iPad : 36 euros pour enrayer une vague de suicides

© Montage Bloomberg/PG

Qui connaît le nom de Foxconn en Europe ? C’est pourtant cette entreprise taïwanaise qui produit bon nombre de produits électroniques célèbres de grandes marques, notamment l’iPad, l’iPhone et la PS3. Mais elle fait tout pour qu’on parle d’elle le moins possible… Une discrétion malmenée par la vague de suicides qui ont frappé la société depuis le début de l’année. La direction a décidé d’augmenter les salaires de 30 % pour enrayer ce mouvement.

Confrontée à une vague de suicides parmi son personnel, la direction de Foxconn, le fournisseur chinois de l’iPad d’Apple notamment, a décidé d’augmenter les salaires de 30 %, a confirmé un porte-parole. Le salaire mensuel passe ainsi de 900 à 1.200 yuan, soit environ 143 euros… soit une progression de 36 euros.

Depuis le début de l’année, une dizaine de travailleurs de la société, basée dans le sud de la Chine, se sont suicidés, ce qui a conduit à un débat sur les conditions de travail et les salaires. Outre Apple, Foxconn travaille également pour Hewlett-Packard, Dell, Motorola, Nokia et Nintendo.

Ce ne sont certainement pas les seuls salariés chinois sacrifiés sur l’autel de la performance et de la compétitivité. Mais le taïwanais Foxconn Technology (également appelé Hon Hai Precision Industry) a “joué de malchance”, car l’affaire a éclaté à la veille du lancement international de l’iPad. Avec, à la clé, un drame qui réveille les consciences occidentales sur les conditions de travail harassantes des sous-traitants de l’électronique grand public. Certains lecteurs d’une enquête fouillée du quotidien britannique The Independant n’ont d’ailleurs pas hésité à appeler au boycott de l’iPad !

Foxconn : déjà un suicide en juillet 2009, après une fouille et un interrogatoire plutôt musclés

L’iPod, l’iPhone et maintenant l’iPad d’Apple, le Kindle d’Amazon, la PlayStation 3 de Sony, la Wii de Nintendo, des GSM Nokia, Motorola ou Sony Ericsson, des ordinateurs Dell ou HP… Tous ces symboles de l’électronique grand public sont fabriqués par une seule et même société : Hon Hai Precision Industry, plus connue sous le nom de Foxconn.

Ce géant très secret fait tout pour éviter qu’on parle de lui, notamment en interdisant l’accès de ses usines aux reporters et aux photographes et en employant plus de 1.000 agents de sécurité pour repousser les curieux. Malgré ses efforts, il ne parvient plus à se cacher aussi facilement que par le passé. En juillet dernier déjà, Foxconn s’était retrouvée sous les feux des projecteurs lorsqu’un de ses jeunes employés s’était suicidé après avoir égaré un des prototypes du nouvel iPhone. Une gaffe qui lui avait valu de subir une fouille de son appartement et un interrogatoire musclé par ses supérieurs.

Après coup, la société n’avait pas eu d’autre choix que de faire des excuses publiques. Cet épisode prouvait néanmoins que, chez Foxconn, on ne badine pas avec la sacro-sainte confidentialité exigée par les clients. Encore plus quand celui-ci s’appelle Apple, la société californienne étant elle aussi réputée pour son culte du secret. Ce qui n’empêche pas non plus les fuites. Plusieurs sites Internet avaient ainsi affirmé avec certitude que Foxconn produirait un “Tablet Mac” pour Apple, dont la commercialisation serait prévue au 1er trimestre 2010. Ce sera l’iPad.

Terry Gou, patron-fondateur de Foxconn : “Je déteste le fait d’être devenu célèbre !”

La préservation des secrets devient quasiment une mission impossible quand, comme Foxconn, on emploie près de 750.000 personnes et qu’on est devenu le plus gros fabricant de produits électroniques au monde, ainsi que le premier exportateur chinois.

“Je déteste le fait d’être devenu célèbre, regrettait Terry Gou, fondateur et président de Foxconn, dans le Wall Street Journal en 2007. Nous sommes devenus tellement grands que nous ne pouvons plus nous cacher.” Il s’agit là d’une de ses rares déclarations publiques, dans la mesure où le patron taïwanais accorde très peu d’interviews. La preuve : le quotidien américain a dû revenir à la charge pendant cinq ans avant de finalement décrocher une rencontre avec ce capitaine d’entreprise aussi puissant que discret.

C’est en 1974 que Terry Gou, dont les parents chinois ont fui vers Taïwan en 1949, a fondé sur l’ancienne île de Formose une société active dans la fabrication des boutons en plastique permettant de changer de chaîne sur les téléviseurs noir et blanc. Sentant très tôt venir l’engouement pour l’informatique et l’électronique grand public, il a progressivement transformé cette société en un “fabricant électronique tout-terrain”, capable de produire aussi bien des ordinateurs que des téléphones mobiles, des consoles de jeux et des téléviseurs LCD. Le principal bond en avant est venu en 1988, lorsque Foxconn a profité de l’apaisement relatif des tensions entre la Chine et Taïwan pour ouvrir sa première usine en “Chine continentale”, à Shenzhen, suivie depuis lors par une quinzaine d’autres sites partout à travers le pays.

Shenzhen reste néanmoins l’usine principale. S’assimilant à une véritable ville avec ses 270.000 employés, ce site gigantesque dispose de sa propre unité de pompiers, son hôpital, sa piscine, ses terrains de sport, ses magasins. Un petit Etat sur lequel Terry Gou règne en maître absolu, lui dont on dit qu’il est un grand admirateur de l’empereur mongol Gengis Khan. Loué pour son côté visionnaire et son énorme force de travail, le patron de Foxconn est décrit en tout cas comme un homme plutôt dictatorial, qui veille à ce que personne ne sorte du rang. Ce à quoi il répond : “Si vous voulez fabriquer des produits de qualité, ce qui est plus facile à dire qu’à faire, vous ne pouvez y arriver qu’en soignant votre culture d’entreprise.”

A noter que Terry Gou, classé 334e fortune mondiale par le magazine Forbes en 2009 (avec un patrimoine personnel estimé à 2 milliards de dollars), avait apparemment prévu de lever un peu le pied. La crise en a décidé autrement, l’obligeant à rester à la barre. Confronté à un ralentissement de la demande, il a pris des mesures drastiques pour réduire ses coûts, notamment en déplaçant une partie de la production chinoise vers le Viêtnam, où les salaires sont moins élevés. Une stratégie qui semble payante puisqu’au 3e trimestre, la société a enregistré des résultats bien meilleurs que prévu. Un bond dû aussi au succès de l’iPhone et du Kindle, dont les ventes ont défié la crise.

Trends.be

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