Wallonie: les pôles de compétitivité veulent de la stabilité

La création de valeur ajoutée et d’emplois a bondi dans les entreprises des pôles depuis dix ans. Et pourtant, le budget des pôles n’est toujours pas garanti dans la durée.

En douze ans, les six pôles de compétitivité wallons ont validé plus de 270 projets de recherche. Cela a abouti au dépôt de 235 brevets et à la création d’une série d’entreprises. Et pas des moindres : les impressions 3D d’Andy-Shape, récemment choisies par Airbus, sont directement issues d’un projet des pôles de compétitivité. C’est le cas de Cardiotis (nouveau type de stent en cardiologie), de Cluepoints (outil statistique pour les études cliniques), des farines de blé “fonctionnalisées” qu’utilisent les Moulins de Statte pour remplacer les additifs alimentaires… Au total, l’emploi a progressé de 13% en dix ans dans les entreprises membres des pôles (contre -11% pour l’ensemble de l’industrie wallonne !) et la valeur ajoutée produite y a cru de… 51%.

“Il est difficile de tisser un lien direct entre le nombre de projets et les entreprises créées ou les produits amenés sur le marché, nuance Bernard Piette, directeur du pôle Logistics. Beaucoup de projets portent sur l’IT ou sur un composant. Ce sont des compléments d’une chaîne de valeurs, des briques dans un ensemble beaucoup plus large.” Les pôles de compétitivité ne financent des projets de recherche que s’ils ont une dimension collaborative entre plusieurs entreprises (dont au moins une PME) et un centre de recherche ou une université. Ils ont ainsi contribué à mailler le tissu économique wallon. “Cela permet d’ancrer des branches de multinationales, car elles ont développé tout un réseau d’expertise ici, commente Yves Jongen (IBA), président du pôle Mecatech. Les PME peuvent, elles, valoriser leur implication dans une série de projets ambitieux. Sans les pôles, beaucoup de PME n’auraient pas la possibilité d’investir dans la recherche et l’innovation.” Or, chacun s’accorde à dire que ce sont là les chemins de la réindustrialisation de la Wallonie.

Ce succès n’est guère contesté dans le monde politique. Quelles que soient les majorités, il n’y a, nous assure-t-on, jamais eu la moindre intervention politique pour sélectionner tel ou tel projet de recherche (l’évaluation est menée par un jury international, présidé par Luc Vansteenkiste, ancien patron de Recticel et ancien président de la FEB). Un très bon point pour la gouvernance wallonne. Et pourtant, les pôles ont un peu le sentiment de ne pas recevoir toute la considération qu’ils mériteraient. Ils regrettent notamment l’incertitude qui entoure constamment le déblocage des budgets de fonctionnement pour payer les salaires des quelque 60 personnes qui y travaillent. “Nous sommes début avril et le cadre de financement pour l’année 2019 n’est pas encore bouclé, explique François Héroufosse, directeur de Wagralim. Si nous étions rigoristes, nous devrions donner un préavis à tout le monde chaque début d’année.” D’où ce message conjoint des présidents de pôles au prochain gouvernement régional : garantissez-nous des budgets au moins pour toute la législature, nous en avons besoin pour stabiliser les équipes et conserver les expertises.

Rassurez-vous, on ne parle pas de montants énormes : 3 à 4 millions pour le fonctionnement et une cinquantaine de millions pour les projets de recherche. Les subsides wallons représentent la moitié du budget des pôles, le solde venant des cotisations des entreprises-membres (1.064 membres, dont 91% de PME) et de financements européens. Les aides ont un caractère multiplicateur. Philippe Denoël, le président de Biowin (pôle de compétitivité des sciences du vivant), glisse ainsi que le financement des projets du pôle à hauteur de 140 millions depuis dix ans ont permis une levée de fonds totale de 1,8 milliard d’euros !

Les frais de fonctionnement pourraient même diminuer à l’avenir car les six pôles devraient rejoindre d’ici un an ou deux les futurs bâtiments de l’Union wallonne des entreprises à Louvain-la-Neuve. Cette réunion devrait faciliter les projets transversaux entre les pôles et accentuer ainsi le label “collaboratif” qu’ils ont commencé à imprimer dans l’économie wallonne.

Les pôles de compétitivité ont été créés dans le cadre du Plan Marshall. Ils représentent six secteurs dans lesquels la Wallonie recensait, dès le départ, des leaders mondiaux ou à tout le moins des entreprises en passe de le devenir, ainsi qu’un tissu de recherche poussé. Il s’agit de Biowin (sciences du vivant), Greeenwin (technologies vertes), Logistics, Mecatech (génie mécanique), Skywin (aviation et espace) et Wagralim (agro-alimentaire). Il a été envisagé d’ajouter un 7e pôle pour le numérique mais les acteurs ont estimé que cet axe était résolument transversal.

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