèle. C’étaient des investisseurs avec qui je m’entendais très bien et qui n’ont jamais mis de pression négative pour arriver à des résultats. Ils savaient qu’il fallait trouver un modèle et tester énormément de scénarios. Jamais ils ne me disaient “tu as intérêt à trouver”. Au contraire, ils encourageaient de manière constructive et étaient très alignés par rapport à ma vision. Y compris quand on a décidé d’arrêter : il n’y a pas eu de tension et ce sont des personnes avec lesquelles je retravaillerais sans hésiter.”
Association sur plusieurs années
Mais bien au-delà du feeling humain, les entrepreneurs peuvent regarder un certain nombre d’éléments factuels sur leurs (futurs) partenaires. D’abord, pour tirer le meilleur parti de ses investisseurs, c’est-à-dire obtenir ses conseils et l’accès à son carnet d’adresses, mieux vaut “s’assurer qu’il connaisse bien le secteur dans lequel évolue l’entreprise, précise Martin Mignot, partner chez Index Ventures. Cela peut d’ores et déjà se voir s’il a déjà noué des deals dans ce domaine et s’il peut se prévaloir d’un certain track record“. La plupart des investisseurs affichent des spécificités sectorielles voire se spécialisent. Volta Ventures, par exemple, se spécialise sur le software et le Web tandis que Virtuology de Cédric Donck ne fait que du “marketing digital”. D’autres fonds, comme le W.IN.G, sont généralistes au niveau des thématiques, mais se spécialisent sur une étape de développement de la start-up.
Ensuite, il peut être intéressant de se pencher sur son profil financier et comprendre les intérêts réels de l’investisseur. L’une des premières choses à regarder n’est autre que le timing de l’investissement. Surtout pour un fonds. Est-il en fin de période d’investissement ou pas ? Souvent, les fonds se fixent une certaine durée pour “investir” dans des projets et promettent également à leurs investisseurs un retour dans un certain laps de temps. Ces informations peuvent donner une bonne indication sur les espérances de sortie dans les start-up soutenues et donc… la pression potentielle que l’investisseur mettra sur les épaules des équipes pour la réalisation des objectifs. “Lorsque la start-up se trouve dans les derniers investissements réalisés par un fonds, le danger, c’est que l’investisseur pense à la sortie alors que la start-up, quant à elle, mise encore sur le développement, analyse Cédric Donck. Il faut avoir conscience de ces horizons de temps potentiellement différents. Et savoir qu’un business angel aura une vision plus long terme de sept ans ou plus tandis qu’un VC pensera à trois à cinq ans en général. Sans oublier qu’il faut ajouter la durée du tour de table (environ six mois) et celle de la sortie (six à neuf mois), au temps où l’investisseur est présent au capital.”
Une belle-mère encombrante ?
Le profil “opérationnel” de l’investisseur ne manque pas non plus d’intérêt. “Les entrepreneurs doivent savoir quelle pourra être la valeur ajoutée d’un investisseur qui entre dans la start-up, avance Frank Maene. Et cela peut dépendre de son degré de disponibilité : est-il facilement joignable, est-il susceptible de se libérer, passe-t-il la moitié de son temps en vacances ? ” Certains investisseurs, notamment des business angels, se présentent comme des investisseurs actifs et annoncent qu’ils veulent jouer un rôle et aider concrètement la start-up. Bonne nouvelle. Il faut toutefois bien se renseigner sur ce qu’ils entendent réellement par là. “Certains s’attendent à être consultés sur toutes les décisions de la start-up et cela en permanence, observe Oussama Ammar. Exiger cela ralentit considérablement l’évolution du projet et enlève ce qui fait la valeur même d’une start-up. Avoir un investisseur qui se comporte, avec les start-up, comme un groupe qui a 200 millions d’euros de chiffre d’affaires n’a pas de sens ! ” Dès lors, comprendre comment fonctionnent les partenaires financiers au quotidien est important : demandent-ils des reportings incessants ? S’invitent-ils à tort et à travers dans les décisions opérationnelles ? Il ne faut pas hésiter à se renseigner sur leur manière de jouer leur rôle d’investisseur. Même dans les “petits détails”…
Ce qu’il convient de savoir, c’est comment se comporte l’investisseur quand les choses ne se passent pas bien.” Xavier Corman, fondateur de la start-up Edebex
Enfin, “il faut aussi tenir compte de l’image de marque de l’investisseur, enchaîne Martin Mignot. Dans l’univers start-up, il y a, par définition, de nombreuses incertitudes. La validation sociale est importante et joue un véritable rôle. Ainsi, avoir un investisseur de renom au sein de son capital aura inévitablement plus de valeur que de laisser entrer un inconnu. Choisir un bon investisseur facilite les tours d’après. Quelqu’un de bien connecté à l’écosystème et avec une bonne réputation a beaucoup de valeur pour accéder à certains investisseurs par la suite.”
Bien sûr, “la confiance est la base absolue, résume Nicolas Van Rymenant. Il faut avoir le courage de ne pas se précipiter sur le premier venu et ne s’engager que si la relation entre personnes passe bien”. Un bon test ? Se demander si vous êtes prêt à passer une semaine de vacances avec ces investisseurs…