ZenTech: “On se demande encore pourquoi l’Etat ne veut pas de nos tests rapides”

La société liégeoise ZenTech attend toujours que l’État belge exécute la transaction amiable comprenant une indemnité de 6,5 millions d’euros en sa faveur. Et se demande toujours pourquoi ses tests rapides ne font pas partie de la stratégie de testing actuelle.

La société ZenTech, basée dans le parc scientifique de Liège, a développé un test sérologique de détection rapide des anticorps qui se développent en réaction au coronavirus. Sur base de la validation scientifique du produit effectué par le CHU de Liège, l’État avait pris l’initiative en avril dernier de passer commande pour 3.650.000 de ces tests rapides réalisés avec une simple goutte de sang (QuickZen). Avant que le Ministre De Backer, en charge à l’époque de la stratégie de testing, ne se rebiffe et n’annonce que les tests de la biotech liégeoise ne seraient finalement pas mis sur le marché, en raison d’une sensibilité trop basse.

L’Etat, dans sa défense de ne pas utiliser ces tests rapides a pris comme justificatif une étude réalisée in extremis par Sciensano*. Cinq mois après la conclusion du contrat, l’Institut scientifique de santé publique est venu contredire les précédentes études favorables. Avec une sensibilité (la capacité à détecter les anticorps) de 70 %, le test ZenTech a été recalé, le niveau minimum réclamé par l’Agence fédérale des médicaments (AFMPS) étant fixé à 90 %.

Pourquoi se priver de ces tests rapides, même avec une sensibilité plus faible, qui permettraient de désengorger, en temps de chaos sanitaire, les centres de testing ?

La question a toutefois le mérite d’être posée : pourquoi se priver de ces tests rapides, même avec une sensibilité plus basse, qui permettraient de désengorger, en temps de chaos sanitaire, les centres de testing ? D’autant que les études du CHU de Liège et de l’ULB, indiquent que le test ZenTech est fiable et respecte les critères de l’AFMPS ? “On ne comprend vraiment pas sur quoi s’est basé le protocole de Sciensano pour établir son rapport. Il est d’ailleurs incomplet et selon nous, ne respecte pas les règles déontologiques utilisés en matière d’études“, nous explique Eric-Louis Poskin, porte-parole de la société de biotech liégeoise. Et de s’interroger : “Quel est l’agenda caché derrière tout ça ?”

Moins cher, moins de personnel

Outre sa rapidité, le test ZenTech a l’avantage d’être moins coûteux et de mobiliser moins de personnel alors que la pénurie est criante, avance la société. “Pour un test PCR, il faut compter 50 euros et 8 personnes au total pour le réaliser, alors que le test rapide de ZenTech ne coûte que 9 euros et peut-être effectué par un seul médecin, sans analyse en laboratoire. D’autant que pour avoir les résultats d’un test PCR, il faut parfois quelques jours au lieu de quelques minutes seulement avec le nôtre“, argumente Eric-Louis Poskin.

Le test répond également, selon la société, a un besoin psychologique de la population qui demande à être vite rassurée sur une contamination éventuelle, d’autant plus, maintenant que les tests PCR ne sont réservés qu’aux personnes symptomatiques. Les tests rapides sont complémentaires avec d’autres méthodes (tests PCR, antigéniques et salivaires) dans la stratégie de testing belge. Coupler avec les gestes barrière, en période de crise, ils permettraiet en effet de désengorger les centres de testing, complètement débordés pour le moment.

ZenTech souligne par ailleurs son étonnement au regard de résultats du rapport de Sciensano qui ne sont, selon elle, pas cohérents ni avec les autres études, ni avec son utilisation actuelle. “20 à 30.000 tests de ZenTech ont en effet déjà été utilisés avec succès en Belgique, notamment auprès du personnel de différentes entreprises et de plusieurs communes de la province de Liège “, nous confie le porte-parole.

Contactée par nos soins, Isabelle Desombere, qui a mené cette étude de comparaison des 5 tests rapides explique: “Je tiens d’abord à souligner que nous ne sommes pas en charge de la commande de tests rapides ZenTech réalisée, il est vrai dans l’urgence de la première vague, par le gouvernement fédéral. Nous avons réalisé cette étude afin d’évaluer les prestations du test dans un contexte qui correspond à la situation d’un screening sur le terrain, dans le cabinet d’un médecin, alors que jusqu’à présent, les tests des universités avaient été effectués en laboratoires avec du sérum humain, ce qui donne des résultats moins fiables. Sur les 5 tests comparés, le test QuickZen n’était pas le meilleur. Sa sensitivité n’était pas assez élevée dans les circonstances réelles que nous avons étudiées.

Le rapport de l’Institut de santé publique que nous avons consulté conclut en effet: “Sur sang capillaire (goutte de sang prélevée par piqûre au doigt) (…) Le test QuickZen affiche des performances intermédiaires (spécificité de 73,6 % et sensibilité de 74,3 %).”

Une autre étude réalisée par FIND, l’organe de l’OMS chargé de récolter toutes les informations disponibles sur les tests à l’échelle mondiale, est en cours. Le verdict concernant le QuickZen n’est pas encore tombé à ce jour. Mais s’il devait être mauvais, l’AFMPS pourrait aller jusqu’à décider de le retirer du marché.

Malgré leur plus faible sensitivité, les tests rapides feront pourtant bientôt partie intégrante de la politique de testing, en Flandre du moins. Ce vendredi, on a ainsi appris que le gouvernement flamand avait acheté 4 millions de tests antigéniques rapides visant à détecter le Covid-19 via un prélèvement naso-pharyngé (voir aussi encadré ci-dessous). La Flandre n’a toutefois pas l’intention de remplacer les tests PCR, qui restent plus fiables. Les tests rapides seront utilisés prioritairement dans le secteur des soins de santé, dans l’enseignement et dans les entreprises, a annoncé le ministre flamand du Bien-être, Wouter Beke (CD&V). Ces tests de détection antigéniques rapides devraient être livrés dans un délai de deux à trois semaines, a précisé Wouter Beke dans un communiqué. Les négociations sont en cours sur le choix du fournisseur, nous fait savoir le porte-parole du ministre. “L’AFMPS a conclu que les 5 sociétés suivantes ont la meilleure offre: Abbott, AMEDA Labordiagnostik, Biosynex, Nal von Minden, et Surescreen.“, détaille-t-il.

Tests rapides sérologiques et tests rapides antigéniques

Il est important de différencier ici les tests rapides sérologiques, comme celui de ZenTech et d’autres sociétés, et les tests de détection antigéniques. Les tests rapides sérologiques se réalisent en piquant le doigt du patient. Le médecin prélève une simple goutte de sang et avec un appareil de lecture adapté (comme un test de grossesse) peut interpréter les résultats et dire si le patient présente des anticorps du coronavirus dans son sang. Les tests rapides antigéniques sont des tests réalisés, comme les tests PCR via un prélèvement dans le nez. Ils permettent de détecter directement le virus dans l’organisme. Ces deux types de tests ont l’avantage d’être moins fastidieux mais sont moins fiables que le test PCR. Ils sont complémentaires dans une stratégie de testing à grande échelle.

Début du mois, le journal HLN annonçait aussi que le gouvernement fédéral comptait déployer les tests rapides dans le pays. Produits par quelle société ? Chez Sciensano, on avance le nom de la société américaine Abbot mais sans certitude. Interrogé à ce sujet, le cabinet du nouveau ministre de la Santé Frank Vandenbrouck (SP.A) ne nous a pas répondu à l’heure d’écrire ces lignes.

Quant à savoir si le cabinet Vandenbrouck pourrait réévaluer l’utilisation de ses tests rapides sérologiques au niveau fédéral dans la situation actuelle ou dans un futur proche, ZenTech n’a pas reçu de signal dans ce sens.

Nous avons, par contre, reçu de l’intérêt de la part de la Région wallonne, dont des responsables ont visité nos installations. La ministre Morreale s’est montrée très intéressée. Mais avant qu’un éventuel appel d’offres ne soit rédigé en bonne et due forme, il faudra encore attendre.”

Et la société biotech de déplorer “ces obstacles administratifs et procéduriers alors que l’heure est à l’urgence dans la crise sanitaire actuelle”. “Nous sommes d’accord qu’il faut des procédures pour éliminer des produits non fiables, mais la situation sanitaire actuelle devrait faire accélérer les choses“, laisse entendre le porte-parole de ZenTech.

Retour sur le litige judiciaire qui oppose ZenTech à l’Etat belge.

L’État avait pris l’initiative en avril dernier de passer commande pour 3.650.000 de ces tests rapides ZenTech avant de changer d’avis. Selon la société biotech liégeoise, l’État a fait preuve de carence dans l’exécution de son contrat. Elle a décidé d’introduire une action devant le tribunal des référés de Liège pour que soient respectés les termes de ce contrat. Dans son ordonnance du 8 septembre, le tribunal de première instance donne raison à ZenTech et condamne l’État belge à exécuter et mettre en oeuvre le contrat sous peine d’une astreinte journalière de 10.000 euros.

En prolongement de ce jugement, l’État belge, représenté alors par les ministres Philippe De Backer (chargé de la politique de dépistage) et Maggy De Block (Santé), avait, “pour clore le conflit, rédigé une transaction amiable portant sur le règlement d’une indemnité de 6,5 millions d’euros“, rappelle ZenTech qui précise avoir signé cette convention le 14 septembre. “À ce jour, la convention de règlement amiable n’a été ni signée, ni mise en oeuvre par l’État Belge“, déplore la société. Celle-ci a également envoyé au nouveau ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke, un courrier, resté lettre morte.

Nous ne sommes pas des ‘va-t-en guerre’ dans cette affaire, nous sommes convaincus que le bon sens devrait l’emporter”, nous fait encore savoir Eric-Louis Poskin. La société liégeoise se dit ouverte à une solution positive portant, au minimum, sur l’exécution de la transaction amiable rédigée et proposée par l’Etat belge en septembre, mais elle reste déterminée à faire respecter l’intégralité de ses droits le cas échéant.

*Rapport de Sciensano intitulé “Performances de cinq tests rapides pour la détection d’anticorps anti-sars-cov-2 sur goutte de sang prélevée par piqûre au doigt” daté du 18 septembre 2020. Cette étude en vie réelle a été réalisée sur des sujets présentant des symptômes légers; des sujets atteints de formes graves de la maladie n’ont pas été inclus.

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