Décollage réussi pour Voyageprive.com

En proposant sur le Net des ventes événementielles de produits touristiques dégriffés, Voyageprive.com fait un carton. Démontage des recettes simples mais efficaces du créateur d’un des plus importants sites d’e-commerce français.

Personne ne l’a vu venir ! C’est pourtant avec des recettes de marketing aussi simples qu’efficaces que Denis Philipon a propulsé en quelques années son site de vente de voyages en ligne, Voyageprive.com, à des sommets inespérés. Grâce à ses 4 millions de membres et à ses 2,8 millions de visiteurs uniques, son “petit club” va réaliser 200 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2010. Un succès fulgurant fondé sur un concept simple : proposer sur le Web des ventes événementielles de produits touristiques dégriffés.

L’idée n’a rien de vraiment nouveau. Les ventes privées cartonnent dans le vêtement depuis 10 ans. C’est d’ailleurs l’un de ses camarades de promo de l’European Business School (EBS), Jacques-Antoine Granjon, qui a créé le site de référence, Vente-privee.com, en 2001. Le bradage en ligne des invendus des opérateurs de tourisme, lui, a été industrialisé dès 1984 par Francis Reversé, le créateur de Dégriftour, d’abord sur Minitel, puis sur Internet. Un métier que Philipon connaît bien : il a été patron pendant quatre ans de Lastminute France, la filiale hexagonale du voyagiste en ligne anglais Lastminute.com. Pour faire grandir la société, c’est lui qui a multiplié les acquisitions, dont celle de son principal concurrent, Dégriftour, en août 2000.

Un carton immédiat

En 2004, Lastminute est absorbé par l’américain Sabre. Poussé dehors, Denis Philippon part s’installer à Aix-en-Provence. “Je voulais depuis longtemps créer ma société”, explique-t-il. Il en fonde une demi-douzaine, du trading de minutes de télécoms à la vente de produits bio en passant par des séjours de thalasso ou des voyages au Maroc, avant de lancer, en 2006, Voyageprive.com.

Le concept cartonne immédiatement. Sans aucune publicité, le site engrange 9 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2006, puis 21 millions en 2007, 43 millions en 2008 et plus de 100 millions en 2009. Avec une marge de plus de 10 % à faire pâlir les ténors du secteur. En 2010, le site devrait annoncer pour plus de 200 millions d’euros de facturations.

Le coup de génie de Denis Philipon est d’avoir su éviter les écueils du déstockage massif en privilégiant des offres haut de gamme, vendues toute l’année, avec des remises variant de 30 à 70 %. Ce positionnement génère moins de volume – 350.000 clients ont voyagé grâce au site en 2009, contre 600.000 pour Promovacances -, mais il suscite également moins de déceptions pour les clients, et surtout beaucoup moins de plaintes. D’autant plus que Voyageprive.com garantit la disponibilité et la qualité des produits vendus.

Pierre & Vacances remplit discrètement ses résidences

Surtout, il pratique un astucieux marketing viral. Pour avoir accès à ses “bonnes affaires”, il faut montrer patte blanche. La sélection n’est pas très difficile, puisqu’il suffit de remplir un questionnaire en indiquant ses coordonnées. Mais il faut s’identifier, ce qui constitue une mine d’or pour relancer régulièrement et efficacement les clients. Tous les deux ou trois jours, ils reçoivent un courriel qui leur signale l’ouverture de nouvelles ventes. A la mi-octobre, ils pouvaient ainsi s’inscrire pour profiter de nuits dans le palace cannois Martinez, soldées à – 69 %, ou encore économiser 30 % sur un week-end au Futuroscope de Poitiers.

Si ces promos plaisent au public, elles permettent surtout aux opérateurs de “solder” leurs invendus en toute discrétion. En pleines vacances d’été, Pierre & Vacances a ainsi rempli ses résidences de tourisme à grand renfort de discrètes promotions. De la même façon, le nouvel hôtel marocain Mazagan Beach Resort, à El Jadida, a bradé ses chambres à – 70 % tout l’été.

Concerts et spectacles

Plus étonnant, le site est aussi utilisé par les organisateurs de concerts et de spectacles. Mais, pour ne pas concurrencer les réseaux de vente officiels, il leur propose des packages. En juin dernier, l’organisation du Main Square Festival d’Arras a furtivement cédé les places pour le concert de Prince en proposant, pour 159 euros, un lot comprenant le ticket d’entrée, un tee-shirt et un parfum. En octobre, même méthode pour la chanteuse Shakira, qui avait du mal à remplir les salles de sa tournée française. Résultat : un lot comprenant la place et… un ticket de métro était soldé à -40 %. Une formule maligne et d’autant plus efficace que, pour l’heure, Voyageprive.com n’a pas de concurrent sérieux : Sven Lung, le fondateur de Brandalley, a inauguré une embryonnaire partie “voyages” sur son site, et Thomas Cook veut proposer des ventes privées sur Thomascook.fr, mais qui ne concerneront que les produits du voyagiste.

Pendant ce temps, Denis Philipon se lance à la conquête du monde. Après avoir ouvert des versions britannique, espagnole et italienne, cet amoureux des Etats-Unis a décidé de s’installer début 2010 à San Francisco pour lancer son site américain. Un marché de près de 80 milliards de dollars qui progresse de 5 % par an, mais très concurrentiel. “Quand je suis allé étudier ce marché, en 2008, le principe des ventes privées était inconnu aux Etats-Unis. Aujourd’hui, je suis confronté à des mastodontes tels que l’américain Gilt, qui réalise déjà près de 500 millions de dollars de chiffre d’affaires après deux ans d’existence.” Pas de quoi effrayer notre serial entrepreneur : il ambitionne de séduire un million de membres américains fin 2010, qui lui rapporteraient 100 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Jean-Jacques Manceau

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