La Bruxelloise, l’échafaudage comme art de famille

Jackson, Emilie et Raphaël, trio principal de l'entreprise. © -

Chez les Van Cappel, ça monte et démonte depuis trois générations. L’entreprise bruxelloise a toujours tenu bon contre vent, drame et concurrents pour échafauder sa pérennité.

En ce matin blafard du mois de février, Jackson Van Cappel arpente le gravier mouillé de son dépôt de matériels à Perk. Montants métalliques, vérins, cadres, échelles, planchers en aluminium et garde-corps s’empilent avec discipline dans l’entrepôt, la cour centrale ou encore sur un camion bien chargé et prêt à partir. Bienvenue dans l’univers de La Bruxelloise, l’une des six entreprises d’échafaudages les plus actives en Belgique, première sur la capitale, et seule solide société vraiment familiale du secteur.

Raphaël Van Cappel, père de Jackson, le patron actuel, a démarré l’échafaudage il y a 50 ans. Un demi-siècle d’activités qui s’est ouvert par une première décennie difficile. Car l’échafaudage est gourmand en investissements financiers et exige matériel, bras et savoir-faire. Le fondateur va donc vite mettre au boulot ses cinq garçons : Jean, Willy, Jackson et leurs demi-frères Jean-Claude et Rudy. L’entreprise décolle. Mais en juillet 1995 survient le drame qui hante encore le clan Van Cappel : Willy tombe d’un échafaudage et décède.

“L’esprit de famille est notre filet de sécurité. Il nous permet de mieux résister aux coups durs, aux périodes de crise économique comme aux épreuves.”© –

Cette perte ébranle la société familiale. Mais chez les Van Cappel, on n’est pas du genre à se laisser abattre. On cultive la résilience, la persévérance. La preuve avec Raphaël, homonyme de son grand-père et fils du défunt Willy. En 2005, le jeune homme démarre dans la vie active directement au service de La Bruxelloise auprès de son oncle Jackson. Mais sans traitement de faveur, au bas de l’échelle, comme simple ouvrier pendant quatre ans. Pour apprendre le vrai métier et vivre ses difficultés comme n’importe quel autre membre de l’équipe. Ce n’est qu’une fois rompu à l’univers de l’échafaudage qu’il sera incorporé comme employé très polyvalent pour l’épauler dans l’administratif, l’établissement des devis, les visites de chantier, etc.

Depuis quatre ans, l’expansion de l’activité a aussi conduit à l’arrivée d’Emilie, la fille de Jackson, pour chapeauter toute l’administration. Après avoir justement été formée par Raphaël… Quant à Richard, demi-frère de Jackson par sa mère, il est le quatrième élément familial de la société et un des quatre chefs d’équipe sur chantier.

Gare Centrale, The Hotel, Otan…

On retrouve le trio central – Jackson, Raphaël et Emilie – dans le préfabriqué du dépôt de Perk qui leur sert de bureau – celui du siège de Haren est actuellement en travaux. Fiers de l’histoire de leur entreprise familiale, conscients de l’âpreté d’un métier talonné par des soucis récurrents : “Se faire payer dans les temps, absorber l’inflation du réglementaire et de l’administratif car l’aspect sécurité a pris une énorme importance, trouver de la main-d’oeuvre bien qualifiée en échafaudage, décrocher de bons clients”, énumère Jackson Van Cappel. Sur ce dernier volet, La Bruxelloise n’a visiblement pas à se plaindre : la gare Centrale en 2018, The Hotel auparavant, ou encore le méga-chantier du nouveau siège de l’Otan dont l’entreprise familiale a assuré les échafaudages d’une vingtaine de cours, soit 12.000 m2 au bas mot.

La Bruxelloise, l'échafaudage comme art de famille
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Actuellement, plus modestement, l’enseigne étale ses montants, planchers, cadres et échelles sur les 1.000 m2 de l'”appart hotel” Thon Résidence Parnasse de la rue d’Idalie, dans le quartier du Luxembourg. “Quant au palais de Justice place Poelaert, ce n’est heureusement pas nous, plaisante Jackson. Ce ne serait vraiment pas une bonne pub !”

C’est à son ADN que les Van Cappel attribuent tant la survie de l’entreprise que son succès. “L’esprit de famille est notre filet de sécurité. Il nous permet de mieux résister aux coups durs, aux périodes de crise économique comme aux épreuves, assure Jackson. La chute mortelle de mon frère Willy en a été une majeure, surmontée ensemble. Et puis,

à La Bruxelloise, on travaille surtout avec coeur et sérieux, comme nos parents nous l’on appris. Puis, on transmet ces valeurs aux plus jeunes”.

Raphaël, pilier de la troisième génération, acquiesce : “Comme membre de la famille, je me sens 100 fois plus impliqué que le serait un simple employé, plus concentré sur ses commissions que sur le bien de la société à long terme. La Bruxelloise, c’est toute ma vie, de mon grand-père à mon oncle, en passant par ma cousine, mon parrain et, évidemment, mon père disparu. Mon oncle m’a formé à tout, à une tradition de l’échafaudage, au respect d’un savoir-faire. Ma cousine Emilie et moi y apportons un supplément de modernité, de goût du jour dans la gestion.”

Emilie ne regrette en tout cas pas d’avoir lâché son premier métier de vendeuse en boulangerie pour rejoindre le très masculin milieu de l’échafaudage et la société familiale : “En matière de confiance et de solidarité, je trouve que c’est une force réelle de travailler en famille. D’autant qu’on arrive à bien séparer vie privée et boulot. Et non, les réunions de famille ne ressemblent pas à des conseils d’administration… Sauf peut-être les premières minutes !” plaisante la secrétaire administrative.

Expérience, savoir-faire et disponibilité

La dimension familiale de l’entreprise force apparemment aussi une reconnaissance particulière dans le secteur. Son enseigne vert et rouge flanquée du Manneken Pis jouit d’une réputation d’honnêteté, de justesse (dans le travail, les délais, les prix) et d’une expertise reconnue. “Ce métier est souvent un casse-tête âpre, dur, parfois dangereux, explique Raphaël. C’est pour ça qu’il doit être fait sérieusement par des gens sérieux, investis et expérimentés, qui ont l’oeil, la pratique et connaissent les ficelles. C’est aussi pour cette raison qu’on s’appuie toujours sur un même noyau de 12 à 15 ouvriers dont quatre chefs d’équipe. Ces derniers doivent avoir le permis camion, savoir gérer les hommes et diriger chaque (dé)montage dans les règles de l’art”.

Ajoutez à ceci que La Bruxelloise revendique 800 chantiers et autant d’échafaudages par an grâce à une activité quasi permanente… “Nous ne fermons que deux semaines, pendant les congés de Noël, grâce à un roulement des quatre équipes qui enquillent montage et démontage, poursuit le jeune superviseur. Une équipe de trois ouvriers peut monter jusqu’à trois échafaudages moyens par jour…”

La Bruxelloise, l'échafaudage comme art de famille
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Jackson sourit : “La transmission familiale, y a pas mieux pour préserver un savoir-faire, un patrimoine professionnel comme celui exigeant des échafaudages. Et on aura toujours besoin de ceux-ci, surtout en Belgique. Oui, c’est un gros casse-tête, mais quel chouette métier ! Chaque année, La Bruxelloise se renforce car on réinvestit dans du matériel qui permet encore plus et mieux.”

Après un instant de silence, il s’émerveille : “Moi je suis ému quand je vois tout notre matériel d’échafaudage empilé. Sincèrement, c’est beau à voir. Et même quand le dépôt est pratiquement vide, c’est beau aussi : cela signifie que les affaires tournent et qu’on bosse vraiment bien.”

La Bruxelloise en chiffres

16. Le nombre moyen de personnes au service de l’entreprise. Soit quatre salariés et une douzaine d’indépendants répartis en quatre équipes.

800. Le nombre d’échafaudages montés et démontés par an.

2. Le chiffre d’affaires, en millions d’euros, en 2018.

8 à 50. La fourchette de prix, en euros, du m2 d’échafaudage. Celui-ci est fixé en fonction de la difficulté du travail (accès, acheminement de matériel, travail en façade avant ou arrière). Il est le plus souvent de 8 à 15 euros.

Fernand Letist

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