Les cinq défis de la voiture connectée

Apple et Google cherchent à s’installer dans les tableaux de bord des voitures et signent des accords avec les constructeurs. Ces derniers sont poussés par leurs clients, qui veulent que leur auto soit aussi conviviale et communicante que leur smartphone. Mais ces équipements ont un coût.

LaSilicon Valley et les constructeurs automobiles dansent un tango subtil depuis une petite dizaine d’années. Le dernier pas a été, début janvier, l’annonce d’une alliance entre Google et plusieurs fabricants comme Audi et General Motors.

L’objectif de ces rapprochements est le développement d’une offre de voitures connectées. Depuis plus de six ans, les constructeurs proposent de marier Internet, les réseaux GSM et la voiture. Il s’agit généralement d’un équipement optionnel qui pousse plus loin le GPS, la téléphonie mains libres et l’autoradio. Il inclut généralement des informations (météo, news, horaires de train, d’avion, etc.), l’accès aux e-mails, aux SMS, les infos trafic pour le GPS, parfois la musique en streaming, le tout adapté à la conduite, en utilisant des technologies vocales. Peugeot ou Ford ajoutent les appels d’urgence, dispositif que la Commission européenne veut rendre obligatoire à partir de 2015. Un service de hub wi-fi, à l’attention des passagers, est aussi possible sur BMW ou Audi. Tesla va jusqu’à mettre à jour les logiciels de la voiture via le réseau GSM.

L’appétit des constructeurs répond à la pression de leurs clients, qui aiment leur smartphone et souhaitent retrouver dans la voiture des services similaires. “On voit encore beaucoup de gens qui consultent leur smartphone lorsqu’ils sont au volant, c’est un souci”, avance Didier Willems, directeur de la marque Audi en Belgique. La voiture connectée apporte une réponse, et “avec l’accord signé avec Google, à terme, c’est la voiture qui sera le smartphone”.

Cette évolution représente une manne en termes de services et de hardware, évaluée à près de 40 milliards d’euros en 2018, contre 13,1 milliards en 2012, selon le consultant SDB. Ces montants se partagent entre les fournisseurs de technologie, les réseaux de télécommunication, les fournisseurs de services et, bien sûr, les constructeurs d’automobiles.

L’essor de la voiture connectée affronte toutefois une série de défis :

1. Le coût

La voiture connectée est plus chère à l’achat et à l’usage. Il faut compter 200 euros pour le pack R-Link de Renault (Scénic Life) qui se présente sous la forme d’une tablette intégrée au tableau de bord, et qui inclut une carte SIM pour se brancher sur le réseau GSM (partout en Europe, via Orange). Plus des frais d’abonnement aux services : 69 euros par an pour le pack digital (e-mail, météo, Tweeter, etc.), après six mois d’essai gratuit ; 69 euros par an pour le service Live de TomTom (données trafic en temps réel pour le GPS) ; encore 99 euros de plus pour l’application Coyote. Chez BMW, le pack et les services Connected Drive coûtent 900 euros sur une BMW Série 3 (pour trois ans), avec l’option GPS prérequise. Dans certains cas, le coût d’usage passe par la facture du téléphone. Ford ou Audi, par exemple, n’utilisent pas de carte SIM spécifique, mais passent par le smartphone du conducteur, branché via Bluetooth.

2. Les faiblesses des réseaux télécoms

Les réseaux GSM présentent encore des imperfections. Il y a parfois des trous en dehors des villes pour la 3G (jusqu’à 1,8 Mb/seconde), où il faut se contenter d’un réseau Edge moins rapide (0,2 Mb/seconde). La 4G, très rapide, est encore embryonnaire en Belgique.

3. Le bras de fer constructeurs – prestataires

Les constructeurs automobiles sont très prudents dans leur relation avec des géants comme Apple ou Google. Ils n’ont pas envie de les voir s’installer dans leurs tableaux de bord et capter tous les revenus de la voiture connectée. Apple, par exemple, perçoit 30 % du montant des applications achetées sur les iPad ou iPhone. Google utilise Android pour vendre de la publicité. Les constructeurs sont coincés entre la pression des utilisateurs, qui apprécient les interfaces des iPhone ou Android, et le besoin de garder le contrôle de la relation avec l’automobiliste. Renault ou BMW, qui ne participent pas à l’alliance avec Google ni à l’accord iOS in the Car (lire l’encadré), ont développé leurs propres systèmes. R-Link, la plateforme du constructeur français, se présente sous la forme d’une tablette, avec des applications à la manière de l’iPad. Bien que Renault utilise Android comme base logicielle, il ne faut pas espérer aller chercher des applications sur l’Android Market. Seul le service de Renault, le R-Link Store, fournit les applications, sélectionnées et tarifées par le constructeur.

4. Des cycles contradictoires

L’implantation des technologies dans une voiture pose un souci de timing. Une voiture est utilisée en moyenne pendant sept ans par son propriétaire, contre deux pour un smartphone. La plateforme d’infotainement peut vite paraître vieillotte. Une des réponses possibles est la faculté de mettre à jour les modules d’infotainement, comme le propose Audi. L’approche est intéressante si le coût de l’opération reste raisonnable.

5. L’usage des données et la vie privée

La voiture connectée peut aussi communiquer les données sur le fonctionnement de la voiture. Elles peuvent servir à 1.000 choses, notamment à anticiper les pannes. “Lorsqu’un souci est détecté, le garage pourrait vous contacter pour vous inviter à venir contrôler la voiture”, prédit Didier Willems d’Audi Belgique. L’usage des données pose aussi des problèmes. “Les constructeurs auront une masse d’informations colossale à leur disposition. Ils sauront où vous êtes, votre vitesse, votre style de conduite, si vous avez commis une infraction, relève Eric Desomer, partner chez Deloitte, spécialiste de l’automobile. Cela ouvre des possibilités pour des services pour les assureurs, pour le marketing. Mais pose aussi la question de la vie privée.”

Le secteur automobile est conscient du risque d’un retour de flammes des clients. Le CEO de Ford Alan Mullaly a demandé début janvier, lors du Detroit Motor Show, qu’un cadre légal soit mis en place pour protéger la vie privée des automobilistes. Les clients pourraient s’effrayer si leur voiture connectée s’avérait trop bavarde.

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