Bad buzz pour WhatsApp

Les apps signal et telegram ont gagné respectivement 9 et 12 millions d'adeptes en une semaine. © GETTY IMAGES

Le partage de données entre WhatsApp et Facebook provoque des réactions ulcérées de la part des utilisateurs de la messagerie. Au point de contraindre Facebook à postposer l’application de ses nouvelles conditions d’utilisation.

Une véritable fronde a émergé parmi les adeptes de WhatsApp, la star des messageries présente sur l’écran de smartphone de deux milliards d’êtres humains. Au centre de la polémique: le partage de données entre WhatsApp et sa maison mère Facebook. Présentées début janvier, les nouvelles conditions d’utilisation élargissent les possibilités d’échange de données personnelles entre les deux plateformes, mais aussi avec Instagram qui appartient également à Facebook. Le flou artistique qui règne autour de ces nouvelles règles irrite les utilisateurs de la messagerie qui ne tardent pas à le faire savoir… sur les réseaux sociaux.

Le mouvement de défiance vis-à-vis de WhatsApp se manifeste par un succès inattendu pour les messageries concurrentes. En une semaine, Telegram gagne 12 millions de nouveaux adeptes. Signal, dont le modèle repose sur la confidentialité, passe de 20 à 29 millions d’utilisateurs. L’influent patron de Tesla Elon Musk lui-même invite chacun à passer sur Signal. Le bad buzz est enclenché. Il finit par faire réagir Facebook: l’entrée en vigueur du nouveau dispositif prévue pour le 8 février est finalement reportée de trois mois. C’est la première fois qu’une grande plateforme du web fait machine arrière suite à un mouvement de contestation de ses utilisateurs concernant une question de protection de la vie privée.

Canal de vente directe

Que s’est-il passé? “Avant, tout le monde se fichait un peu des conditions générales. Mais le sujet ‘vie privée’ devient de plus en plus mainstream et génère de plus en plus de réactions”, analyse Jacques Folon, professeur à l’Ichec et spécialiste des données personnelles. Le fait que ce bad buzz concerne WhatsApp n’est pas un hasard, poursuit l’expert: “Une messagerie, c’est très intime. Les conversations qu’on y tient sont par essence personnelles. Personne n’a envie que ses messages se retrouvent sur la place publique. C’est ce qui explique les réactions épidermiques même si, au final, les nouvelles conditions d’utilisation ne changent pas grand-chose à la situation actuelle”. Le paradoxe de cette affaire, c’est en effet que le nouveau dispositif ne va pas révolutionner le partage de données pour les particuliers. Des données personnelles issues de WhatsApp comme le numéro de téléphone, l’adresse IP ou les caractéristiques du smartphone sont déjà partagées avec Facebook. Par contre, les messages et leur contenu sont chiffrés et le resteront, assure WhatsApp. Les nouvelles règles de partage de données concernent en fait une petite portion des communications sur la messagerie: celles établies entre un particulier et une entreprise. L’objectif de Facebook est de rentabiliser l’application WhatsApp, qui rapporte actuellement très peu d’argent à la multinationale.

Le plan vise à positionner la messagerie comme outil de communication vers les entreprises qui vendent des biens et des services en ligne. Facebook veut intégrer des boutons WhatsApp sur sa plateforme et sur les sites internet des e-commerçants. WhatsApp deviendrait donc un canal de vente directe entre le site et ses clients, ainsi qu’une nouvelle interface de communication pour le service après-vente. Ces fonctionnalités sont déjà testées en Inde. A terme, WhatsApp pourrait même servir d’application de paiement, ce qui est l’un des objectifs du projet diem (anciennement libra), la future cryptomonnaie de Facebook.

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