Wittamer a 100 ans… mais pas la folie des grandeurs

© Wittamer/PG

Fondée en 1910, la pâtisserie-chocolaterie est devenue, au fil des ans, une institution bruxelloise réputée dans le monde entier. Plutôt que d’ouvrir de nouvelles boutiques, Wittamer continue à investir dans son fief, au Sablon. Voilà peut-être le secret de sa longévité.

Marcolini, Debailleul, De Baere, Mahieu, Ducobu, … Autant de grands noms de la pâtisserie et de la chocolaterie belges qui sont passés dans les ateliers de Wittamer avant de voler de leurs propres ailes. Certains prospèrent toujours, d’autres ont revendu leur affaire ou ont carrément disparu à l’instar de Mahieu, déclaré en faillite au début de l’année. Le maître, Wittamer, lui, est toujours là, et bien là, avec son incontournable établissement installé depuis 100 ans sur la place du Grand Sablon, en plein c£ur de Bruxelles. De surcroît, la maison est restée aux mains de la famille de son fondateur Henri Wittamer.

La troisième génération aux commandes

Petit bout d’histoire. En 1910, Henri Wittamer choisit le Grand Sablon pour établir sa modeste boulangerie. Bien vu ! Car le quartier, qui n’a rien de huppé à l’époque, ne fera que monter. A sa mort, en 1945, le fondateur lègue à son fils unique Henri Gustave un commerce prospère. Avec sa femme Yvonne, ce dernier fait fructifier l’affaire familiale. En 1955, il y ajoute un salon de thé et forme son fils Paul, qui part se perfectionner dans l’une des plus prestigieuses écoles de pâtisserie-chocolaterie-confiserie, à Bâle (Suisse). A son retour, ce dernier introduit l’or brun dans la société. En 1980, il est rejoint par Myriam, sa soeur.

“Après le décès d’un autre de mes frères, j’ai repris les responsabilités de ma mère, qui était la cheville commerciale de la maison”, confie l’intéressée, qui s’occupe de l’administratif, du volet commercial et marketing et du design des créations. En 1985, Wittamer ouvre sur le même trottoir (au n°6) une deuxième implantation, dédiée à la vente de chocolats. Depuis 1994, Leslie Wittamer, la fille de Myriam, a rejoint l’équipe. Elle dirige le Wittamer Café, le salon de dégustation niché au premier étage de l’établissement.

Presque un passage obligé pour les touristes

Au fil des années, de la modeste boulangerie de quartier à la pâtisserie-chocolaterie de renommée internationale, la maison au logo en forme de W et aux couleurs fuchsia et marron, est ainsi devenue un haut lieu de la gourmandise. On y vient du monde entier pour goûter ses gâteaux au chocolat (Forêt noire et Samba) ou aux fruits (Lingot d’or), ses bavarois, ses glaces et autres misérables. Sans oublier sa panoplie de macarons – dont le fameux macaron au spéculoos, qui est depuis 2004 la véritable icône de la gamme – et ses collections renouvelées deux fois par an. Bref, le lieu est devenu un passage quasi obligé pour les touristes de la capitale. Une réputation encore renforcée par le titre de fournisseur officiel de la Cour de Belgique que la maison a reçu en 2000. Cerise sur le gâteau : Wittamer est membre de la prestigieuse association Relais Desserts, qui fait office de Top 100 des meilleurs pâtissiers du monde. Un club sélect qui ne comprend que trois autres maisons belges (Ducobu de Waterloo, Darcis de Verviers et Del Rey d’Anvers).

Pas de problème de succession familiale

Si Wittamer est resté une référence dans la pâtisserie haut de gamme alors que d’autres comme Nihoul, par exemple, ont fermé boutique, c’est parce que la famille, expliquent ses propriétaires, a bien géré la succession. “Dans les sociétés familiales, la plupart des problèmes sont liés à des questions de succession. Nous nous sommes bien entendus à la mort de mon père (Ndlr, en avril 2007)”, résume Paul Wittamer.

Il n’empêche : la gestion d’une PME comme la leur – qui occupe une cinquantaine de personnes, dont plus de 35 ouvriers – demeure un combat de tous les jours. “Nos méthodes de fabrication sont restées artisanales, cela nécessite beaucoup de main-d’oeuvre”, explique Paul Wittamer. La société, qui réalise encore toute sa production dans son atelier historique situé à l’arrière du magasin, reçoit chaque jour des commandes spéciales. Elle est aussi présente dans des corners chez Rob (Woluwe) et à La Grande Epicerie (Uccle), et elle livre tous les jours viennoiseries, plateaux-traiteur, buffets et pièces montées pour des événements d’entreprise et des réceptions privées.

Une expansion limitée

L’an dernier, ses ventes ont quelque peu souffert de la crise (3,8 millions d’euros). La société a toutefois terminé l’exercice avec un bénéfice net de 14.105 euros. “Nos résultats pour 2010 devraient être bien meilleurs. On sent la reprise depuis le début de l’année”, commente Myriam Wittamer. Ces chiffres ne comprennent pas les royalties que perçoit la famille en provenance du Japon. L’enseigne Wittamer est en effet présente, au pays du Soleil-Levant, depuis 20 ans. “Un homme d’affaires japonais a découvert notre magasin à la fin des années 1980. Il a signé un contrat de franchise et ouvert 15 magasins”, détaillent Myriam et Paul. L’internationalisation de Wittamer s’arrête là. L’expansion itou.

“Il est difficile de faire de la quantité et de la qualité, justifie Paul Wittamer. Tous ceux qui ont tenté de le faire se sont plantés. Notre métier est trop artisanal. La diversité de nos produits nous empêche d’ouvrir de nouveaux magasins.” Pour l’heure, la priorité de Myriam (63 ans) et Paul (67 ans) est de pérenniser la marque familiale. La relève n’est toutefois pas encore totalement assurée. Même si la fille de Myriam est impliquée dans la PME, aucun des autres membres de la famille n’est maître-pâtissier.

La boutique de chocolats du Sablon entièrement rénovée

Outre la sortie d’un livre retraçant l’histoire de la maison (*), le centième anniversaire était aussi l’occasion pour Wittamer de rénover sa boutique de chocolats, située au n°6. Le “nouveau” point de vente, qui rouvrira à la mi-novembre, proposera pralines et macarons. “La boutique a été entièrement remaniée et décorée dans un style beaucoup plus tendance. C’est un gros investissement !”, souligne Myriam Wittamer.

Un investissement devenu nécessaire tant la concurrence fait rage dans le quartier. Tous les grands, Marcolini, Godiva, Neuhaus, Leonidas, Côte d’Or, y sont présents. Sans compter l’arrivée, annoncée prochainement, de Patrick Roger, le chocolatier français qui monte…

Sandrine Vandendooren

(*) Pascale Boinem et Xavier Harcq, “La crème de la crème, 100 ans de confessions gourmandes”, Editions Racine.

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