Le secret de la cession de son entreprise? La préparation!

La cession de son activité se prépare des années à l'avance. © Getty Images/iStockphoto

Un entrepreneur peut être amené à céder son entreprise pour de nombreuses raisons : départ à la retraite, dynamique de consolidation d’un secteur, etc. Lorsqu’il n’y a pas de successeur désigné ou de repreneur familial, une vente s’impose. Au-delà des chiffres, l’aspect émotionnel joue également un rôle important. Voici concrètement comment cela se passe.

Contrairement à ce que l’annonce surprise de la vente du Royal Sporting Club d’Anderlecht à Marc Coucke, en décembre dernier, pourrait laisser croire, la vente de son entreprise ne s’improvise pas. Il s’agit d’un long processus tant professionnel que personnel comme nous l’explique Michael Kalscheuer. Face à l’évolution du secteur de la distribution automobile et faute de successeur au sein de la famille, l’entrepreneur eupenois a cédé l’année dernière ses quatre concessions Mercedes en région liégeoise au groupe d’origine française CAR Avenue, présidé par Stéphane Bailly et représenté en Belgique par Benjamin Bauquin, directeur général BeLux. Johan Hatert, spécialiste des cessions et acquisitions au sein de BDO Corporate Finance, nous livre ses conseils d’expert.

1. Une longue réflexion

” J’étais déjà conscient de l’évolution fondamentale du secteur de la distribution automobile il y a cinq ans, je devais préparer mes entreprises à affronter un marché différent, où la taille deviendrait cruciale, se remémore Michel Kalscheuer. Dans un premier temps, nous avons investi dans une nouvelle concession automobile à Alleur, près de Liège, où nous disposions déjà d’un garage pour véhicules utilitaires. Cet investissement de 4,5 millions d’euros a été finalisé en 2013 et nous a permis de doubler nos ventes de voitures neuves. Malgré tout, cela n’était pas suffisant dans un marché marqué par une rapide consolidation. En interne, nous ne disposions que de deux solutions. La première était de se développer au travers d’autres marques, mais j’ai toujours été attaché à Mercedes. La seconde consistait à se développer géographiquement au sein de la marque à l’étoile, mais le réseau de concessionnaires était bien implanté, que cela soit dans le reste de la Wallonie, au Luxembourg ou dans les zones frontalières des pays voisins. ”

Conseil

” Si le mouvement de consolidation dans la distribution automobile est très présent, c’est loin d’être le seul secteur de la distribution à être en pleine mutation, pointe Johan Hatert. Nombre de PME doivent s’adapter à l’évolution rapide de leur marché. La réponse à ces défis peut être multiple (augmentation de capital, acquisition de concurrents, etc.), mais nous constatons que l’intégration à un groupe de grande taille du secteur est souvent, après réflexion des entrepreneurs, la voie privilégiée. Notons que la complexité émotionnelle d’une transaction au sein de la famille peut parfois ” ralentir/annuler ” la capacité de réactivité et d’objectivité nécessaire pour faire face à la rapide évolution du secteur. ”

2. Gérer l’émotionnel et préparer le futur

” Emotionnellement, le pas était difficile à franchir, admet Michael Kalscheuer. J’étais la sixième génération à la tête de l’entreprise fondée en 1832 par Johann Kalscheuer, qui fabriquait des carrosses. L’héritage familial était donc lourd, même si mon frère, copropriétaire et actif dans l’entreprise, m’avait clairement indiqué qu’il soutiendrait la stratégie du groupe. Ma fille aînée n’était pas intéressée par le secteur, alors que ma cadette était trop jeune pour que je puisse envisager de lui remettre l’entreprise. La situation familiale était donc assez limpide. A titre personnel, je me posais toutefois des questions sur mon avenir. Je n’avais pas de problème de santé ou financier et à 45 ans, je n’étais pas à l’âge où l’on envisage le plus naturellement de céder son entreprise pour prendre sa retraite. Ayant été administrateur délégué du groupe dès la fin de mes études et durant 25 ans, il ne m’était pas envisageable d’occuper un rôle de directeur général sans disposer de tous les leviers stratégiques. Il m’a ainsi fallu quelques années pour me convaincre qu’une vente était le bon choix. ”

Conseil

La cession de son activité se prépare des années à l’avance. D’un point de vue personnel/émotionnel, l’entrepreneur doit réfléchir à son rôle futur, en ce compris se poser la question de sa capacité à devenir un manager ou cadre au sein d’un plus grand groupe. Il évitera ainsi d’entamer des négociations portant sur son rôle post-cession alors même qu’il n’est pas intimement convaincu de pouvoir renoncer à son indépendance. D’un point de vue financier, Johan Hatert insiste également sur la structuration et la clarté de l’information financière à fournir. ” Il faut absolument que le compte de résultats et la rentabilité de l’activité convergent davantage. Les informations financières d’une PME structurée doivent être facilement lisibles. Il est également préférable d’éviter de réaliser un investissement significatif à la veille d’une cession, car les choix du repreneur auraient pu être tout autre. Il est enfin indispensable de ne pas attendre la cession envisagée pour structurer/distinguer les patrimoines de l’actionnaire et de la société. ”

3. Des comptes engageants

” Même si j’étais conscient que la cession s’imposait stratégiquement, je n’étais pas pressé, souligne Michael Kalscheuer. Les ventes évoluaient favorablement et je ne voulais pas céder le groupe au premier venu. Par respect pour mon travail, la famille et les 160 employés, je tenais à ce qu’un éventuel repreneur puisse présenter des garanties de sérieux et de professionnalisme pour poursuivre le développement des entreprises. Le hasard des rencontres m’a permis de faire la connaissance du groupe CAR Avenue, fondé par la famille Bailly. Leur philosophie familiale correspondait bien au groupe Kalscheuer et leur stratégie de développement multimarque reposait sur le même constat que j’avais pu faire au sujet de l’évolution de la distribution automobile. De fil en aiguille, le scénario d’une reprise s’est ainsi profilé jusqu’à des négociations en bonne et due forme courant 2016. Nous sommes parvenus à un accord de principe en novembre 2016. ”

Conseil

” Des comptes clairs et qui reflètent l’activité de l’entreprise sont évidemment beaucoup plus engageants pour l’acheteur. Nombre de sociétés, surtout de type PME, présentent des comptes qui ne peuvent tout simplement pas faire l’objet d’une première analyse et d’une décision stratégique initiale de la part de l’acheteur et de ses conseillers. Ces éléments que l’on pourrait caractériser de non opérationnels connaissent certaines limites et les acheteurs et conseillers professionnels peuvent parfois logiquement s’interroger sur le bien-fondé de certains montants présentés “, analyse Johan Hatert.

4. Du côté de l’acheteur

” Pour nous, la reprise du groupe Kalscheuer constituait une très belle opportunité, poursuit Benjamin Bauquin. La qualité des équipes de Kalscheuer Group nous a incités à sélectionner le successeur de Michael en interne, assurant ainsi la pérennité de l’entreprise. D’un point de vue stratégique, cette reprise nous permettait d’étoffer notre portefeuille de marques avec Mercedes-Benz. Nous sommes déjà présents en Belgique avec les marques Nissan et Infiniti à Liège, tandis que la marque historique du groupe CAR Avenue en France reste la marque Peugeot. Cette diversification est intéressante afin de mieux s’adapter aux cycles du marché et aux cycles de renouvellements des gammes constructeurs. ”

Conseil

Sur base des dizaines de transactions réalisées par BDO Corporate Finance chaque année, Johan Hatert relève que trop d’entrepreneurs/vendeurs ne font pas l’effort de se mettre à la place de leur interlocuteur. L’entrepreneur qui cède son activité ne peut donc se contenter de mettre en avant la rentabilité passée, il doit également démontrer son potentiel futur en montrant la qualité de son portefeuille de clients, les compétences de ses collaborateurs, etc. Par ailleurs, les négociations gagneront en fluidité et en objectivité si les professionnels amenés à discuter parlent le même langage, sont conscients des réalités des entreprises concernées et du secteur. ”

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