Michael Dell : “Nos chances de réussite dans le mobile sont bonnes !”

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Renforcement de ses activités face aux concurrents asiatiques, projets dans les “smartphones” et les tablettes tactiles : Michael Dell, CEO du fabricant d’ordinateurs qui porte son nom, affiche ses ambitions.

De passage à Paris, Michael Dell, fondateur et CEO du fabricant d’ordinateurs qui porte son nom, a rencontré en exclusivité nos confrères de L’Expansion. Il revient sur les ambitions de son groupe dans les smartphones et les tablettes tactiles, pour concurrencer Apple.

Connu dans le monde du PC, Dell veut s’attaquer à Apple dans la téléphonie mobile et les tablettes tactiles. Mais vous aviez déjà tenté l’aventure des baladeurs MP3 et des agendas électroniques, sans succès. Quels sont vos plans aujourd’hui ?

Nous avons beaucoup appris de ces expériences passées. C’est pourquoi nous sommes très prudents et préparons bien notre arrivée sur ces nouveaux marchés. A ce jour, 5 milliards de personnes dans le monde sont équipées d’un téléphone. Mais seulement 2 % d’entre elles possèdent un smartphone. Il reste donc beaucoup de monde à équiper dans les cinq ans à venir.

Qui plus est, ces terminaux permettent de visionner de la vidéo, d’accéder à des services de cartographie, de se connecter aux réseaux sociaux. Leur utilisation engendre une hausse des données consommées, et les acteurs de l’Internet doivent à leur tour augmenter le nombre de serveurs et leur capacité de stockage pour répondre à une demande croissante.

Nous sommes là pour les aider. Nous commercialiserons des téléphones équipés des systèmes d’exploitation Windows 7 (Microsoft) et Android (Google). Des accords ont été passés avec plusieurs opérateurs de télécommunications, comme AT&T aux Etats-Unis et Telefónica en Europe. Nous sommes déjà présents au Brésil et en Chine avec China Telecom, premier acteur mondial. Contrairement à Apple, nous voulons travailler en partenariat étroit avec eux. Nos chances de réussite sont bonnes, même s’il n’y aura pas de place pour tout le monde. Quant au marché des tablettes, nous nous y lancerons cette année.

D’autres fabricants de PC lorgnent le marché du mobile. Votre concurrent Hewlett-Packard a mis la main sur Palm pour se renforcer. Vous êtes-vous fait doubler ?

Dès que Palm a été mis en vente, nous avons regardé le dossier, mais nous n’avons pas voulu donner suite. Lorsque vous prenez cinq téléphones de marques différentes, tous permettent de passer des appels. La différence vient des applications disponibles. Les utilisateurs peuvent se connecter à une boutique en ligne depuis leur mobile pour les installer.

Du coup, avant de prendre une décision, nous avons demandé leur avis aux développeurs. Pour les convaincre de créer des applications, deux choses sont observées : la part de marché d’une boutique de téléchargement et le nombre de téléphones proposant cette boutique. Or, celle de Google dispose de plus de 50.000 applications et a séduit de nombreux fabricants. C’est énorme, comparativement à Palm. L’avis des développeurs a très fortement pesé dans notre décision de ne pas acheter l’entreprise.

Vous avez toujours été opposé aux acquisitions. Pourtant, vous avez réalisé l’an dernier le plus gros rachat de l’histoire de Dell avec Perot Systems. Pourquoi avoir changé d’avis ?

J’ai mis du temps à me laisser convaincre mais j’ai finalement changé d’opinion car l’environnement économique a beaucoup évolué. Nous disposons de 4,6 milliards de dollars de cash-flow pour financer des investissements. Notre croissance peut se faire seule, en passant des alliances ou par des acquisitions, notamment dans le domaine du stockage de données.

Avec Perot Systems, nous sommes devenus le leader des technologies de l’information des systèmes de santé. Les grands hôpitaux travaillent avec nous depuis longtemps et les organismes publics vont devoir le faire dans les trois ou quatre ans, à la suite de la réforme du régime de santé lancée par l’administration Obama. Cela crée de grandes opportunités.

Il s’agit aussi d’équiper les médecins. La plupart d’entre eux travaillent dans des hôpitaux mais ne sont pas salariés. Ces travailleurs indépendants doivent pouvoir se connecter à distance au système informatique des hôpitaux pour accéder aux dossiers électroniques des patients et échanger des données. Nous menons des tests dans plusieurs pays.

Le taïwanais Acer est devenu le 2e fabricant de PC mondial, devant Dell, en lançant des produits à bas prix, les netbooks. Son fondateur estime que, d’ici 20 ans, les marques américaines auront disparu, car elles ne pourront le concurrencer.

Nous ne sommes pas vraiment un fabricant américain. Nos ordinateurs sont produits au même endroit que ceux d’Acer. Et si Acer est bien le n° 2 mondial, c’est uniquement en termes de volume de ventes, pas de chiffre d’affaires ni de rentabilité. Ce fabricant est très loin derrière nous : nos ordinateurs génèrent deux fois plus de revenus.

Pensez-vous vraiment que nous jouons dans la même division ? Nous fournissons des services, des solutions technologiques pour les hôpitaux et les banques. Dell couvre un large spectre d’activités, dans l’univers du grand public comme dans celui des entreprises. Nous n’avons rien à voir avec Acer, même si nous proposons aussi des netbooks vendus au-dessous de 300 euros. Mais c’est loin d’être le coeur de notre stratégie.

Créateur de la vente directe d’ordinateurs sur Internet, vous avez décidé de revoir le modèle que vous aviez inventé. Pourquoi ?

Je ne connais pas un grand groupe qui n’ait pas changé de stratégie au cours de son histoire. L’année prochaine, nous allons fêter nos 26 ans d’existence, il était temps de nous adapter aux conditions actuelles. En l’espace de deux ans, nous sommes partis de zéro pour réaliser 6 milliards de dollars de ventes via les enseignes de distribution comme Wal-Mart aux Etats-Unis.

Regardez les quatre plus grandes villes chinoises. Les consommateurs ne s’y connectent pas à l’Internet pour commander un ordinateur, ils se rendent dans les boutiques. Nous devions être présents chez les revendeurs pour percer sur ces marchés. Cette observation est aussi valable pour les autres tigres d’Asie du Sud-Est, Hong Kong, Singapour et pour la Corée du Sud. Mais nous continuons de vendre nos produits en direct.

Justement, quelle est votre position sur les pays émergents au regard de l’Europe ?

La croissance est formidable dans ces pays où l’Internet explose. Des sociétés comme le réseau social Facebook, les portails Yahoo! et Tencent, le moteur de recherche chinois Baidu et même Microsoft sont tous nos clients pour leurs infrastructures. L’explosion du trafic, notamment sur l’Internet mobile, les oblige à s’équiper en serveurs pour répondre à la demande.

Cette tendance s’observe aussi en Chine. Nous devrions réaliser 5 milliards de dollars cette année sur ce marché, ce sera le 2e pays derrière les Etats-Unis pour Dell. Le Brésil devrait atteindre 2 milliards de dollars, et nous avons entamé des discussions avec les autorités indiennes. L’Europe représente tout de même encore un quart de nos activités, soit plus de 15 milliards de dollars par an.

En Occident, les petites et moyennes entreprises ont toutefois encore du mal à accéder aux crédits pour investir. Est-ce un risque pour vous ?

Ce problème existe. Si les grands groupes qui avaient beaucoup investi ont beaucoup réduit leurs dépenses l’an dernier, les PME sont restées sur des dépenses modérées. Aux Etats-Unis, elles ont deux moyens d’accéder au crédit : soit en faisant appel à une banque, soit en passant par des organismes de crédit-bail. Ce second volet a pratiquement disparu après la crise. Nous avons dû pallier ce manque en offrant des services financiers. Dell Financial Services gère 5 milliards de dollars d’actifs financiers.

De nombreux utilisateurs ont été échaudés par le système d’exploitation Windows Vista de Microsoft. L’arrivée de Windows 7 a-t-elle eu un effet sur le marché ?

Cela nous a beaucoup aidés à accélérer le cycle de renouvellement des machines. En voulant éviter Vista, de nombreuses sociétés sont restées sur Windows XP, un système d’exploitation vieux de plus de huit ans. Elles ont réalisé que bien des choses avaient changé depuis et qu’il était peut-être temps de moderniser leur parc informatique. L’arrivée de nouveaux processeurs Intel et AMD a également contribué à ce mouvement. Nous disons un grand merci à Microsoft !

Propos recueillis par Emmanuel Paquette, L’Expansion.com

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