Willy Naessens, serial entrepreneur: “Si vous voulez devenir riche, vous devez connaître beaucoup de gens”

WILLY NAESSENS © JONAS LAMPENS

Willy Naessens n’hésite pas à mettre sa vie privée sous les feux de la rampe, avec un seul objectif : faire de la publicité gratuite pour le groupe d’entreprises qui porte son nom. Mais loin des projecteurs, Naessens prépare surtout l’avenir de son empire familial dans la construction.

Certains entrepreneurs de premier plan jouent parfois au chat et à la souris avec les médias. Marc Coucke le fait avec désinvolture. Willy Naessens le fait délibérément, avec force pitreries dans des émissions de télévision telles que The Sky is the Limit sur la chaine flamande Vier. Il le fait en tandem, ou non, avec son épouse Marie-Jeanne. Le fait qu’il aime se mettre en avant au profit de sa cause détourne l’attention de son parcours professionnel. Tout n’a pas toujours été rose. “Les gens oublient facilement l’histoire passée”, déclare Naessens. En tant que jeune entrepreneur, le Flandrien en a vu de toutes les couleurs, a flirté avec la faillite au début des années 80 et a été, à plusieurs reprises, durement touché par un lymphome dans les années 90. “J’étais sûr que j’étais fichu”, a déclaré un jour Naessens à Trends.

Comment se compose le groupe Willy Naessens aujourd’hui ?

WILLY NAESSENS. “Nous avons une quarantaine d’entreprises, avec 21 usines. Ensemble, elles réalisent un chiffre d’affaires de 640 millions d’euros et emploient plus de 2 000 personnes. Chaque entreprise est dirigée par un directeur général. Ce n’est que lors de circonstances exceptionnelles qu’ils peuvent appeler et que nous venons les aider. Tous les trois mois, ils rendent des comptes et nous discutons des résultats au sein du comité exécutif. Au-dessus, il y a un conseil d’administration, dont je suis le président. Cela inclut également mon PDG, Dirk Deroose, mon épouse Marie-Jeanne, mon fils Sem et ma fille Veerle, ainsi que mon gendre Filip Van Hautegem.”

Qui participe au capital en dehors de la famille ?

“Seulement Dirk Deroose. Il a 4 à 4,5 pour cent.”

Comment envisagez-vous le futur ?

“J’ai fait en sorte de tout mettre en ordre afin qu’après moi, il n’y ait pas de querelle. J’avais dit à mes enfants : “Vous avez deux ans pour vous mettre d’accord”. Et ils ont accepté. Puis j’ai demandé : “Et si, après moi, l’un veut vendre et pas l’autre ?”. J’ai donné moi-même la solution : l’autre a toujours le droit de préemption, et celui qui veut vendre, peut vendre jusqu’à 1 % par an. Celui qui vend peut donc très bien vivre avec ce un pour cent, et l’autre peut le payer. Je pense que c’est un bon système et je le recommande à toute personne ayant un problème de succession. Il y a une autre condition : tant que je vivrai, je pourrai acheter, vendre ou déplacer des actions. Mais prédire ce qui se passera après ma mort est évidemment impossible. De plus, vous vivez aussi un peu au gré des humeurs de votre partenaire, je veux dire par là que la belle-famille peut aussi insister sur tel ou tel point. Je ne sais pas ce que feront ma fille et mon gendre.”

Avez-vous peur que l’entreprise soit vendue?

“Tant que je serai en vie, je ne vendrai pas. Il y a quelques mois, j’ai reçu une offre d’une très grande entreprise. J’ai refusé. Mais si mes enfants veulent reprendre une entreprise presque aussi grande que la nôtre, et qu’ils ont besoin de capitaux extérieurs pour le faire, je ne m’y opposerai pas. Un actionnaire minoritaire externe : si c’est ce qu’il faut pour avoir une croissance folle, c’est certainement possible.”

Avez-vous déjà pensé à une introduction en bourse ?

“Il y a environ dix ans. J’ai eu la chance d’y aller avec Montea. Ils avaient besoin de quelqu’un avec un portefeuille immobilier. Nous aurions fusionné nos avoirs. J’en doutais. Si je l’avais fait, cela aurait été bien car depuis, Montea a déjà pris de la valeur via marché boursier.”

Vous le regrettez ?

“Si nous l’avions fait, nous aurions pu faire mieux. Mais nous ne l’avons pas fait. Alors nous ne le regrettons pas. Nous sommes satisfaits de ce que nous avons.

Willy Naessens, entrepreneur, vient en Wallonie pour y trouver espace et main-d'oeuvre.
Willy Naessens, entrepreneur, vient en Wallonie pour y trouver espace et main-d’oeuvre.© KURT DESPLENTER/BELGAIMAGE

Vous avez été gravement malade à plusieurs reprises. Le Willy Naessens d’avant est-il différent du Willy Naessens d’après ?

“N’en doutez pas. Après cette maladie, j’ai profité de la vie. J’ai vu l’herbe pousser, entendu les oiseaux chanter et vu les arbres fleurir. Tout avait également été planifié et aucun client n’en a pâti. Depuis lors, je n’ai plus à m’inquiéter. Si demain je suis frappé d’incapacité de travail suite à un accident, une maladie ou encore de la démence, tout continuera à fonctionner.”

Et maintenant ?

“C’est vraiment fou. La demande pour des bâtiments logistiques a explosé. Pour un client qui achète maintenant, nous ne pouvons commencer à construire qu’en août ou septembre de l’année prochaine, au plus tôt. Et ils achètent quand même. L’argent n’est pas ‘cher’ et ils savent qu’ils ont du travail. De plus, nous demandons le même prix pour un bâtiment en béton que pour un bâtiment en métal. Le métal était autrefois moins cher, mais son prix a énormément augmenté. Le béton lui est désormais préféré, car le risque d’incendie est moindre. Les clients obtiennent aussi plus facilement leurs prêts de la part des banques pour cela. Mais nous ne pouvons pas satisfaire tout le monde, et c’est un gros problème. Ignace De Paepe (fondateur de MG Real Estate, une société de promotion immobilière à Gand) voulait acheter trois bâtiments, mais nous ne voulions pas vendre ce que nous

Vous êtes l’un des gagnants de la crise sanitaire?

“Comme tous ceux qui sont impliqués dans la logistique. C’est la même histoire que pour les piscines”.

On disait autrefois que les piscines étaient un bon indicateur des crises. En période difficile, la demande chutait. Ce n’est plus vrai aujourd’hui ?

“Non. Que doit faire un particulier, s’il a de l’argent ? A la banque, il en perd et les actions sont risquées. Alors il achète de belles voitures, des bateaux ou des piscines. Avec les piscines, pendant la crise du covid, les gens ne pouvaient pas partir en vacances à l’étranger. Maintenant, ils ont des vacances à la maison, c’est une plus-value.”

Etes-vous optimiste pour l’avenir ?

“Je ne suis pas diplômé universitaire, mais je suis entrepreneur depuis soixante ans. Et je sais que lorsque les choses vont très bien, elles vont généralement très mal ensuite. Nous sommes au sommet de la courbe, donc cela ne peut que descendre… Alors je dis constamment à mes employés : “Attention, assurez-vous d’avoir du liquide. Ils peuvent investir, mais garder aussi suffisamment de cash, car cela donne du pouvoir.”

Vous vous êtes diversifié dans l’alimentation depuis 2007. Ce n’était pas un succès total.

“La branche alimentaire a longtemps été dans le rouge. Depuis, nous avons vendu à perte deux entreprises de production de viande, mais nous avons conservé trois entreprises de distribution. Nous continuerons certainement à y investir. Par exemple, nous avons repris une petite entreprise de production de plats préparés, qui sera certainement un succès. Ma fille Veerle, qui dirige la division alimentaire, vient de me dire que nous ferons des bénéfices cette année. Nous allons donc rester dans l’alimentaire, à moins qu’une opportunité de vente en or ne se présente.”

Allez-vous continuer à vous diversifier ?

“Non, nous continuons simplement à travailler sur l’intégration dans le secteur de la construction et à nous y développer. J’appelle cela aussi de la diversification puisque nous réalisons nous-mêmes les travaux de terrassement et nous disposons de notre propre bureau d’études, du montage, du transport, d’une entreprise d’aluminium, d’une entreprise de verre et d’une entreprise de toiture. Tout pour la construction industrielle et les projets immobiliers de grande envergure. Par exemple, nous installons toutes les terrasses d’un immeuble d’habitations pour le groupe Degroote à Ostende. Nous pourrions également nous concentrer sur la construction de routes. Nous avons tout le matériel pour cela, mais nous ne le faisons pas car nous avons trop de travail.”

Vous avez acheté des hôtels.

“C’est un peu un ‘à côté’. Ils ont très bien réussi et ont gagné beaucoup d’argent, surtout notre hôtel en France. Mais soudain, le lock down est arrivé et on s’en est débarrassé. Il est resté vide pendant deux ans. Sa remise en ordre a coûté 125 000 euros. À Audenarde, nous avons un hôtel sur la place du marché, qui est vide depuis un an. Nous perdons toujours de l’argent avec ça. Je voulais aussi le vendre, mais ma fille ne voulait pas me laisser faire, car elle veut y vivre. J’ai également acheté un hôtel-restaurant à Geraardsbergen et j’ai investi 2 millions d’euros dans sa rénovation. Et j’ai également cinq cafés et restaurants en France et à Audenarde. Sur les cinq, trois étaient vides pendant la crise du coronavirus, maintenant il y en a deux. Quand ils seront tous occupés, je les vendrai. Je n’ai perdu que de l’argent avec cela.”

Comment voyez-vous votre rôle dans l’entreprise aujourd’hui ?

“Mon travail consiste à faire en sorte que les entreprises fonctionnent bien. Ce n’est que sporadiquement que je m’attaque, moi-même, à quelque chose d’opérationnel. Par exemple, il y a un directeur d’usine qui demande une augmentation dingue. Je vais résoudre cela moi-même, question de respect.

“En outre, je veux promouvoir le nom de ‘Willy Naessens’ aussi longtemps que possible. Mais le plus important est de toujours vérifier les cordons de la bourse, de lire correctement les bilans. Je suis toujours là, parce que je veux toujours savoir. J’ai travaillé dur pour cela. Nos managers peuvent faire ce qu’ils veulent, à une condition : ils doivent gagner de l’argent. S’ils le font bien, nous passons deux fois par an au maximum, pour prendre un café. Mais dès que cela ne va pas, nous dormons dans leur entreprise jusqu’à ce que le problème soit résolu. Ils le savent. Et si cela ne marche pas, on met quelqu’un à côté d’eux qui a carte blanche. Nous ne touchons jamais au salaire du manager, mais nous disons qu’au lieu de conduire une Mercedes, il conduira une Volkswagen.”

Comment décrochez-vous des contrats ?

“Je vais encore moi-même à beaucoup d’événements. En outre, mes employés, et certainement mes cadres supérieurs, sont obligés d’assister à des séminaires, des conférences et autres. Ils doivent apprendre à connaître les gens. Mon oncle André, producteur de télévision, disait toujours : “Si tu veux devenir riche, tu dois connaître beaucoup de gens”. C’est tout à fait vrai. Mes collaborateurs sont également obligés de lire les revues professionnelles. J’en ai lu plus de vingt. Ma fille ou Marie-Jeanne me signalent toujours les articles qui pourraient m’intéresser.”

Votre réseau est donc la clé de votre réussite ?

“Sans aucun doute. Mais sans publicité, cela ne fonctionne pas non plus. Vous devez faire de la publicité là où vous le pouvez. J’ai fait beaucoup de bruit. Au début, c’était peut-être un inconvénient, mais maintenant c’est un grand avantage. Je suis une attraction miniature.

Willy Naessens
Willy Naessens© Belga Images

“Nous avons fait calculer combien nous aurions dû payer pour ce temps passé à la télévision: 3 millions d’euros. C’est bien la preuve que nous devions essayer d’obtenir l’adhésion des médias. Et tu peux le faire qu’en étant fou. Comment j’en suis arrivé à cette conclusion ? J’ai, un jour, établi le record du monde de conduite d’un attelage de 72 chevaux de trait. VTM est venu filmer les sessions de formation, c’était le chaos avec les chevaux. VTM a tout diffusé et nous sommes apparus dans les médias 27 fois. J’ai alors compris que faire des choses stupides, cela se remarque. Et cela ne me coûte rien! “

Est-ce que vous vous amusez réellement de toutes ces choses ?

“Certainement !”

Allez-vous continuer à faire ce travail de relations publiques longtemps?

“Ma fille doit reprendre le flambeau, et elle commence. Cela lui a pris beaucoup de temps, (…) mais elle le fait bien. Mon gendre pourrait le faire aussi, mais il n’est pas très porté sur les médias” (rires).

Vos enfants ne pourraient pas construire une carrière comme la vôtre ?

“La situation actuelle est complètement différente de celle de mes débuts. Je n’avais pas d’argent et aucune reconnaissance de mon nom. Maintenant le train est en marche. Il faut s’assurer qu’il reste en mouvement. L’entreprise doit croître de cinq pour cent chaque année, et de dix pour cent si possible. Nous avons donc besoin d’argent. C’est tout ce qu’ils ont à faire. Ce n’est plus si difficile.”

Quelle est la marche à suivre ?

“En tant qu’entrepreneur, il faut avant tout avoir de l’enthousiasme. Sinon, ce n’est pas la peine de commencer. Ce que vous aimez faire, vous le faites bien. Vous devez également rechercher un bon secteur, comme la pétrochimie, l’industrie pharmaceutique ou la location d’équipements pour entrepreneurs. La troisième est de travailler dur et de prendre des risques calculés, et de s’entourer de spécialistes. De préférence des diplômés universitaires, si vous en avez les moyens.

“Une autre chose a joué un rôle : lorsque j’étais un jeune entrepreneur fauché, personne ne voulait me parler. J’étais ce gars qui était endetté jusqu’au cou. Je ne l’ai jamais oublié et je n’adresse plus la parole à ces personnes.”

Trouvez-vous qu’il est facile aujourd’hui de recruter des personnes motivées?

“C’est un sujet très sensible pour moi. Les temps ont changé, et en tant qu’entrepreneur, vous devez vous adapter à chaque génération… Comme de les voir le vendredi à 15 heures, prêts à partir pour en week-end, tandis que leurs partenaires attendent dans la voiture. Seuls 30 % des jeunes sont encore ‘vieux jeu’ et font des heures supplémentaires, ils veulent arriver à quelque chose dans la vie et ils iront loin ; les autres 70 % parlent surtout de ‘temps de qualité’. Lorsqu’ils postulent leur première question est de savoir quand ils pourront prendre des vacances. La deuxième question concerne la voiture de société qu’ils pourront conduire. Et la troisième est de savoir s’ils doivent faire des heures supplémentaires. Je ne peux pas changer cela.”

Vous regrettez quelque chose ?

“Les langues. Je ne suis allée à l’école que jusqu’à quatorze ans et, plus tard, j’ai suivi des cours du soir. Je connaissais bien le français, car heureusement j’avais été dans une école francophone. J’ai commencé à apprendre l’anglais et l’allemand, mais j’ai abandonné parce que j’avais trop de travail. Je peux me débrouiller, mais ce n’est pas comme je le veux.”

Quels sont les rêves pour l’avenir ?

“Être en bonne santé, et que les choses continuent à fonctionner comme elles le font maintenant. C’est tout. J’ai la vie dont je pouvais rêver. Je fais ce que j’aime et je suis très heureux. Les enfants font de leur mieux, les petits-enfants ont bien réussi à l’école. Nous n’avons ni trop ni trop peu d’argent. Que voulez-vous de plus ?”

Quel souhait figure encore sur votre bucketlist?

“J’aimerais toujours faire quelque chose dans l’immobilier. En fait, j’ai fondé une société immobilière avec Dirk Deroose, également parce qu’il voulait être actif dans ce domaine.”

Donc même l’ultime souhait est lié aux affaires ?

“Ah oui. Il faut toujours que ça ait un rapport avec le travail.”

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