L’internationalisation n’est pas un but en soi

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L’internationalisation crée-t-elle suffisamment de valeur (actionnariale) pour une entreprise familiale ? Le jeu en vaut-il la chandelle et la famille passe-t-elle le cap pour les bonnes raisons ? Les entreprises familiales se doivent de réaliser au préalable une analyse approfondie.

L’internationalisation doit être synonyme de croissance et l’entreprise ne croît que si elle peut créer de la valeur. Le gérant d’une entreprise familiale est convaincu, à juste titre, qu’il doit éviter la croissance pour la croissance. Dès lors, comment se justifie une aventure internationale ?

Pierre Walkiers, Managing Director ING Corporate Finance
Pierre Walkiers, Managing Director ING Corporate Finance

L’une des bonnes raisons qui peuvent pousser une entreprise à se lancer dans l’internationalisation, c’est d’avoir atteint le plafond sur le marché local. S’il n’est plus possible de croître sur le marché local, l’étranger devient un must. Cela permet de faire grimper le chiffre d’affaires et de garder les coûts sous contrôle. Prenons l’exemple d’une entreprise active dans le secteur de la construction qui utilise des machines et applications très spécifiques pour des travaux d’infrastructures. Elle peut difficilement se contenter de cibler uniquement les travaux d’infrastructure en Belgique. Pour une entreprise qui a besoin de matériel très spécialisé, l’échelle belge se révèle automatiquement un peu trop petite. Très souvent, cette observation va de pair avec le constat que les clients internationalisent eux aussi, si bien qu’il s’avère logique et même nécessaire de suivre. Ajoutons encore que généralement, le produit est relativement unique et est encore introuvable sur le marché étranger. L’absence ou presque de concurrence sur le marché étranger peut constituer une bonne raison pour internationaliser. Sur le plan financier, la logique est ici de réaliser des marges plus élevées.

Si les clients internationalisent eux aussi, il s’avère logique et même nécessaire de suivre.

Toutefois, la décision de l’internationalisation ne doit pas toujours être associée à la gestion des coûts ou à l’optimalisation de la marge bénéficiaire. L’image joue également un rôle non négligeable car l’internationalisation est synonyme d’un certain prestige. Surtout pour les entreprises actives dans le haut de gamme, il peut valoir la peine d’être visibles à des emplacements de premier ordre. Et bien que l’image soit alors la motivation principale, cette démarche a quand même des conséquences financières. Une marque internationale de produits de luxe, par exemple, est en mesure de fixer des prix plus élevés qu’une marque locale.

Quiconque entend créer de la valeur (pour les actionnaires) a par conséquent besoin de fondements solides. Mais les entreprises doivent également oser avouer que la valeur ajoutée à l’étranger est trop maigre. Une entreprise spécialisée dans la distribution de matériaux de construction et située près des entrepreneurs locaux pourrait se faire cette réflexion. Si la force d’une entreprise réside dans une connaissance approfondie des clients locaux, il n’est guère certain que le modèle soit aussi rentable à l’étranger. Même si une telle entreprise a atteint son niveau de saturation localement, elle peut se poser la question de savoir si la croissance à l’étranger est bel et bien le bon choix. Est-il bien nécessaire de devoir faire face à la rude concurrence des distributeurs locaux de matériaux de construction ? Connaissez-vous les habitudes du marché ? Combien allez-vous devoir investir pour apprendre à connaître ce marché local ? Pour les entreprises familiales, l’internationalisation ne peut pas devenir un but en soi. Ne franchissez le pas que si le projet international contribue à améliorer la rentabilité et à créer de la valeur pour les actionnaires.

Pierre Walkiers

Managing Director ING Corporate Finance

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