Texere Biotech, des tissus haute technologie

Jean-Jacques et Denis Dufrane : la rencontre du médecin et de l'ingénieur.

Texere Biotech a développé une ligne de production automatisée de greffons osseux. Un projet entrepreneurial innovant dans lequel père et fils ont uni leurs compétences respectives.

Difficile d’imaginer que dans la zone d’activités économiques de Frasnes-lez-Gosselies, à quelques kilomètres de Charleroi, se niche la première ligne complètement robotisée au monde pour le traitement de tissus humains. “Nous avons choisi ce bâtiment d’allure industrielle plutôt qu’un parc dédié aux biotechnologies pour montrer que notre ligne de production pouvait être implantée dans n’importe quel environnement, explique Denis Dufrane, cofondateur de Texere Biotech avec son père Jean-Jacques et

Olivier Bühlmann. Les robots sont installés dans des conteneurs maritimes. A terme, nous pourrons exporter nos lignes de production dans le monde entier et ainsi répondre à la demande en matière de greffons osseux.”

Projet familial et local

L’idée de créer Texere Biotech est née lors de discussions autour de la table familiale entre Denis Dufrane et son père Jean-Jacques. Le premier, médecin de formation, a notamment cofondé en 2013, Novadip Biosciences, une spin-off de l’UCLouvain et des Cliniques universitaires Saint-Luc spécialisée en médecine régénérative, dont il est depuis 2015 chief scientific officer. Le second a occupé les fonctions de directeur dans la business unit Industeel du groupe ArcelorMittal, et peut exciper d’une solide expérience industrielle.

Un atout de poids lorsqu’il s’est agi de faire transiter l’idée du papier à la réalité. S’est ajouté à ce duo familial, Olivier Bühlmann, un industriel suisse actif dans l’automation. En novembre 2016, la société est officiellement fondée. Son objectif : concevoir des unités de traitement totalement automatisées et très compactes pour la production de greffons osseux.

Les trois fondateurs sont seuls actionnaires de la société pour laquelle ils bénéficient du soutien de la Région wallonne via la DGO6 et de Sambrinvest au travers respectivement d’avances récupérables et de prêts. “Le projet s’est élaboré progressivement lors de discussions qui ont débuté fin 2015, poursuit Denis Dufrane. Au début, nous nous réunissions une fois par mois, puis rapidement une fois par semaine. Il fallait que le projet tienne la route du point de vue industriel.”

“C’est de la technologie au service de la solidarité.”© TEXERE Biotech

Le trio est complémentaire, Denis Dufrane apportant son expertise médicale, Jean-Jacques Dufrane et Olivier Bühlmann, leur expertise industrielle. Ils ont ainsi fourni la solution pour découper l’os avec de l’eau sous pression à 5.000 bars. “Le fait que le conseil d’administration soit identique au comité de gestion rend le processus de décision et d’action extrêmement rapide”, ajoute le médecin.

Sous-traitance aux banques de tissus

Les problèmes musculo-squelettiques sont le deuxième plus important facteur handicapant la vie et la productivité de 20 à 30% de la population mondiale. Un facteur en hausse continue, notamment du fait du vieillissement de la population, et qui explique pourquoi l’os est actuellement le deuxième tissu humain le plus transplanté, juste après le sang. Cette opération s’appelle l’allogreffe osseuse. Et pour la réussir, il convient de disposer de greffons qui présentent toutes les garanties de sécurité.

C’est ici qu’intervient Texere Biotech. Le procédé mis au point par la start-up permet, par exemple, de traiter une tête fémorale, prélevée lors d’une opération de la prothèse totale de la hanche, et d’optimiser la production de greffons – de l’ordre de 6 à 8 petits cubes par tête. Ces derniers sont inertes et décontaminés et donc compatibles avec chaque patient.

Nouvelle chaîne de valeur

“Nous offrons un service de sous-traitance aux banques de tissus d’os existantes pour la production de leurs greffons osseux dans des conditions d’hygiène parfaite avec une réduction du temps de traitement et du coût, détaille Denis Dufrane. Notre procédé offre une traçabilité complète et garantit la sécurité médicale par un traitement individualisé et personnalisé de chaque tissu et la qualité du produit final à un niveau jamais atteint à ce jour. Nous dédions nos efforts à l’utilisation des techniques avancées d’automatisation pour produire le meilleur tissu recyclé possible à moindre coût pour la chirurgie de réparation au bénéfice du plus grand nombre possible de patients à travers le monde.”

Le procédé mis au point par Texere Biotech est également un bel exemple d’industrie 4.0 dans lequel on retrouve automatisation, intelligence artificielle et reconnaissance visuelle (notamment pour l’optimisation de la découpe des tissus). Ce sont, en effet, six robots qui constituent cette ligne automatisée fonctionnant 24 heures sur 24 et sept jours sur sept sans aucune intervention humaine. L’entité est pilotée par Amel Tounsi, spécialiste en biologie cellulaire, qui occupe la fonction de COO, et un jeune ingénieur industriel. “Nous occupons deux personnes pour six robots mais il ne faut plus raisonner en termes d’industrie classique, souligne Denis Dufrane. Il faut voir la création d’emplois en amont, notamment pour le développement et la fabrication de ces lignes automatisées, ainsi qu’en aval, entre autres en termes de maintenance. C’est une nouvelle chaîne de valeur qui se met en place avec l’industrie 4.0.”

La production est assurée par six robots fonctionnant 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, sans aucune intervention humaine.
La production est assurée par six robots fonctionnant 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, sans aucune intervention humaine.© TEXERE Biotech

Dans le futur, Texere Biotech vise un triple objectif. D’abord, assurer la sous-traitance pour les banques de données en Belgique. Ensuite implémenter ses lignes de production en plug-in dans des pays étrangers. Enfin, se pencher sur d’autres tissus comme de la peau pour faire des pansements biologiques. Outre l’innovation technologique, le procédé développé par la start-up hainuyère s’inscrit également dans une dimension de santé publique qu’il convient de rappeler. Comme le dit Denis Dufrane : “C’est de la technologie au service de la solidarité”.

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